Séance en hémicycle du 5 juin 2018 à 21h30

Résumé de la séance

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La séance

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La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Marc Gabouty.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

L’ordre du jour appelle le débat sur les conclusions du rapport Sécurité routière : mieux cibler pour plus d ’ efficacité, organisé à la demande de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

La parole est à M. Jean-Luc Fichet, rapporteur du groupe de travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Fichet

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, malgré les mesures mises en œuvre par les gouvernements successifs au cours des dernières décennies, la route demeure, en France, la première cause de mort violente.

Chaque année, environ 3 500 personnes meurent dans un accident de voiture et 75 000 sont blessées, dont 28 000 grièvement.

Ce constat préoccupant appelle une politique publique forte de lutte contre l’insécurité routière.

La fixation des vitesses maximales autorisées, le port obligatoire de la ceinture et du casque, l’introduction du permis à points, ou encore l’introduction des radars automatiques sont autant de mesures qui ont permis de mieux sécuriser nos routes.

Ainsi, entre 1970 et 2010, la baisse du nombre de morts a été significative, puisque l’on est passé de plus de 17 000 personnes tuées à moins de 4 000.

Il semblerait toutefois que nous ayons atteint un palier : malgré de nouvelles mesures, les chiffres de l’insécurité routière ne diminuent plus depuis 2013 et sont même en légère augmentation.

Pour répondre à cette inversion de tendance, le Premier ministre a annoncé, le 9 janvier dernier, le lancement d’un nouveau plan de lutte contre l’insécurité routière.

Composé de dix-huit mesures, ce plan vise à donner une nouvelle impulsion, afin de faire baisser la mortalité sur les routes. L’objectif annoncé est ambitieux : atteindre moins de 2 000 morts sur les routes d’ici à 2020.

L’une de ces mesures a focalisé le débat public : l’abaissement, à compter du 1er juillet prochain, de la vitesse maximale autorisée de 90 kilomètres par heure à 80 kilomètres par heure sur les routes à double sens sans séparateur central. Cette décision est loin d’être anodine et concernera, dans la pratique, une part significative du réseau routier secondaire !

Cette mesure a suscité de nombreuses oppositions et critiques. Beaucoup s’interrogent sur son utilité et sur sa proportionnalité. Les incompréhensions parmi la population sont d’autant plus vives que le Gouvernement n’a pas procédé à une concertation préalable suffisante ni fourni d’éléments de nature à étayer sa décision.

Selon une étude récente réalisée par l’assureur Axa Prévention, 76 % des Français y seraient ainsi opposés.

Or nous savons que l’efficacité d’une mesure repose en partie sur sa compréhension et sur son acceptabilité par la population. Cela est d’autant plus vrai en matière de sécurité routière, domaine dans lequel le comportement des conducteurs joue un rôle majeur. Qui plus est, dans un contexte où la fracture territoriale et le sentiment d’éloignement, déjà éprouvés par beaucoup de nos concitoyens, risquent de s’en trouver exacerbés.

Je rappelle, en outre, qu’il est nécessaire d’aborder l’enjeu de la sécurité routière de manière globale, en incluant notamment la question des moyens accordés aux collectivités pour l’entretien et la réfection des routes, ou encore la prévention des conduites à risque telles que l’absorption d’alcool, de stupéfiants ou la prise de certains médicaments.

À la suite à cette annonce gouvernementale, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et la commission des lois du Sénat ont décidé, le 24 janvier dernier, de créer un groupe de travail pluraliste chargé de conduire ses travaux dans des délais contraints, liés au souhait de rendre des conclusions en temps utile, c’est-à-dire avant la publication du décret de mise en œuvre de la réduction de vitesse à 80 kilomètres par heure.

Nous nous sommes ainsi efforcés d’évaluer, sans a priori, l’utilité et l’efficacité de cette mesure en organisant une série d’auditions, afin d’entendre l’ensemble des parties prenantes : principaux acteurs de la sécurité routière, représentants d’élus locaux, usagers de la route…

Au total, quarante-sept personnes ont été entendues, à l’occasion de dix-sept auditions et tables rondes.

Nous avons, en parallèle, décidé d’ouvrir sur le site du Sénat un espace participatif, afin d’associer à cette réflexion l’ensemble de la société civile.

Le succès de cette plateforme est sans précédent : en quelques semaines, plus de 23 000 contributions de citoyens ont pu être collectées !

Dans l’ensemble, les témoignages recueillis font état d’un rejet assez large de la mesure au sein de la société civile. S’il est bien sûr difficile de généraliser ces conclusions, nous pouvons, en tout état de cause, y voir le signe d’une très forte mobilisation.

Les deux commissions ont adopté à l’unanimité le rapport que nous leur avons soumis le 18 avril dernier. Mes deux collègues vous présenteront de manière plus précise les résultats de nos travaux, ainsi que nos propositions. Je souhaite, à cet égard, rappeler qu’un consensus s’est très naturellement dégagé sur les conclusions de ce rapport.

Mes chers collègues, la réduction de la mortalité sur les routes doit, plus que jamais, être placée au rang de priorité. Mais il est de notre devoir de parlementaires de nous assurer que les mesures mises en œuvre par le Gouvernement sont pertinentes et proportionnées au regard de l’objectif poursuivi.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

M. le président. La parole est à M. Michel Raison, rapporteur du groupe de travail.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Raison

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, chers collègues, si nous sommes rassemblés ici ce soir, c’est parce que nous nous accordons tous unanimement pour reconnaître la gravité de ce dossier et que nous sommes tous très sensibles à la sécurité routière. Je tenais à le rappeler !

