Intervention de Marie Mercier

Réunion du 27 mars 2018 à 14h30
Protection des mineurs victimes d'infractions sexuelles — Article additionnel après l'article 3

Photo de Marie MercierMarie Mercier :

Je vais vous expliquer, ma chère collègue, la raison pour laquelle cet amendement est contraire à la position de la commission, qui y est défavorable. Comme l’a déjà dit Mme la secrétaire d’État, cette raison est simple : l’amendement est contraire aux exigences constitutionnelles.

Avant de développer, je tiens à vous rappeler que tout acte de pénétration sexuelle entre un majeur et un mineur de quinze ans est d’ores et déjà puni a minima des peines encourues pour atteinte sexuelle. La loi s’applique. Je rappelle également que, en l’état du droit, il est possible de déduire la contrainte morale ou la surprise du jeune âge de la victime, a fortiori d’une victime de treize ans. Je rappelle enfin qu’aucun changement législatif n’empêchera un débat à l’audience sur l’éventuel consentement ou non du mineur : la défense est libre et peut invoquer tout moyen qu’elle estime utile.

Pourquoi donc cet amendement est-il contraire à la Constitution ? Il vise à modifier les éléments constitutifs de l’infraction de viol en établissant indirectement une présomption irréfragable de culpabilité, considérant que tout rapport sexuel entre un majeur et un mineur de treize ans constitue un viol sans autre condition. Il s’agit en réalité du projet initial du Gouvernement, dont le seuil de quinze ans aurait été remplacé par celui de treize ans. Je vous renvoie tous aux arguments émis par le Conseil d’État dans son avis, arguments d’ailleurs repris dans le rapport d’information.

Je vais simplement en reprendre les principales lignes : le Conseil constitutionnel n’accepte les cas de présomption de culpabilité qu’à titre exceptionnel et sous deux réserves : cette présomption ne doit pas revêtir de caractère irréfragable et le respect des droits de la défense doit être assuré. Le dispositif de cet amendement ne répond manifestement pas à ces exigences : la défense doit toujours pouvoir se prononcer.

De surcroît, le Conseil constitutionnel rappelle de manière constante que, s’agissant des crimes et des délits, particulièrement en matière criminelle, la culpabilité ne saurait résulter de la seule imputabilité matérielle d’actes pénalement sanctionnés. Surtout, la définition d’une incrimination, singulièrement en matière criminelle, doit inclure, outre l’élément matériel de l’infraction, l’élément moral intentionnel ou non de celle-ci. Il n’y a pas d’élément intentionnel dans l’infraction envisagée dans le présent amendement.

Encore une fois, je comprends bien la volonté de ses auteurs, mais l’adoption d’un tel amendement n’est pas souhaitable en l’état actuel du droit : avec les délits d’atteinte sexuelle sur mineur de quinze ans et l’ensemble du système des circonstances aggravantes, qui sont fondées sur la notion de mineur de quinze ans, il existe déjà une protection particulière des mineurs de quinze ans dans notre droit. Il ne faudrait pas affaiblir cette protection en fixant le seuil à treize ans. Il faut protéger tous les mineurs sans créer d’effet de seuil.

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