Intervention de Christophe-André Frassa

Réunion du 18 avril 2018 à 14h30
Protection des savoir-faire et des informations commerciales — Article 1er, amendements 5 3

Photo de Christophe-André FrassaChristophe-André Frassa :

L’amendement n° 5 rectifié, présenté par M. Ouzoulias, se situe dans le prolongement de l’amendement n° 3, visant à restreindre le champ de la protection du secret des affaires aux seules entreprises et aux relations entre elles. De plus, la définition du secret des affaires qui est proposée n’est pas conforme à la directive que nous transposons.

J’en suis le premier désolé, mais l’avis sera forcément défavorable. Vous voulez que nous ayons un débat ? Nous allons l’avoir. Mais on ne peut pas s’éloigner à ce point du texte de la commission et réclamer un débat. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, il n’y a pas que les entreprises qui s’agressent et qui agressent ; il y a aussi des personnes malveillantes. Or restreindre à ce point le secret des affaires aux seules entreprises et penser qu’il n’y a qu’elles qui s’agressent ou se volent les secrets des affaires me paraît tout de même dangereux pour celles-ci.

L’amendement n° 40, présenté par M. Durain, tend à revenir au texte de l’Assemblée nationale pour la rédaction du premier critère de la définition du secret des affaires.

Je le concède, traduite de l’anglais, la version française de la directive est très mal rédigée ; « rédigée avec les pieds » serait une expression exacte de ma pensée. §J’ai proposé à la commission une rédaction plus claire, sans en modifier le sens. En effet, qu’est-ce qu’une « personne agissant dans un secteur d’activité » ? Qu’est-ce qu’un « domaine d’activité s’occupant habituellement d’une catégorie d’informations » ? De telles formulations ne sont-elles pas aussi floues, pour ne pas dire plus ? Elles risquent de susciter une abondante jurisprudence ; je pense que vous en conviendrez avec moi.

Je ne comprends pas comment la nouvelle rédaction adoptée par la commission étendrait le champ de la définition par rapport à la directive ni pourquoi elle serait plus floue que celle de l’Assemblée nationale, si vous me permettez une telle immodestie. Ces deux formulations ont la même signification. On pourrait reprocher au texte de la commission de ne pas être identique au texte de la directive – je suis prêt à l’entendre –, mais pas d’avoir une portée juridique différente.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

L’amendement n° 4 et l’amendement n° 82 rectifié sont quasi identiques. Ils visent à revenir sur la modification adoptée par la commission, consistant à ce que l’information protégée par le secret ait une valeur économique et pas seulement commerciale, tout en exigeant le fait qu’elle confère un avantage concurrentiel à son détenteur. Sur ce second point, de nombreuses informations confidentielles ne confèrent pas nécessairement par elles-mêmes d’avantage concurrentiel à leur détenteur – je pourrais par exemple évoquer un projet de fusion avec une autre entreprise –, mais leur divulgation pourrait donner un avantage concurrentiel à une autre entreprise. Ils sont contraires à la position de la commission.

C’est pourquoi l’avis est défavorable sur ces deux amendements.

Alors que la commission a précisé – nous avons eu un certain débat sur la question – que la valeur économique de l’information protégée, en raison de son caractère secret, était l’un des trois critères de la définition du secret des affaires, les amendements identiques n° 39 rectifié, 52 et 56 ont pour objet de revenir au texte de l’Assemblée nationale, qui retenait la notion, à notre sens plus limitée, de « valeur commerciale ». La commission a voulu renforcer le niveau de protection en incluant des informations dépourvues de valeur commerciale en elles-mêmes, mais qui seraient utiles à une entreprise concurrente pour adapter sa propre stratégie. Cela vise par exemple les algorithmes – ils n’ont évidemment aucune valeur commerciale, mais ils ont aujourd’hui une valeur économique extrêmement importante pour les start-up ou les entreprises innovantes dans la Tech – ou les informations stratégiques de l’entreprise encore confidentielles : projet de fusion ou de croissance externe, lancement d’un nouveau produit.

Il s’agit effectivement d’une surtransposition ; je ne le cache pas. Elle est assumée comme telle et destinée à mieux protéger les entreprises françaises, comme le permet la directive. De plus, cette notion sera sans doute plus simple à apprécier pour le juge que celle de « valeur commerciale ». Au demeurant, le considérant 14 de la directive donne à la notion de valeur commerciale une interprétation tellement extensive qu’elle confine à la notion de valeur économique.

La commission a donc émis un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.

Enfin, l’amendement n° 68 rectifié vise à rétablir une disposition supprimée par la commission, selon laquelle les mesures de protection raisonnable d’une information protégée pourraient « notamment » consister en la mention explicite de son caractère confidentiel.

À mon sens, cette disposition est non seulement inutile, mais aussi source d’insécurité juridique pour les entreprises. Il n’est pas certain que la simple mention du caractère confidentiel d’une information pourrait toujours être jugée suffisante par un juge en tant que mesure de protection raisonnable. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

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