J’ai, à dire vrai, de bonnes raisons de reprendre la genèse de cette histoire, qui fait énormément de bruit à l’échelon national, en fait toujours et n’a pas fini d’en faire, je peux vous l’assurer, madame la ministre ! En effet, lorsque les premières questions ont été posées au Gouvernement, que ce soit ici au Sénat ou à l’Assemblée nationale, les réponses des différents ministres ont été méprisantes, infantilisantes, voire culpabilisantes vis-à-vis des parlementaires !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Raison

Lorsque nous leur avons demandé sur quelles bases et à partir de quelles expérimentations cette mesure avait été décidée, nous n’avons obtenu, dans un premier temps, aucune réponse ! Et c’est ainsi que, grâce à l’appui du président Larcher, du président de la commission des lois, du président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, il a été décidé, au Sénat, dont on ne peut mettre en doute ni la sagesse ni le sérieux et dont le rôle est aussi de contrôler le Gouvernement, de constituer un groupe de travail sur le sujet.

Nous nous sommes mis au travail. Aux premières questions que nous avons posées, nous avons eu beaucoup de mal à obtenir des réponses. Ce fut le cas pour cette fameuse étude du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, ou CEREMA. Les choses furent encore beaucoup plus difficiles quand nous avons abordé l’étude de l’accidentalité.

Nos conclusions ont toutefois été assez claires : si personne ne détient la vérité, pas plus en matière de sécurité routière que dans d’autres domaines, la limitation de la vitesse à 80 kilomètres par heure constitue un seuil psychologique inacceptable. De plus, les 400 000 kilomètres de routes secondaires concernés se trouvent dans des départements qui, l’un après l’autre, se sont vu refuser des mises à deux fois deux voies de routes. Récemment d’ailleurs, la Cour des comptes a souligné les lenteurs excessives de l’État à propos d’une route à deux fois deux voies ; celle-ci était située, me semble-t-il, en Saône-et-Loire, mais on pourrait citer des exemples dans beaucoup d’autres départements.

Or si le Gouvernement avait vraiment envie de réduire le nombre de morts, puisqu’il nous explique que celles-ci sont beaucoup moins nombreuses sur les routes à deux fois deux voies, il fallait commencer par cela ! Surtout qu’il récolte 2 milliards d’euros grâce aux PV ! Quand même peut-être y a-t-il moyen de faire un peu plus !

Certes, je le répète, personne n’est sûr de détenir la vérité, mais il faut se poser de nombreuses questions quand on sait que, comme vient de le souligner mon collègue, 76 % des Français sont opposés à cette mesure. Ce pourcentage englobe des gens des villes et des gens des champs. L’Assemblée des départements de France, l’ADF, dont nous avons auditionné les représentants, lesquels adhèrent à la conclusion que va développer ma collègue Michèle Vullien, est également opposée à cette mesure.

Plus grave encore, nous avons senti, madame la ministre, une fracture assez importante au sein du Gouvernement.

À additionner tous ces points de vue, notre position s’en trouve largement confortée.

Votre ministre de tutelle a récemment sorti son joker. Le ministre chargé de l’aménagement du territoire s’est déclaré officiellement opposé. J’ai lu le dernier article consacré au sujet par Le Parisien et j’ai compté une dizaine de ministres sur vingt-deux qui étaient défavorables à cette mesure.

Et ce n’est pas de notre faute si la communication du Premier ministre a dérapé dès le départ. Sur les dix-huit mesures prises, il ne nous a parlé que de la limitation de la vitesse à 80 kilomètres par heure sans nous donner la moindre explication et sans nous dire pourquoi, en s’appuyant sur des arguments scientifiques, cette mesure pouvait être mise en place.

On ne saura d’ailleurs jamais si elle porte ses fruits. En effet, dans le même temps, on installe des radars plus performants à double sens. Heureusement, on compte quelques routes à deux fois deux voies supplémentaires. Et la technologie des véhicules s’améliore, ce qui va également permettre de sauver des vies. Si bien que le bilan fait en fin d’année fera peut-être état de vies sauvées, mais l’on ne pourra jamais être certain que ce succès est dû à la limitation de la vitesse à 80 kilomètres par heure. Je vais évidemment continuer à travailler sur ce sujet.

Je ferai maintenant une dernière remarque. Parmi les dix-huit mesures, il en est une sur la prévention routière qui est complètement vide ! Et pendant ce temps-là, le Premier ministre nous dit que le surplus des PV – ce qui représente 300 à 400 millions d’euros, car l’une des rares mesures qu’on ait pris la peine d’évaluer, c’est ce que vont rapporter les PV !– sera dédié aux hôpitaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Raison

Je rappellerai au passage que la base de la sécurité routière, ce n’est pas la réparation du mal, c’est la prévention ! Lorsqu’une jambe est coupée ou que le crâne est fracturé, il est trop tard !

Je souhaite très fortement que la prévention soit renforcée, et ce sera l’une de nos actions futures. Quand vous pensez que le budget de la prévention routière a été ramené à 12 millions d’euros et que l’État lui donne généreusement 30 000 euros, après avoir prélevé 2 milliards d’euros d’impôts sur le dos de cette masse d’automobilistes qui n’ont parfois dépassé la vitesse maximale autorisée que d’un kilomètre par heure, on peut se poser beaucoup de questions sur la validité de ces mesures !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Raison

Je ne rentrerai pas dans le détail de l’analyse des chiffres, qui est faussée.

