Concernant les résultats des visites domiciliaires, dans un cas, la visite domiciliaire a mis en évidence la commission d'une infraction de droit commun. Dans les autres cas, elle n'a pas donné lieu à la découverte d'éléments justifiant l'ouverture d'une enquête pour acte de terrorisme. Faut-il déplorer cette situation ? Je n'en suis pas sûr parce que cela renvoie peut-être à la vertu de levée de doute que j'évoquais précédemment. Dès lors que la requête, dans sa motivation, est conforme aux dispositions de la loi du 30 octobre, elle peut avoir pour effet de découvrir quelque chose que l'on cherche ou de fermer des portes. La levée de doute n'est pas forcément contradictoire avec la motivation telle qu'elle figure dans le texte.
Si l'on fait une comparaison avec ce qui s'est passé dans le cadre de l'état d'urgence, on retrouve à peu près le même ordre de grandeur : sur les dizaines et les dizaines de perquisitions opérées - pour ne pas dire les centaines de perquisitions -, vingt-trois enquêtes pour acte de terrorisme ont été déclenchées.
Les services de renseignement ont-ils les moyens de surveiller tous les fichés S ? Oui et non ; en tout cas, pas de la même façon.
La DGSI, en lien avec les filières irako-syriennes, suit quelque 2 000 individus. Il n'est pas tenable de suivre physiquement autant de personnes. Les modalités de suivi sont adaptées en fonction de l'analyse des services de renseignement sur le coefficient de dangerosité de l'individu. Certains vont donner lieu à un suivi relativement lâche, avec une moindre vigilance, alors que d'autres feront l'objet d'un suivi beaucoup plus strict et important.
Concernant les évolutions législatives, on dispose aujourd'hui de tout l'arsenal nécessaire. Pour autant, la perfection n'étant pas de ce monde, quelques améliorations pourraient être apportées ; j'en citerai quelques-unes : l'une porte sur l'entreprise individuelle terroriste et les autres sur l'application des peines, des dispositions qui découlent des lois du 3 juin et du 21 juillet 2016.
Le Conseil constitutionnel, en invalidant de façon partielle la définition d'« entreprise individuelle terroriste », a censuré des dispositions relatives à la recherche d'objets ou de substances de nature à créer un danger pour autrui. Cette décision nous met dans une posture assez complexe : dans le cadre de notre travail, sous la pression du risque zéro, on se rend compte que l'on a tendance à judiciariser le plus en amont possible pour éviter le passage à l'acte et, donc, le risque d'attentat.
Avec la disparition de cette disposition, faut-il attendre que la personne ait acquis un objet lui permettant de commettre un attentat, auquel cas on fait courir des risques manifestement très importants, vous en conviendrez, à nos concitoyens, ou faut-il, au contraire, intervenir bien plus en amont, auquel cas on prend un risque au regard de la procédure. Pour vous parler très franchement, nos collègues appellent ces opérations « les ouvertures couteau sous la gorge » : on est sur la ligne de crête et on fait bien souvent le pari du résultat de la perquisition. Si l'on trouve quelque chose, on est sauvé ; dans le cas contraire, on est très mal.
Cette situation a donné lieu à une réflexion commune au parquet de Paris et à la DGSI en vue de tirer les conséquences de l'invalidation de ce texte. Ajouter la tentative d'acquisition permettrait, juridiquement parlant, de donner une base légale plus solide à notre intervention. Nous avons fait des propositions en ce sens à la direction des affaires criminelles et des grâces à la mi-février.
D'autres dispositions pourraient être intéressantes.
En musclant le dispositif de l'aménagement des peines, la loi du 3 juin 2016 a eu pour effet qu'une libération conditionnelle ne peut désormais être accordée à un condamné pour terrorisme que si elle est assortie d'un placement sous surveillance électronique mobile ou qu'après exécution à titre probatoire d'une mesure de semi-liberté. Mais si un terroriste de nationalité étrangère exécute une peine en France, on ne peut plus recourir à la libération conditionnelle-expulsion, ce qui est relativement dommage. À un moment donné, cette personne aura vocation à rentrer dans son pays. On devrait donc assouplir la procédure pour en revenir à la libération conditionnelle-expulsion.
En outre, nous avons formulé deux autres propositions au ministère.
Premièrement, l'article 723-31 du code de procédure pénale prévoit que le risque de récidive doit être constaté par une expertise médicale. Or les experts médicaux rencontrent des difficultés pour remplir cette mission. Par exemple, l'expert ayant examiné Christian Ganczarski, lequel avait agressé trois gardiens à la prison de Vendin-le-Vieil, avait estimé que la dangerosité de ce dernier était très limitée. Il serait plus pertinent de confier cette responsabilité à la commission chargée de l'évaluation pluridisciplinaire de dangerosité.
Deuxièmement, une difficulté se pose concernant l'instauration des suivis post-peine après la libération du détenu. Le dispositif de droit commun consiste à prendre la période de réduction de peine dont le sortant de prison bénéficie pour la transformer en suivi post-peine, en vue d'éviter les sorties sèches de prison. Le juge de l'application des peines (JAP) peut décider une mesure d'incarcération provisoire pour une personne qui ne respecterait pas les obligations qui lui ont été imparties dans le cadre d'un sursis avec mise à l'épreuve par exemple ou d'un placement sous surveillance électronique mobile (PSEM). Dans le même esprit, le JAP pourrait prendre une mesure d'incarcération à l'égard du détenu libéré qui ne respecterait pas les obligations du suivi post-peine.
Je ne vous ferai pas une réponse de Normand pour ce qui concerne le parquet national,...