Madame la présidente, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, résultant de dévolutions successorales non réglées et parfois même non ouvertes sur plusieurs générations dans les territoires ultramarins, les situations d’indivision sont devenues inextricables.
Cet état de fait contribue au gel du foncier disponible sur des territoires insulaires où celui-ci est rare. L’activité économique y est ainsi entravée.
Cette indivision durable et généralisée trouve son origine dans des raisons propres à chaque territoire, notamment le recours peu fréquent ou tardif aux notaires, la méfiance des familles et la crainte de spoliation, le coût des mutations et taxes sur les successions pour des familles souvent modestes.
Dès lors, dans les territoires ultramarins, il est fréquent de constater des successions non réglées sur plusieurs générations et des partages non faits ou non enregistrés selon les règles, entre plusieurs dizaines et parfois plusieurs centaines d’ayants droit indivisaires !
Ainsi, à Mayotte, que connaît bien notre rapporteur, le territoire de certaines communes se trouve presque intégralement en situation d’indivision. En Polynésie française, les nombreuses indivisions réunissent parfois des centaines d’indivisaires à la faveur de successions non liquidées depuis quatre ou cinq générations.
En Martinique, 26 % du foncier est géré en indivision et 14 % supplémentaires correspondent à des successions ouvertes.
Face à cette situation particulière du foncier ultramarin, très bien décrite dans le rapport d’information de la délégation sénatoriale à l’outre-mer, le législateur a souhaité intervenir pour adapter les règles du droit commun aux caractéristiques et contraintes spécifiques de ces territoires d’outre-mer en mettant en place un dispositif dérogatoire et temporaire de sortie d’indivision applicable jusqu’au 31 décembre 2028.
La commission des lois du Sénat, qui s’est inscrite dans la continuité des travaux engagés par l’Assemblée nationale, a souhaité renforcer bien plus encore l’équilibre entre efficacité et sécurité juridique du dispositif. Je m’en réjouis.
À l’article 1er, la commission des lois a étendu l’application du dispositif dérogatoire aux collectivités de Saint-Barthélemy et Saint-Martin.
Elle a ensuite prévu qu’il ne s’appliquerait qu’aux successions ouvertes depuis plus de dix ans et non pas aux successions ouvertes depuis plus de cinq ans, pour permettre aux héritiers d’exercer pleinement les actions qui leur sont ouvertes par le code civil.
Enfin, elle a mis en cohérence la majorité requise pour effectuer les actes d’administration et de gestion sur un bien détenu en indivision avec la nouvelle majorité retenue par le présent texte pour vendre ou partager le bien : plus de la moitié des droits indivis.
À l’article 2, en cas de projet de vente du bien à une personne étrangère à l’indivision, la commission des lois a prévu la possibilité pour tout indivisaire qui le souhaiterait d’exercer un droit de préemption pour se porter acquéreur du bien aux prix et conditions de la cession projetée.
Elle a ensuite supprimé la notion de présomption de consentement au projet de l’indivisaire qui ne se serait pas manifesté, estimant qu’il était plus pertinent de prévoir que la vente ou le partage du bien lui serait opposable.
Par ailleurs, la commission, afin d’encourager les héritiers à partager les biens indivis, a introduit un nouvel article 2 bis qui met en place une exonération de droit de partage de 2, 5 % pour les immeubles situés dans les territoires ultramarins concernés par le dispositif dérogatoire de sortie d’indivision.
Sur l’initiative de notre collègue Lana Tetuanui, la commission a également introduit un nouvel article 5 A, qui consacre la possibilité de procéder, en Polynésie française, à un partage du bien par souche quand le partage par tête est rendu impossible en raison notamment du nombre d’héritiers ou de l’ancienneté de la succession.
À l’article 5, la commission a étendu aux autres collectivités ultramarines concernées par le texte l’application du mécanisme créé au bénéfice de la Polynésie française, consistant à permettre au conjoint survivant ou à un héritier copropriétaire de bénéficier de l’attribution préférentielle du bien, en démontrant qu’il y a sa résidence de manière continue, paisible et publique depuis plus de dix ans au moment de l’introduction de la demande de partage en justice.
Enfin, la commission des lois a procédé à la même extension, à l’article 6, s’agissant du dispositif visant à empêcher la remise en cause d’un partage judiciaire transcrit ou exécuté par un héritier omis à la suite d’une erreur ou d’une ignorance, en limitant son action à la faculté de demander de recevoir sa part, soit en nature, soit en valeur, sans annulation du partage.
Avant de conclure, je souhaite saluer, à cette tribune, le travail effectué par notre rapporteur sur un sujet d’une grande complexité.
Madame la ministre, mes chers collègues, conscient que cette proposition de loi ainsi enrichie par la commission des lois du Sénat ne résoudra pas, à elle seule, les importantes difficultés foncières des territoires ultramarins, notre groupe estime toutefois qu’elle constitue un outil très utile de sécurisation du foncier.
Aussi, nous voterons en faveur de ce texte.