Je dirai, en guise de conclusion, que les publicités actuellement diffusées à la télévision ne sont pas loin d’être mensongères. Mes collègues et moi- même avons, par honnêteté, refusé de comparer la France avec d’autres pays parce que la comparaison ne vaut pas. Je pourrais pourtant dire que, en Allemagne, on roule plus vite que chez nous et qu’il y a moins de morts, je pourrais dire que, en Angleterre, on roule également plus vite. J’ai refusé de le faire, ce dont le Premier ministre, en revanche, ne s’est pas privé dans les publicités !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

M. le président. La parole est à Mme Michèle Vullien, rapporteur du groupe de travail.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Vullien

Mme Michèle Vullien, rapporteur du groupe de travail. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, permettez-moi de commencer par remercier mes deux collègues qui viennent de s’exprimer. Ensemble, nous avons formé un trio qui, je le pense, a travaillé tout à fait honnêtement. Je tiens également à remercier les administrateurs qui nous ont accompagnés tout au long de ces quarante-sept auditions et qui ont rédigé le rapport actuellement à votre disposition pour un coût de 3, 50 euros, mais qui sera donné gracieusement !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Vullien

Le 14 juin prochain, les trois rapporteurs du groupe de travail sur la sécurité routière iront défendre leurs travaux et leurs recommandations auprès du Premier ministre Édouard Philippe. Je m’y rendrai avec la ferme volonté de le convaincre de changer ses positions.

Il est bien évident que nous partageons les mêmes objectifs : comme mes collègues l’ont dit, chaque mort, chaque blessé est de toute façon un mort ou un blessé de trop. Le débat n’est pas là : il porte sur les moyens et les modalités de mise en œuvre.

La décision unilatérale de limiter la vitesse à 80 kilomètres par heure est bien le premier couac, parce qu’elle a focalisé l’ensemble des critiques et que la brutalité de son annonce constitue à mes yeux un paradoxe.

Paradoxe, d’abord, au regard du discours général du Gouvernement vantant les mérites de la concertation et le respect des spécificités des territoires. Ainsi, dans le cadre du nouveau pacte ferroviaire, le rôle des régions est considérablement renforcé, car, nous dit-on, elles connaissent les besoins et les contraintes de leurs territoires. Pourquoi la sécurité routière devrait-elle faire exception ?

Sur les limitations de vitesse, notre position n’est pas dogmatique. Pourquoi pas 80 kilomètres par heure là où cela se justifie ? Mais laissons plutôt les départements, gestionnaires des voiries, moduler la vitesse en fonction de critères objectifs !

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Alain Fouché applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Vullien

Il est tout aussi absurde de proposer 80 kilomètres par heure partout, comme le fait le Gouvernement, que 80 kilomètres par heure nulle part, comme le fait l’opposition. Pour ma part, je suis certaine que, si on laisse cette décision aux départements, certaines routes verront même leur vitesse limitée à 70 kilomètres par heure, quand c’est justifié ; il ne faut pas, en revanche, que cela soit systématique.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Vullien

Paradoxe, ensuite, quant au dispositif global annoncé. Celui-ci comprend 18 mesures portant, notamment, sur la prévention, les distracteurs, l’alcoolémie, la conduite sous l’emprise de produits stupéfiants ou encore la limitation de vitesse à 80 kilomètres par heure. Dès lors, et alors que les experts nous expliquent que les accidents sont généralement liés à l’association de plusieurs facteurs, pourquoi la nouvelle limitation de vitesse s’appliquerait-elle dès le 1er juillet quand le reste des mesures ne serait mis en œuvre qu’au 1er janvier 2019 ?

Paradoxe, enfin, d’un Premier ministre qui campe sur des positions fondées sur une étude controversée, et qui ne parvient pas à créer l’unanimité au sein même de son gouvernement. Je lui suggérerais plutôt d’utiliser à son tour un « joker », de suivre les recommandations de notre assemblée et de sortir ainsi de la controverse par le haut. Tel sera l’enjeu de notre prochaine entrevue.

Avant de conclure, mes chers collègues, et pour être absolument certaine que toutes les conditions seront réunies pour convaincre le Premier ministre, je souhaite lancer deux appels solennels.

Le premier s’adresse aux présidents des conseils départementaux. Qu’ils établissent dans le délai imparti, de manière objective et argumentée, une cartographie des limitations de vitesse sans a priori politique ! Qu’ils n’oublient pas que la décision est gouvernementale ! Les citoyens ne comprendraient pas leur réticence à abonder dans notre sens, si elle aboutissait au maintien d’un statu quo à 80 kilomètres par heure.

Le second s’adresse au ministère de l’intérieur. Je sais combien ses effectifs sont mobilisés au service de la République. Pourtant, les résultats d’une politique générale de sécurité routière ne se feront réellement sentir que par une multiplication des contrôles. Il est difficile, pour nos concitoyens, d’accepter des mesures de limitation de vitesse quand ils savent, par ailleurs, que 600 000 automobilistes circulent sans permis ou que les rodéos nocturnes se poursuivent en toute impunité.

J’ai la certitude que la vision de notre groupe de travail est la bonne. Encore une fois, nous poursuivons les mêmes objectifs ; seule la mise en œuvre diffère : nous faisons confiance aux gestionnaires de voirie et au terrain. Sortir d’une injonction uniforme et arbitraire, c’est déjà faire un pas de géant pour que la mesure soit mieux comprise et puisse commencer d’être acceptée par les Français.

Nous savons parfaitement qu’en matière de sécurité routière une mesure ne se doit pas d’être populaire pour démontrer son efficacité. Mais si nous avons la possibilité de la rendre moins impopulaire sans la rendre inefficace, pourquoi nous en priver ?

