Intervention de Jean-Luc Fichet

Réunion du 5 juin 2018 à 21h30
Conclusions du rapport sécurité routière : mieux cibler pour plus d ' efficacité — Débat organisé à la demande de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et de la commission des lois constitutionnelles de législation du suffrage universel du règlement et d'administration générale

Photo de Jean-Luc FichetJean-Luc Fichet :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, malgré les mesures mises en œuvre par les gouvernements successifs au cours des dernières décennies, la route demeure, en France, la première cause de mort violente.

Chaque année, environ 3 500 personnes meurent dans un accident de voiture et 75 000 sont blessées, dont 28 000 grièvement.

Ce constat préoccupant appelle une politique publique forte de lutte contre l’insécurité routière.

La fixation des vitesses maximales autorisées, le port obligatoire de la ceinture et du casque, l’introduction du permis à points, ou encore l’introduction des radars automatiques sont autant de mesures qui ont permis de mieux sécuriser nos routes.

Ainsi, entre 1970 et 2010, la baisse du nombre de morts a été significative, puisque l’on est passé de plus de 17 000 personnes tuées à moins de 4 000.

Il semblerait toutefois que nous ayons atteint un palier : malgré de nouvelles mesures, les chiffres de l’insécurité routière ne diminuent plus depuis 2013 et sont même en légère augmentation.

Pour répondre à cette inversion de tendance, le Premier ministre a annoncé, le 9 janvier dernier, le lancement d’un nouveau plan de lutte contre l’insécurité routière.

Composé de dix-huit mesures, ce plan vise à donner une nouvelle impulsion, afin de faire baisser la mortalité sur les routes. L’objectif annoncé est ambitieux : atteindre moins de 2 000 morts sur les routes d’ici à 2020.

L’une de ces mesures a focalisé le débat public : l’abaissement, à compter du 1er juillet prochain, de la vitesse maximale autorisée de 90 kilomètres par heure à 80 kilomètres par heure sur les routes à double sens sans séparateur central. Cette décision est loin d’être anodine et concernera, dans la pratique, une part significative du réseau routier secondaire !

Cette mesure a suscité de nombreuses oppositions et critiques. Beaucoup s’interrogent sur son utilité et sur sa proportionnalité. Les incompréhensions parmi la population sont d’autant plus vives que le Gouvernement n’a pas procédé à une concertation préalable suffisante ni fourni d’éléments de nature à étayer sa décision.

Selon une étude récente réalisée par l’assureur Axa Prévention, 76 % des Français y seraient ainsi opposés.

Or nous savons que l’efficacité d’une mesure repose en partie sur sa compréhension et sur son acceptabilité par la population. Cela est d’autant plus vrai en matière de sécurité routière, domaine dans lequel le comportement des conducteurs joue un rôle majeur. Qui plus est, dans un contexte où la fracture territoriale et le sentiment d’éloignement, déjà éprouvés par beaucoup de nos concitoyens, risquent de s’en trouver exacerbés.

Je rappelle, en outre, qu’il est nécessaire d’aborder l’enjeu de la sécurité routière de manière globale, en incluant notamment la question des moyens accordés aux collectivités pour l’entretien et la réfection des routes, ou encore la prévention des conduites à risque telles que l’absorption d’alcool, de stupéfiants ou la prise de certains médicaments.

À la suite à cette annonce gouvernementale, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et la commission des lois du Sénat ont décidé, le 24 janvier dernier, de créer un groupe de travail pluraliste chargé de conduire ses travaux dans des délais contraints, liés au souhait de rendre des conclusions en temps utile, c’est-à-dire avant la publication du décret de mise en œuvre de la réduction de vitesse à 80 kilomètres par heure.

Nous nous sommes ainsi efforcés d’évaluer, sans a priori, l’utilité et l’efficacité de cette mesure en organisant une série d’auditions, afin d’entendre l’ensemble des parties prenantes : principaux acteurs de la sécurité routière, représentants d’élus locaux, usagers de la route…

Au total, quarante-sept personnes ont été entendues, à l’occasion de dix-sept auditions et tables rondes.

Nous avons, en parallèle, décidé d’ouvrir sur le site du Sénat un espace participatif, afin d’associer à cette réflexion l’ensemble de la société civile.

Le succès de cette plateforme est sans précédent : en quelques semaines, plus de 23 000 contributions de citoyens ont pu être collectées !

Dans l’ensemble, les témoignages recueillis font état d’un rejet assez large de la mesure au sein de la société civile. S’il est bien sûr difficile de généraliser ces conclusions, nous pouvons, en tout état de cause, y voir le signe d’une très forte mobilisation.

Les deux commissions ont adopté à l’unanimité le rapport que nous leur avons soumis le 18 avril dernier. Mes deux collègues vous présenteront de manière plus précise les résultats de nos travaux, ainsi que nos propositions. Je souhaite, à cet égard, rappeler qu’un consensus s’est très naturellement dégagé sur les conclusions de ce rapport.

Mes chers collègues, la réduction de la mortalité sur les routes doit, plus que jamais, être placée au rang de priorité. Mais il est de notre devoir de parlementaires de nous assurer que les mesures mises en œuvre par le Gouvernement sont pertinentes et proportionnées au regard de l’objectif poursuivi.

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