Intervention de François Bonhomme

Réunion du 10 avril 2018 à 14h30
Élection des représentants au parlement européen — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de François BonhommeFrançois Bonhomme :

… pour promouvoir des candidats de qualité. Je crois que ce n’est là qu’une douce berceuse. Les exemples d’apparatchiks, de recasés et de recalés en tout genre abondent au Parlement européen et seront confortés demain. (Mme Brigitte Micouleau et M. Jean-Paul Émorine applaudissent.)

Pas besoin de respecter une juste répartition géographique ni de s’embarrasser du cursus des candidats ou de leurs compétences, mieux encore, de leur expérience : seule comptera la place que leur organisation politique aura bien voulu leur octroyer.

Par conséquent, les mêmes causes produisant les mêmes effets, l’argument selon lequel le passage de la circonscription interrégionale à la circonscription nationale permettra de réduire l’abstention est une pure fantaisie. C’est illusoire !

En maintenant le mode de scrutin proportionnel, on ne fera qu’encourager les candidats sélectionnés à rester dans le moule des états-majors, à ne pas déplaire, à ne pas sortir de la ligne pour être sûrs d’être investis ou réinvestis le moment venu par leur parti dans une position éligible.

Nous avons connu le cas par le passé – la situation se reproduira immanquablement – de candidats ne connaissant strictement rien à l’Europe, mais en situation éligible, qui se retrouvaient élus par le simple effet mécanique de la proportionnelle, et ce quoi qu’ils fassent.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, la vraie question est celle du scrutin proportionnel, qui rend possible cette situation de dépendance très forte au parti plutôt qu’aux électeurs et qui suscite forcément le désintérêt et l’abstinence électorale, en raison précisément du parasitage du suffrage universel par le scrutin proportionnel.

À titre personnel, je considère que le vrai bouleversement serait d’élire des représentants européens au scrutin majoritaire dans le cadre de grandes circonscriptions. Madame la ministre, chacun des soixante-quatorze représentants français au Parlement européen serait élu par 900 000 citoyens, ce qui favoriserait l’assise territoriale qui fait défaut, et, par conséquent, une identification des candidats et des élus.

Je rappelle qu’il ne revient à chaque État membre de définir le mode d’élection de ses représentants au Parlement européen que de manière parfaitement théorique. L’Acte du 20 septembre 1976 portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct donne en effet la possibilité à chaque État membre de constituer des circonscriptions, mais sans porter globalement atteinte au caractère proportionnel du mode de scrutin.

Le mal profond de la représentation au Parlement européen que nous connaissions hier et qui perdurera malheureusement demain vient de cela et de rien d’autre. Le mode de scrutin majoritaire a au moins une vertu – nous l’avons encore vu au mois de juin dernier : ce sont les électeurs qui choisissent ou qui éliminent les candidats.

C’est le fondement du suffrage universel que de permettre un choix clair, sans que ce vote soit dénaturé par le filtre des organisations politiques.

Laisser croire que le redécoupage des circonscriptions va donner de la lisibilité et, plus encore, selon les propres termes du Gouvernement, de l’intelligibilité est pure fantaisie.

Mes chers collègues, le présent projet de loi est au mieux un projet placebo, et, sauf à croire à la chimie médicale, il relève de la poudre de perlimpinpin plutôt que du principe actif, capable de porter remède à un mal profond. Tout cela est moralement indéfendable, politiquement désastreux et désespérant pour l’enjeu européen.

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