Madame la ministre, je compte sur vous pour faire entendre raison à M. le Premier ministre.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Républicains. – M. Alain Fouché et M. Jean-Luc Fichet, rapporteur du groupe de travail, applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la sécurité routière est notre priorité, c’est vrai. À la suite du comité interministériel de la sécurité routière du 9 janvier dernier, le Gouvernement, par la voix du Premier ministre, a décidé avec ténacité qu’à compter du 1er juillet prochain la vitesse maximale autorisée sur les routes à double sens sans séparateur central serait réduite de 90 kilomètres par heure à 80 kilomètres par heure.

Cette annonce est intervenue sans concertation préalable. Le Premier ministre a lui-même admis qu’elle n’était le résultat d’aucune expérimentation fiable.

Certes, une expérimentation a été réalisée, pendant deux ans, sur 86 kilomètres de routes, mais M. Emmanuel Barbe, délégué interministériel à la sécurité routière, a affirmé – de manière inexacte, d’ailleurs – devant notre commission du développement durable qu’elle « n’avait pas pour but de faire diminuer le nombre de morts ». Heureusement, car ses résultats sont extrêmement mauvais, et ce malgré la réalisation d’importants travaux de sécurité de voirie avant l’expérimentation.

Cette mesure n’est justifiée que par un chiffre hypothétique – 400 morts pourraient être évitées – tiré de l’idée selon laquelle une diminution de 1 % de la vitesse entraînerait une baisse de 4 % des accidents mortels.

Comment expliquer, alors, que certains de nos voisins européens soient mieux classés que nous quant au nombre de tués sur les routes, alors qu’ils appliquent une limitation de vitesse supérieure à 80 kilomètres par heure ?

En l’absence d’éléments de nature à justifier cette décision très contestée par la population, par de nombreux parlementaires de la majorité présidentielle, et même par les forces de l’ordre dans leur majorité, le Sénat a mis en place un groupe de travail conjoint afin d’évaluer, sans a priori, l’utilité et l’efficacité de cette mesure.

Je voudrais saluer ici la volonté des présidents de la commission des lois et de la commission du développement durable, et relever le travail remarquable qu’ont accompli nos trois rapporteurs.

La conclusion du rapport est pleine de bon sens : il faut décentraliser vers l’échelon départemental la décision de réduire la vitesse.

Le président du département, propriétaire de la plupart de ces routes, doit prendre cette décision après avoir consulté la préfecture, les maires et les forces de l’ordre.

Le ministre de l’intérieur lui-même doute de l’efficacité d’une généralisation de cette mesure. Il a dit « joker », et c’est vous, madame la ministre, qu’il envoie au charbon aujourd’hui !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

Comment doubler un train de camions lorsqu’on roule à 80 kilomètres par heure ? L’automobiliste sera coincé derrière des files de voitures, tout dépassement sera dangereux, voire impossible, sans parler du risque d’endormissement. Des heures et de l’argent seront perdus, outre les conséquences sur l’environnement et la pollution. Il faut cibler cette mesure sur les routes accidentogènes !

Sur la route, le risque zéro ne peut exister. Nous vous demandons donc, madame la ministre, de prendre en compte les territoires pour lesquels la route est le seul moyen de se déplacer.

La politique du tout radar ne marche plus depuis qu’on privilégie le désendettement de l’État plutôt que la sécurité. Notre collègue Vincent Delahaye l’a démontré : la politique d’implantation des radars favorise la rentabilité au détriment de l’efficacité.

Quant aux sommes rapportées par la verbalisation des automobilistes, une note de la Cour des comptes publiée le 23 mai dernier révèle que, sur les quelque 2 milliards d’euros récoltés en 2017, 438 millions d’euros, soit près de 22 %, sont affectés au désendettement de l’État et non à la sécurité.

La privatisation des radars permettra, selon le Gouvernement, de passer de 2 à 12 millions de flashs, ce qui pourrait rapporter jusqu’à 2 milliards d’euros supplémentaires !

Une partie de cette somme – c’est nouveau – pourrait être affectée aux hôpitaux. Il faut être sérieux ! On ferait quand même mieux de commencer par affecter ces sommes à la sécurité, pour éviter que les usagers ne finissent à l’hôpital !

Les dotations versées par l’État aux départements pour l’entretien des routes ne cessent de diminuer, alors même que le produit des radars n’a jamais été aussi élevé. Dans mon département, la Vienne, les dotations ont baissé de 27 % entre 2015 et 2017.

Nous vous demandons, madame la ministre, de mettre en place une véritable politique de sécurité routière, plutôt que des mesures qui aggravent la défiance des usagers de la route envers un système qu’ils assimilent à du racket. La mise en place d’une telle politique peut passer par la prévention des comportements dangereux et de la consommation d’alcool et de stupéfiants, ou encore par l’implantation de faux radars, comme en Angleterre.

L’objectif ne doit pas être la rentabilité financière du système : il s’agit plutôt de promouvoir des comportements raisonnables et responsables sur la route, pour toujours plus de sécurité.

Quant au choix des routes qui feront l’objet d’une réduction de la vitesse, faisons confiance aux présidents de département !

Madame la ministre, je vous connais, vous êtes convaincante. Je vous laisse donc le soin d’orienter le Premier ministre dans ce sens : laissons les départements gérer cela !

