Intervention de Alain Richard

Réunion du 27 mars 2018 à 14h30
Protection des mineurs victimes d'infractions sexuelles — Article 2

Photo de Alain RichardAlain Richard :

Je voudrais me joindre à mes collègues qui objectent à l’idée de l’imprescriptibilité en rappelant simplement la raison d’être de la prescription.

La prescription vise non pas à pardonner ou à oublier, mais à s’assurer que le jour où la poursuite sera engagée, elle sera en situation d’aboutir équitablement. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les durées de prescription sont échelonnées suivant la gravité des infractions telles qu’elles sont énumérées dans le code pénal : plus l’acte est grave, plus l’incrimination et la peine encourue sont élevées, plus on doit se garantir contre toute erreur judiciaire.

Empêcher la prescription, c’est assumer le risque, contre toute l’expérience des acteurs de notre système judiciaire, y compris les défenseurs, d’engager trente-cinq, quarante, quarante-cinq ou cinquante ans après la commission de l’acte un procès qui a tous les risques d’aboutir à un fiasco judiciaire. À mesure que les décennies passent, les moindres éléments dont dispose l’accusation – qu’il s’agisse de preuves matérielles, de témoignages ou de recueils de simples faits de la vie – deviennent plus fragiles et plus contestables, conduisant le juge, placé devant une situation d’impossibilité, à écarter la culpabilité parce qu’il n’a plus rien pour la démontrer, comme l’a très bien dit Mme Gatel à l’instant.

Quelle que soit l’émotion que cause en nous l’évocation de ces crimes, je crois qu’il faut nous garder de prendre une position d’apparence dont nous ne verrons pas les conséquences avant des décennies, à défaut de quoi nous prendrions le risque que nos successeurs, particulièrement les juges, ne constatent dans vingt ou trente ans que la présente proposition de loi les a conduits dans une impasse.

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