Le code de déontologie médicale, contenu dans le code de la santé publique, indique clairement que c’est au médecin d’ajuster sa prescription à un examen objectif de la situation du patient. Pour quelle raison en irait-il autrement dans le cadre du suivi de grossesse ? La distinction qu’un médecin établit entre ses patients est non pas une atteinte au principe de justice mais bien une adaptation personnelle du médecin à chaque cas particulier.
Il serait par ailleurs absurde et traumatisant d’informer chaque femme enceinte de tous les risques potentiels de maladies et de handicaps qu’elle-même et son bébé encourent. Vouloir tout dépister est illusoire et fait perdre en sérénité la médecine prénatale.
Si ce dépistage n’est destiné qu’à la trisomie 21, il est alors l’instrument de l’organisation d’une pratique eugénique, condamnée par l’article 16-4 du code civil et punie de vingt ans de réclusion criminelle par le code pénal.
En effet, le dépistage de cette affection a comme conséquence quasi inéluctable l'interruption médicale de grossesse. Parce que la proposition de dépistage ainsi ciblée devient une obligation pour le médecin, la formulation de l'alinéa 4 de l’article 9 correspond bien à la mise en œuvre d'une pratique eugénique tendant à la sélection des personnes trisomiques, ce qui est en contradiction avec la loi.
Il est utile d'avoir en mémoire les recommandations du rapport du Conseil d'État sur la révision des lois de bioéthique : « L'eugénisme peut être désigné comme l'ensemble des méthodes et pratiques visant à améliorer le patrimoine génétique de l'espèce humaine. Il peut être le fruit d'une politique délibérément menée par un État et contraire à la dignité humaine. Il peut aussi être le résultat collectif d'une somme de décisions individuelles convergentes prises par les futurs parents dans une société où primerait la recherche de l’enfant parfait, ou du moins indemne de nombreuses affections graves. »
Le Conseil d’État ajoute : « Le cas de la trisomie 21 appelle à la vigilance : en France, 92 % des cas de trisomie 21 sont détectés, contre 70 % en moyenne européenne, et 96 % des cas ainsi détectés donnent lieu à une interruption de grossesse, ce qui traduit une pratique individuelle d'élimination presque systématique des fœtus porteurs.
« Il convient de rester vigilant afin que la politique de santé publique ne contribue pas, par effet de système, à favoriser un tel comportement collectif, mais permette au contraire la meilleure prise en charge du handicap. Il importe également de veiller à ce que le développement des prédispositions génétiques ne se traduise pas par des interruptions de grossesse, sans lien avec le niveau des risques encourus par l'enfant à naître. »