Par ailleurs, il y a quelques années, j’avais déposé un amendement visant à permettre de récupérer un point de permis en six mois, au lieu d’un an, et deux points en un an, au lieu de deux ans ; il tendait également à offrir des formations plus rapides. Cela avait suscité un tollé général, notamment de la part de M. Hortefeux, et de vraies engueulades ! Pourtant, en définitive, c’était une bonne mesure, puisqu’il n’y a pas eu par la suite plus d’accidents et de morts. Cela démontre que la sécurité n’est pas qu’une affaire de sanctions !

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – Mme Josiane Costes applaudit également.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, près de 3 700 personnes ont perdu la vie sur les routes de France en 2017, les accidents corporels ont augmenté de plus de 2 %, et le nombre de personnes blessées de 1, 3 %, soit près de 74 000 personnes, pour 59 000 accidents ; la situation de la sécurité routière en France est donc préoccupante.

Après avoir atteint son plus bas niveau en 2013, la mortalité routière a connu trois années de hausse consécutives. Pour répondre à cette évolution inquiétante, le Gouvernement a décidé d’abaisser à 80 kilomètres par heure la limitation de vitesse sur les routes nationales à compter du 1er juillet. Cette mesure a suscité de nombreux débats et de vives oppositions, de la part tant des élus locaux que des professionnels de la route et des usagers. Au vu des sondages les plus récents, ceux-ci continuent en majorité de la désapprouver.

Toutefois, le Premier ministre a confirmé l’entrée en vigueur de cette mesure à partir de l’été prochain. La véritable question est donc désormais celle de sa mise en œuvre concrète et opérationnelle.

Le coût de l’installation de la nouvelle signalisation est estimé entre 5 et 10 millions d’euros. Il a été annoncé que ce coût serait entièrement pris en charge par l’État.

Par ailleurs, l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière et les observatoires départementaux ont un rôle essentiel à jouer dans l’évaluation de cette mesure et la réalisation de comparaisons sérieuses, fondées sur des indicateurs fiables des comportements et de l’accidentalité, avant et après sa mise en œuvre.

En tant qu’élue d’un département rural et très enclavé, je suis cette mesure avec une attention particulière. En effet, la plupart des routes concernées se trouvent dans ces territoires où les transports en commun sont peu, voire très peu développés, où certaines petites lignes de chemin de fer pourraient être menacées, et où le véhicule personnel est indispensable pour pouvoir se déplacer. Si l’on ne peut que souscrire à la volonté de lutter sans relâche contre la violence et la mortalité routières, il existe de vraies interrogations et, localement, de fortes, voire de très fortes réticences à la mise en place d’une limitation de vitesse à 80 kilomètres par heure. On peut vraiment le comprendre.

Malgré le bien-fondé de l’objectif final, il faut convenir que cette limitation contribuera, malheureusement, à aggraver l’enclavement déjà excessif de nos territoires. Cibler l’application de cette mesure m’apparaît donc essentiel. Que les décisions soient prises au plus près du terrain !

De plus, des mesures énergiques doivent être prises afin de modifier durablement les comportements dangereux : il faut interdire le téléphone et les écrans, et assurer le respect des limitations de vitesse.

Des investissements doivent également être réalisés afin d’améliorer l’état des routes. La France bénéficie d’infrastructures de transport d’une grande qualité, mais ce réseau est aujourd’hui trop peu entretenu. En outre, du fait de la départementalisation des routes et du manque de compensation financière de l’État, les disparités territoriales ont tendance à s’accroître. La forte baisse des financements à destination des collectivités locales, notamment en raison de la décentralisation du stationnement payant, n’est pas de nature à améliorer la situation. La position du Sénat sur ce point me paraît raisonnable et ses propositions mériteraient d’être expérimentées.

Dans tous les cas, la France doit pouvoir trouver les moyens d’améliorer réellement la sécurité routière. En 2018, notre pays ne peut plus se permettre de connaître encore des taux de mortalité routière presque doubles de ceux de l’Allemagne ou du Royaume-Uni, pays où les limitations de vitesse sont pourtant plus élevées qu’en France sur les routes secondaires, puisqu’elles y sont fixées, respectivement, à 100 et 96 kilomètres par heure. On voit bien que la vitesse n’explique pas tout.

Les efforts en matière d’éducation doivent être poursuivis et accentués. Le rapport de Jean-Marc Gabouty sur le programme « Sécurité et éducation routières » de la loi de finances pour 2018 a salué une amélioration de la sincérité budgétaire pour les dépenses de communication et les frais d’étude et d’expertise.

La réforme du permis de conduire, engagée en 2014 et 2015, semble également porter ses fruits. On peut espérer que, grâce à elle, on verra de moins en moins de jeunes conduire sans permis.

Le délai moyen d’attente pour le passage de l’examen du permis de conduire poursuit sa baisse. La réforme mise en œuvre dans le cadre de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques avait pour objectif de rendre le permis à la fois plus accessible et plus transparent en réduisant ces délais, tout en relançant la conduite accompagnée, ce qui est une excellente chose. Cette réforme semble obtenir des résultats positifs, puisque le délai moyen entre deux présentations à l’examen du permis B est passé de 90 jours en 2014 à 57 jours en 2017. L’objectif d’une attente moyenne de 45 jours, inscrit au projet annuel de performance de 2017, n’apparaît donc plus hors d’atteinte.

Parallèlement, la durée de validité de l’examen du code est passée de trois à cinq ans. Les conditions de distance et de durée minimale pour la conduite accompagnée ont été supprimées, et les recrutements d’inspecteurs du permis de conduire ont été encouragés.

En revanche, le coût de la formation et des épreuves pour les usagers continue de poser problème. Selon le rapport remis en 2014 par Mme Florence Gilbert, ce coût s’établit en moyenne à 1 600 euros, ce qui reste un montant très élevé. En sont responsables des frais administratifs encore trop importants et un coût horaire de la leçon de conduite très élevé.

