Intervention de Muriel Jourda

Réunion du 23 mai 2018 à 14h30
Élection des représentants au parlement européen — Adoption définitive des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Muriel JourdaMuriel Jourda :

Madame le président, madame le ministre, mes chers collègues, je vais sans doute faire entendre la première – et peut-être la dernière – voix dissonante dans cette assemblée.

Je ne reviendrai pas sur l’accord intervenu en commission mixte paritaire – le rapporteur Alain Richard en a évoqué les principaux éléments –, car il ne modifie pas la position du groupe Les Républicains. En effet, nous nous opposons au principe de ce projet de loi, qui vise à mettre fin au découpage des circonscriptions interrégionales pour l’élection au Parlement européen pour y substituer une circonscription nationale unique.

L’un des premiers arguments qui est avancé pour justifier l’adoption d’une circonscription unique réside dans le fait que ce système nous permettrait de nous aligner sur la majorité des pays européens. Cet argument ne nous semble pas pertinent et peut même apparaître assez piquant… En effet, au moment où le Gouvernement envisage d’introduire dans la Constitution une adaptation locale du droit, il promeut l’idée, dans une forme de grand écart intellectuel, qu’il serait judicieux d’appliquer à la France ce qui se fait dans d’autres pays. Qui plus est, les pays qui ont adopté ce système ne sont, bien souvent, pas comparables au nôtre, que ce soit par la taille ou le poids démographique. Pour aller vite, nous ne croyons pas que ce qui est valable en Estonie l’est nécessairement en France ! Ce premier argument n’est donc pas très convaincant.

En revanche, l’objectif du texte de lutter contre l’abstention et la faible visibilité des députés européens doit être regardé avec attention. Il faut bien admettre que l’abstention aux élections européennes constitue un réel problème et est préjudiciable à la démocratie. Il est nécessaire que les citoyens adhèrent à l’idée européenne, et je suis intimement convaincue qu’on ne fait pas le bonheur des peuples malgré eux.

En outre, nos représentants européens doivent avoir une assise démocratique suffisamment forte, car les décisions qu’ils prennent ont vocation à s’appliquer aux citoyens français. C’est pourquoi leur désignation par un nombre suffisamment important de citoyens est importante.

Certes, les circonscriptions interrégionales telles qu’elles existent aujourd’hui ne sont pas la panacée, car elles sont extrêmement vastes. Je ne prendrai comme exemple que la circonscription qui me concerne et qui va de l’île d’Ouessant à l’estuaire de la Gironde, un territoire certainement trop vaste pour assurer une véritable représentation. Pour autant, peut-on affirmer que le choix de la circonscription unique va nous permettre de résoudre cette difficulté et d’enrayer l’abstention ? Je ne le crois pas. En tout cas, cela n’a jamais été démontré par le passé, en particulier lorsque nous connaissions la circonscription unique – je rappelle que c’était le cas jusqu’en 2003. Ensuite, le lien entre le candidat et le territoire, même s’il est ténu aujourd’hui, va totalement disparaître avec ce système de circonscription unique nationale. Or la circonscription doit allier proximité et cohérence humaine ; tel n’est pas le cas dans la proposition qui nous est faite. C’est pourquoi nous ne l’adopterons pas.

Nous adopterons d’autant moins ce texte que ses conséquences pour les territoires ultramarins sont extrêmement fortes, comme l’a évoqué notre collègue Josiane Costes. On voit mal comment ces territoires pourraient être représentés correctement dans le nouveau système et avoir une place satisfaisante sur les listes nationales, leur permettant d’être entendus à Bruxelles.

À tout prendre, conserver la situation actuelle apparaissait comme la moins mauvaise des solutions, mais tel n’a pas été le choix du Gouvernement.

Nous n’adopterons pas les conclusions de la commission mixte paritaire pour un autre motif : l’ajout à l’article 7 d’une mention sur la possibilité de mettre en place des listes transnationales. Nous sommes en désaccord avec cette mesure, tant sur le fond que sur la forme. En réalité, et tout le monde le sait bien, le Parlement européen a choisi d’écarter cette idée de listes transnationales, de sorte qu’inscrire ce point dans le projet de loi ne sert à rien ! Comme l’a indiqué à juste titre le président de la commission des lois, Philippe Bas, lors de la réunion de la commission mixte paritaire, il ne sert à rien d’introduire dans la loi des dispositions qui n’ont pas de valeur normative. Il faut même éviter de le faire !

Voilà donc les éléments qui justifient que nous nous opposions à l’adoption des conclusions de la commission mixte paritaire. Le diagnostic sur l’abstention excessive est juste, mais le remède paraît inefficace et ne résoudra finalement ni le problème de l’abstention ni la crise de confiance qui existe aujourd’hui entre les citoyens et l’Europe. C’est pourquoi le groupe Les Républicains s’opposera au texte tel qu’il est proposé aujourd’hui.

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