Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 27 mars 2018 à 14h30
Protection des mineurs victimes d'infractions sexuelles — Article 2

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

Nous avons déjà à plusieurs reprises débattu de la question de la prescription des infractions sexuelles dans cet hémicycle. Pour beaucoup, l’allongement du délai de prescription est un gage de considération des victimes. Il semble inéluctable, à la lecture tant de cette proposition de loi que du projet de loi que nous étudierons bientôt.

Pourtant – c’est mon intime conviction –, s’il est absolument essentiel – et c’est l’état du droit – que le délai de prescription ne coure qu’à compter de la majorité, la tendance à l’allongement constant des délais n’est pas une réponse adéquate à la souffrance qui s’exprime.

À propos de la réforme de la prescription votée il y a à peine un an par le Parlement, le Syndicat de la magistrature rappelait que « les bonnes intentions ne font pas une bonne législation ».

Il affirmait également – et je partage ces propos – que « la prescription n’est pas l’ennemi de la justice, elle est au contraire un de ses piliers. Garantie essentielle pour le procès équitable et surtout, condition de l’apaisement social que la justice recherche, elle procède d’un équilibre complexe. »

De surcroît, nous ne pouvons ignorer les traductions concrètes de cet allongement de la prescription. Elles sont rappelées par les avocats et magistrats qui traitent de ces affaires : quelle que soit la crédibilité de la parole d’une victime, elle ne peut à elle seule et sans autre élément fonder une condamnation dans un État de droit.

Il n’est ainsi pas rare que les plaintes déposées tardivement soient classées ou qu’elles aboutissent à un non-lieu. Quelle souffrance alors pour les victimes !

Comme je l’ai déjà dit, la difficulté de tant de victimes mineures d’infractions sexuelles à parler, à porter plainte n’appelle pas une réponse uniquement législative ; elle exige aussi une réponse sociale et sociétale d’ampleur.

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