Afin de remédier réellement à ces difficultés, la solution ne serait-elle pas d’améliorer la concurrence entre les auto-écoles ou, en cas de défaillance du marché, de nationaliser l’ensemble de la formation, voire d’en faire une matière scolaire ?

Je vous remercie, madame la ministre, de répondre à ces différentes interrogations.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Exclamations amusées sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud de Belenet

M. Arnaud de Belenet. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, je voudrais avant tout remercier très chaleureusement la collègue qui, il y a quelques mois, m’a tapé sur l’épaule en me disant : « Mon pauvre vieux, tu fais partie du groupe La République En Marche, il va donc falloir que tu défendes les 80 kilomètres par heure ! »

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud de Belenet

Oui, je la remercie très chaleureusement, mais je la rassure : je me sens très bien et, comme d’habitude, je vais dire ce que je pense, non parce que je suis un soutien du Gouvernement, mais tout simplement parce que c’est ainsi que je procède.

Comme vous, mes chers collègues, j’ai travaillé et je me suis posé quelques questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud de Belenet

Tout d’abord, une nouvelle impulsion dans la lutte contre les accidents était-elle nécessaire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud de Belenet

Nous l’avons tous dit à cette tribune : oui ! Les chiffres stagnent depuis 2013 ; on déplore encore, chaque année, 3 500 tués et – on a oublié de le rappeler ce soir – 75 000 blessés, dont 28 000 grièvement. Ce sont autant de nos concitoyens qui, chaque année, voient leurs vies bouleversées, ainsi que les membres de leurs familles.

Tous, nous refusons de nous satisfaire de cet état de fait, nous refusons cette fatalité. Il fallait donc une nouvelle impulsion.

Cela suppose – le rapport le souligne, évidemment – que l’on s’attaque à l’ensemble des facteurs responsables.

Le plan annoncé le 9 janvier dernier les cible-t-il tous ? Il me semble que oui. La prévention et l’éducation sont au rendez-vous. Des investissements permettront, notamment en ville, de mieux protéger les piétons, dont la mortalité ne cesse elle aussi de croître.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

En ville, on ne roule pas à 90 kilomètres par heure !

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud de Belenet

Le soutien au déploiement des nouvelles technologies, embarquées ou non, y figure aussi, de même que la lutte contre l’inattention, responsable de 10 % des morts. Je n’entrerai pas dans les détails, nous connaissons tous le plan.

Je voudrais quand même citer le durcissement des sanctions en cas d’usage d’un portable, qui iront jusqu’à la retenue du véhicule en cas de conduite dangereuse. Voilà des exemples du durcissement prévu qui me semble adapté.

Autres facteurs, les stupéfiants et l’alcool, qui sont responsables, respectivement, de 9 % et 19 % des accidents mortels. Là aussi, des mesures tout à fait drastiques et coercitives sont prévues.

Et puis, bien évidemment, le dernier facteur, la vitesse, a fait l’objet de la mesure la plus « popularisée », pour ainsi dire, notamment lors des cérémonies des vœux des maires, en janvier dernier : l’abaissement de la limitation à 80 kilomètres par heure sur les routes secondaires à double sens sans séparateur central, sur lesquelles 55 % des drames se produisent.

Un esprit chagrin pourrait regretter l’absence de statistiques probantes sur l’expérimentation décidée en 2013 et menée de 2015 à 2017. Cela change-t-il quelque chose ?

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud de Belenet

Pour moi, clairement, non ! L’utilité de cette mesure est en effet admise par toutes les études, et ce depuis longtemps, bien avant 2013. Ce sont ces études, toutes consensuelles, répétées et convergentes, qui ont conduit à la décision de 2013, en confirmant que limiter la vitesse, sur ces routes, à 80 kilomètres par heure, sauvera 350 à 400 vies chaque année !

Alors, j’ai conscience de ne pas forcément être très populaire, mais il y a des réalités. Chers collègues, vous déclarez ne pas vouloir ergoter, mais chercher à parfaire le dispositif, en confiant aux présidents des conseils départementaux ou aux maires le soin de décider de cet abaissement sur les routes les plus accidentogènes. Cette question a été posée de manière réitérée.

Gagnerait-on en visibilité ? Je n’en ai pas été convaincu ce soir. Gagnerait-on en risque de verbalisation ? Oui, certainement ! Les présidents des conseils départementaux et les maires eux-mêmes assumeraient-ils cette décision ?

Protestations.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud de Belenet

Quand on leur pose la question publiquement, ils répondent évidemment que, oui, ils l’assumeraient, qu’il faut respecter les territoires et les collectivités, et qu’ils savent ce qu’ils ont à faire : que le Gouvernement se fie donc à eux…

En revanche, quand ils parlent en off, ils admettent que, bien évidemment, ils abaisseront la limitation de vitesse à 70 kilomètres par heure. Qui, en effet, voudra être pénalement responsable en cas d’accident mortel sur une route où la vitesse maximale n’aura pas été ainsi réduite ?

Vives protestations.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud de Belenet

Mes chers collègues, je suis content d’animer votre soirée ! Cependant, je me permets de vous suggérer une piste de réflexion, si vous voulez bien le tolérer : au-delà de ce débat, ne pourrions-nous pas envisager un dispositif similaire à celui qui existe pour la zone urbaine, où la vitesse est en principe limitée à 50 kilomètres par heure, mais où il est possible, par dérogation, de fixer cette limite à 70 kilomètres par heure ?

Ne pourrait-on donc pas envisager d’inverser la proposition et de rendre possibles des dérogations sur les routes qui ne sont pas accidentogènes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud de Belenet

On trouvera bien des critères pour les définir : largeur de la route, ou encore non-dangerosité évidente de la chaussée ou des accotements.

Vous me permettrez, mes chers collègues, de revenir dans les quelques secondes qui me restent sur quelques éléments : beaucoup de contre-vérités ont été entendues aux différentes cérémonies de vœux et dans les médias et, peut-être, ce soir, sait-on jamais, pour l’avenir.

Y aura-t-il des radars supplémentaires ? On a entendu que non.

Exclamations dubitatives sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud de Belenet

Ce dispositif serait une « machine à cash » pour l’État. Clairement, s’il y avait un produit des amendes supplémentaire, l’essentiel n’en serait pas reversé aux hôpitaux, comme je l’ai entendu, …

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud de Belenet

… mais au contraire au profit de l’amélioration de l’accueil des personnes handicapées du fait d’accidents de la route, ce qui est cohérent.

Le coût de cette mesure sera-t-il prohibitif pour les collectivités ? Non, évidemment, puisqu’il est pris en charge par l’État.

S’agit-il d’une méconnaissance de la ruralité ? Bien sûr que non : nous savons tous que cette mesure ne fera perdre que deux minutes sur un trajet de 20 kilomètres.

Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud de Belenet

M. Arnaud de Belenet. Je vous remercie, chers collègues, de m’avoir permis d’exprimer ma totale solidarité sur cette mesure, qui n’est pas populaire aujourd’hui, mais qui le sera certainement demain !

M. Didier Rambaud applaudit. – Huées sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, je tiens d’abord à remercier mes collègues rapporteurs pour leur travail.

Depuis le début du siècle, les efforts se multiplient pour améliorer la sécurité sur nos routes et, ainsi, épargner des vies humaines. Dans un contexte de recrudescence du nombre de tués sur nos routes, le Gouvernement a proposé un nouveau plan de renforcement de la sécurité routière. C’est ce plan gouvernemental que s’est attaché à examiner le groupe de travail dont les conclusions font l’objet de notre débat d’aujourd’hui.

Une mesure phare, la réduction à 80 kilomètres par heure de la limitation de vitesse sur les routes départementales, a particulièrement retenu l’attention de nos concitoyens et du Sénat. Cette mesure, décidée hâtivement et sans concertation avec les territoires, aura, de mon point de vue, surtout servi à créer un écran de fumée pour occulter la désastreuse politique gouvernementale.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

La réduction de la vitesse permettra certainement de sauver des vies et aura un aspect pédagogique, mais une démarche plus ciblée en concertation avec les acteurs locaux aurait été préférable et plus efficace.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Beaucoup de nos concitoyens, en zone périurbaine, seraient heureux de pouvoir rouler à 80 kilomètres par heure. Leur vitesse moyenne, quand ils se rendent au travail, est bien inférieure.

C’est pourquoi cette action de réduction de la vitesse pour la sécurité routière doit s’accompagner d’une véritable réflexion sur les mobilités.

Comment mieux partager la route avec les différents usagers ? Comment réduire rapidement les émissions de CO2 et respecter nos engagements internationaux ?

On retrouvera certainement ces éléments dans le projet de loi d’orientation sur les mobilités qu’on nous promet et sur lequel nous ne disposons, pour l’instant, que de très peu d’informations.

Les questions de mobilité et de sécurité doivent être abordées de manière globale, en tenant compte de tous les usagers.

En effet – ce sera le cœur de mon intervention –, je déplore que ni la mission sénatoriale ni le plan gouvernemental n’aient sérieusement pris en compte la sécurité, sur nos routes, de tous les usagers, et plus particulièrement des cyclistes. Pour être précis, la seule mesure du plan gouvernemental qui concerne le vélo n’est qu’une petite généralisation du « savoir rouler », comme si les cyclistes, usagers de la route les plus fragiles, étaient responsables de leurs propres accidents mortels !

J’entends déjà des murmures me suggérer que cet enjeu est marginal, anodin, voire hors sujet. Détrompez-vous, mes chers collègues : l’usage de la route change ! L’usage du vélo est en constante progression pour des raisons économiques, écologiques et sanitaires. De plus en plus de nos concitoyens remplacent la voiture par le vélo pour tout ou partie de leurs déplacements.

Le déploiement du vélo électrique décuple ce phénomène. En effet, il permet d’effectuer sans trop d’efforts des trajets de plusieurs dizaines de kilomètres, quelle que soit la topographie. Même en zone rurale, même dans les montagnes du Trièves d’où je viens, faire à vélo le trajet entre domicile et travail n’est plus réservé aux athlètes.

Pourtant, nos routes ne sont pas du tout adaptées à la pratique du vélo et demeurent dangereuses pour les cyclistes. Rappelons que les deux tiers des cyclistes tués sur la route le sont en dehors des agglomérations. Tandis que le nombre de morts sur la route ne cesse de diminuer, grâce aux efforts des trente dernières années, celui des cyclistes tués ne cesse d’augmenter. On relève ainsi, pour l’année 2016, une croissance alarmante de 8, 6 %. Cherchez l’erreur !

