Intervention de François Bonhomme

Réunion du 10 avril 2018 à 14h30
Élection des représentants au parlement européen — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de François BonhommeFrançois Bonhomme :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, devant le niveau d’abstention aux élections européennes, chacun s’interroge sur la cause de ce fléau démocratique qui détourne les électeurs de leurs représentants. C’est la raison avancée, du moins par le Gouvernement, pour présenter le projet de loi que nous examinons.

Il est vrai – chacun peut le mesurer – que la quasi-totalité des Français ignore qui sont leurs représentants au Parlement européen. L’élection de ces derniers souffre assurément d’un fort déficit d’identification des enjeux. En la matière, c’est même probablement le pire des scrutins.

Il est vrai, également, que les huit circonscriptions interrégionales actuelles n’ont guère de sens. Trop étendues, elles ne sont identifiées par personne, et surtout pas par les électeurs.

Imaginez le tour de force conceptuel que doit faire un électeur qui découvre qu’une même circonscription s’étend de Saint-Pée-sur-Nivelle, au Pays basque, à Villeneuve-lès-Avignon, dans le Gard ; qu’une autre s’étend d’Omonville-la-Petite, dans la Manche, à Armentières, dans le Nord ; et qu’une autre encore s’étend du Chambon-sur-Lignon, en Haute-Loire, à La Chaussée-Saint-Victor, dans le Loir-et-Cher ! Convenons-en, ces circonscriptions sont vides de sens.

Ce découpage était supposé présenter une cohérence territoriale, afin de favoriser cette identification. C’est raté ! Il faut donc introduire plus de proximité.

J’en viens à la solution retenue par le Gouvernement pour corriger cette situation : il propose de créer une circonscription encore plus grande, une circonscription unique. Puisqu’il y a un défaut de proximité, créons une circonscription encore plus étendue : telle est la solution paradoxale qui nous est soumise !

On aurait pu espérer un redécoupage des circonscriptions correspondant aux treize régions instaurées par la loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral. C’est d’ailleurs l’objet de l’un des amendements que j’ai déposés, et qui vise à adapter le périmètre des circonscriptions régionales à la nouvelle carte des régions. Il faut toutefois relativiser l’amélioration de l’ancrage territorial que représenterait cette option compte tenu des difficultés du découpage régional de 2015.

En d’autres termes, alors que les députés européens sont actuellement élus dans des mégacirconscriptions interrégionales qui s’apparentent à des no man ’ s land faussement régionaux, nous aurons des députés européens encore plus irréels, en état d’apesanteur permanent faute du plus minime ancrage territorial.

En fait, la création d’une circonscription unique aura bien une conséquence, mais celle-ci est déjà inscrite dans le mode de scrutin proportionnel : le renforcement naturel du poids des états-majors et des organisations politiques, au détriment des personnalités et de leurs qualités propres.

En prétendant nationaliser les enjeux, vous ne ferez que placer les candidats sous le contrôle des partis et les candidats potentiels dans une situation de dépendance à leur égard.

On me rétorquera sans doute, la main sur le cœur, qu’il faut au contraire parier sur l’intelligence des partis et leur sens des responsabilités…

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