Intervention de François Bonhomme

Réunion du 17 avril 2018 à 14h30
Transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de François BonhommeFrançois Bonhomme, rapporteur :

… et, ainsi, la poursuite de son parcours parlementaire.

Nous aurions pu imaginer qu’elle soit amendée par l’Assemblée nationale, ce qui aurait permis d’engager un dialogue – un véritable dialogue – entre les deux assemblées. Ce n’est malheureusement pas le choix que vous avez retenu.

Au demeurant, c’est regrettable et, plus encore, c’est dommageable, car, malheureusement, nous avons perdu beaucoup de temps, un temps précieux pour les collectivités locales

Il n’y a pas lieu de revenir sur la proposition de loi que vous venez de présenter, madame la ministre : celle-ci n’a pas été jugée satisfaisante par notre commission des lois.

D’abord, parce qu’elle maintient le caractère obligatoire du transfert des compétences et ne permet que d’obtenir un différé de cette obligation, en reportant celle-ci au plus tard au 1er janvier 2026, pour peu que soient réunies les conditions de minorité de blocage.

À ce stade, on peut s’interroger : pourquoi ne pas avoir calé complètement le dispositif de la minorité de blocage sur celui de la loi ALUR, la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, tel que prévu à son article 136 pour le transfert de la compétence en matière d’urbanisme ? Car, en réalité, ce qui est proposé par ce texte est non pas une réelle minorité de blocage, mais un simple différé de calendrier !

Ensuite, parce que la proposition de loi concerne les seules communes membres de communautés de communes et non pas les communes membres de communautés d’agglomération.

C’est là une situation bien fâcheuse et une réponse insuffisante, car la révision de la carte intercommunale de 2016–2017 a conduit – personne ne peut l’ignorer – à la mise en place de certaines communautés d’agglomération créées dans des territoires ruraux, qui ont des configurations parfaitement rurales : elles s’apparentent plus à des communautés de communes « rurales » qu’à de véritables communautés d’agglomération.

Par ailleurs, il est difficile de comprendre qu’au motif que 70 % d’entre elles ont déjà bénéficié du transfert de ces deux compétences, rien ne devrait être fait pour les 30 % restantes, pour lesquelles ces transferts soulèvent, vous le savez, de véritables enjeux et des problèmes d’ordre technique et financier.

Nous ne pouvons pas nous résoudre à suivre une telle marche forcée.

Enfin, et cela n’est pas la moindre des craintes, parce que la gestion des eaux pluviales et celle des eaux de ruissellement dans les zones urbaines ont été incluses dans la compétence « assainissement » des communautés de communes et d’agglomération, sans que ce rattachement soit toujours justifié ou opportun.

Pour ce qui concerne la compétence « gestion des eaux pluviales », vous vous basez sur une jurisprudence du Conseil d’État de 2013. Or cette décision du Conseil d’État, madame la ministre, est antérieure à la loi NOTRe et ne permet donc pas d’apporter un éclairage suffisant et pertinent sur la portée des articles 64 et 66 de cette loi.

Au demeurant, le cas d’espèce à l’origine de cette décision, qui concernait la communauté urbaine Marseille Provence Métropole, visait un contexte particulier, celle-ci étant en effet dotée d’un réseau unifié de collecte des eaux usées et des eaux pluviales.

Par ailleurs, les communautés urbaines exerçant de plein droit l’intégralité des compétences « eau », « assainissement », « voirie » et « GEMAPI », leur caractère urbanisé renforce naturellement le lien entre l’assainissement et la gestion des eaux pluviales.

La jurisprudence du Conseil d’État doit par conséquent s’entendre dans ce contexte très particulier.

En outre, rien n’indique que le Conseil d’État ait rattaché la compétence « gestion des eaux pluviales » à la compétence « assainissement » plutôt qu’à la compétence « eau », puisqu’il l’attribuait à la compétence « eau et assainissement » dans sa globalité, en application du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction alors en vigueur.

De plus, le service public de gestion des eaux pluviales urbaines est distinct de celui de l’assainissement, et les articles du code précité relatifs au service public de l’assainissement ne font référence qu’aux eaux usées et en aucun cas aux eaux pluviales.

Enfin, madame la ministre, vous le savez, le rattachement de la gestion des eaux pluviales urbaines à l’assainissement soulève également de nombreuses difficultés techniques. Si, dans certains territoires, il existe une cohérence entre les réseaux d’assainissement et les réseaux d’eaux pluviales, dans d’autres, la gestion des eaux pluviales peut être plus efficacement assurée en lien avec d’autres compétences, comme la gestion de la voirie, laquelle peut d’ailleurs relever d’autres échelons.

Quant au rattachement de la gestion des eaux de ruissellement à l’assainissement, il apparaît, lui aussi, totalement injustifié. Les difficultés que je viens de rappeler s’appliquent également à ce rattachement.

De surcroît, l’Assemblée nationale, sous couvert de précision et de coordination avec la jurisprudence du Conseil d’État, en a profité pour aller bien au-delà, puisque le Conseil d’État n’avait pas abordé cette question des eaux de ruissellement et ne s’était prononcé que sur les eaux pluviales.

Et, madame la ministre, lors des débats que nous avons eus en décembre dernier sur l’exercice de la compétence GEMAPI, notre rapporteur, Mathieu Darnaud, s’était interrogé à bon droit sur le rattachement de la gestion des eaux de ruissellement à la GEMAPI. C’est sur l’initiative de notre commission que nous avions finalement opté pour le financement d’actions y concourant par la taxe GEMAPI, mais la commission mixte paritaire n’avait pas retenu cette disposition.

Le Gouvernement devait déposer un rapport au Parlement sur cette question en février dernier, ce qu’il n’a pas fait encore à ce jour. Bref, la question n’est toujours pas mûre, et pourtant on cherche à imposer d’office une solution qui n’est clairement pas satisfaisante.

Voilà pourquoi, madame la ministre, la commission des lois a voté le rétablissement des principales dispositions de la proposition de loi adoptée par le Sénat à l’unanimité en février 2017 qui prévoit le maintien des compétences « eau » et « assainissement » parmi les compétences optionnelles des communautés de communes et des communautés d’agglomération, ainsi que la sécabilité de la gestion des eaux pluviales au sein de la compétence « assainissement » de ces mêmes EPCI.

Par ailleurs, la commission a choisi de ne faire aucune mention des eaux de ruissellement, cette dernière question ne pouvant être résolue sans disposer de l’ensemble des éléments nécessaires.

De ce fait, seul le texte du Sénat permet, selon nous, de répondre exactement aux véritables attentes des communes concernées. Celles-ci ont besoin que le transfert de leurs compétences « eau » et « assainissement » aux intercommunalités soit rendu optionnel et que les conditions de ce transfert éventuel soient aménagées et assouplies.

Notre texte permet aux intercommunalités qui le souhaitent ou qui sont mûres d’aller plus loin, et à celles qui seraient en butte à de trop grandes difficultés de s’en remettre tout simplement à leur capacité de discernement. Autrement dit, il faut faire confiance à l’intelligence des territoires, pour reprendre le titre d’un rapport fait au nom du Sénat par MM. Raffarin et Krattinger.

Madame la ministre, n’ayons pas peur, et surtout pas des libertés locales !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion