Premièrement, je n’ai pas le sentiment, contrairement à ce que j’ai entendu à plusieurs reprises, que nous soyons dans une situation émotionnelle qui nous rendrait incapables de raison et de hauteur de vues. Ce débat est nécessaire et il mérite d’être tenu.
Deuxièmement, je ne reprendrai pas ce qu’a rappelé Alain Houpert il y a quelques instants concernant l’avis rendu par le Conseil d’État en 2015 sur la notion d’imprescriptibilité.
Troisièmement, Alain Richard vient d’indiquer que la prescription est nécessaire pour que le procès soit équitable, c’est-à-dire pour qu’il se tienne dans un délai permettant d’apporter des preuves. C’est pour cette raison que, en février 2017, nous avons adopté la proposition de loi d’Alain Tourret et Georges Fenech qui visait notamment à allonger les délais de prescription pour les délits. Il s’agissait en effet de prendre en compte l’évolution des technologies et des techniques qui permettent de révéler la vérité ou de faire progresser de façon plus scientifique les éléments d’enquête. Le prolongement du délai de prescription est fait pour ça.
Quatrièmement, sur toutes les travées de cet hémicycle, personne ne peut ignorer que la médecine et les sciences évoluent singulièrement en ce qui concerne le syndrome d’amnésie traumatique. En toute bonne foi, il me semble que notre devoir, notre responsabilité, ou en tout cas nos convictions doivent nous amener à comprendre ces évolutions et à en tenir compte.
Il y a un an, en ma qualité de rapporteur de la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière pénale, j’avais préconisé de ne pas changer les délais de prescription, car je n’avais alors pas de conviction profonde. On sentait bien qu’il y avait quelque chose, mais aucun élément ne nous permettait d’aller plus loin.
Un an plus tard, je trouve que les choses ont évolué. Je suis d’ailleurs assez content d’avoir rejeté l’amendement présenté par M. Kanner devant la commission des lois au mois d’octobre dernier, car son rejet a permis de donner naissance à la proposition de ce groupe de travail que le président Bas a bien voulu installer. C’est une chance, car cela nous permet d’avoir ce débat aujourd’hui.
Parce qu’il est un lieu de raison, le Sénat doit être capable de se projeter, d’entendre ce qui se passe.