Dès lors, on regrette d’autant plus le manque criant de prise en compte des cyclistes dans les politiques de sécurité routière que nous examinons aujourd’hui. La loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie, ou loi LAURE, du 30 décembre 1996 prévoit pourtant l’aménagement de voies cyclables lors de chaque rénovation de route. Je déplore que cette loi soit si souvent contournée par les collectivités ou appliquée dans sa version minimale, en dessinant une simple bande cyclable sur la droite de la chaussée. Notons qu’une bande cyclable sans séparateur est contre-productive, car elle élargit la chaussée et invite l’automobiliste à rouler plus vite au détriment de la sécurité des cyclistes qui l’empruntent.

Vingt-deux ans après, tant pour des raisons écologiques que pour des raisons de sécurité, il faut renforcer la rédaction de la loi LAURE et imposer des aménagements cyclables dignes de ce nom, voire la création d’autoroutes pour vélos, ou « véloroutes », comme il en existe au Danemark, en Allemagne ou aux Pays-Bas.

Par ailleurs, le plan gouvernemental n’aborde pas la question des investissements sur le réseau routier. Il est dommageable de dissocier les problématiques de sécurité routière de celles de qualité des infrastructures. Il ne fait pas de doute qu’une chaussée dégradée est un facteur d’insécurité, tout comme l’est une voie ferrée endommagée. Le Gouvernement nous renverra à sa future loi de programmation des infrastructures, limitant la portée de ce nouveau plan.

La question financière est ici primordiale, car l’entretien de la voirie coûte cher et demeure à la charge des seules collectivités. Celles-ci, déjà exsangues, ne sont pas toujours en mesure de réaliser d’indispensables réfections. Il est donc nécessaire de les épauler.

Cela passe par la mise à contribution – pourquoi pas par une écotaxe – des usagers de la route et, en particulier, des poids lourds, qui polluent notre air et dégradent nos infrastructures. Nous avons débattu de ce paradoxe la semaine dernière : si l’entretien du réseau ferré est à la charge de la seule SNCF, via la redevance des péages, l’entretien du réseau routier est pour sa part à la charge de l’ensemble des contribuables, et ce sans que cela pose question. Dans les deux cas, il faut s’appuyer sur un financement mixte pour dégager une marge financière suffisante.

Pour revenir à des sujets relevant du ministère de l’intérieur et ne demandant pas de lourds investissements, le Gouvernement peut tout de même prendre des mesures pour améliorer la sécurité des cyclistes. Par exemple, nous pourrions imposer aux constructeurs d’abonder un fonds de formation continue des conducteurs ayant obtenu leur permis il y a plus de cinq ans. Ainsi, nous pourrions sensibiliser les conducteurs à la sécurité des cyclistes.

En outre, nous proposons de faire évoluer la réglementation sur la visibilité des cycles et les normes d’éclairage des vélos, qui est inadaptée aux conditions de circulation actuelles. L’Allemagne a modifié, avec succès, sa réglementation dans ce domaine.

Enfin, il faut intensifier la verbalisation des infractions de non-respect des aménagements cyclistes, qui peuvent avoir une conséquence importante en matière de sécurité.

Madame la ministre, mes chers collègues, le vélo ne peut plus rester le parent pauvre des politiques de sécurité routière. C’est pourquoi je vous invite à avancer en ce sens.

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Boyer

Madame la ministre, comme vous, nos élus locaux souhaitent sauver des vies sur les routes. La sécurité routière est un impératif, il n’y a pas de débat là-dessus. Il est toutefois possible de réduire l’insécurité routière sans porter atteinte au quotidien des habitants et en écoutant les représentants de la Nation et les citoyens, qui sont les premiers concernés !

Réduire la vitesse maximale autorisée à 80 kilomètres par heure sur les routes bidirectionnelles sans séparateur central, la mesure est justifiée. Reste que votre manière de faire et de mettre en place cette mesure est dénuée de pragmatisme : une fois de plus, vous avez préféré agir de manière soudaine et imposer. Au lieu d’écouter et d’adapter cette mesure aux routes accidentogènes, vous persistez à tout imposer d’en haut, et sur tout le réseau routier départemental.

Pourtant, nombreux sont ceux qui se sont exprimés, au sein de la société civile et parmi les élus locaux, contre la généralisation d’une telle mesure, dont l’utilité et l’efficacité sont, pour beaucoup, loin d’être certaines. L’Association des maires de France et l’Assemblée des départements de France, qui représentent les principaux responsables des 380 000 kilomètres de routes départementales, ont aussi déploré l’inexistence de la concertation. Même vos deux collègues, le ministre de la cohésion des territoires et le ministre d’État, ministre de l’intérieur, ont émis les plus grandes réserves.

Le rapport d’information du Sénat sur la sécurité routière n’est pas seulement un travail d’élus, qui sont certes représentants de la Nation. Les sénateurs ont aussi mis en place un espace participatif afin d’associer à leur réflexion l’ensemble de la société civile : des dizaines de milliers de contributions ont été reçues. Ce n’est pas un « groupuscule de sénateurs qui a entretenu une guérilla », ce ne sont pas plus « des imbéciles qui déclarent s’ennuyer lorsqu’ils roulent à 80 kilomètres par heure », comme l’affirme Chantal Perrichon, présidente de la Ligue contre la violence routière.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Boyer

Une telle mesure de réduction généralisée, qui touchera sans discernement la majorité des routes nationales et départementales hors agglomération, est ainsi très mal vécue sur de nombreux territoires enclavés, où la route est une infrastructure de mobilité incontournable. Cette mesure est perçue comme d’autant plus injuste que les services de l’État ont parfois refusé, dans ces territoires, d’aménager les routes nationales afin de les transformer en routes à deux fois deux voies.

Madame la ministre, vous agissez comme si vous pensiez que les territoires ne pouvaient pas et ne savaient pas gérer. Pourtant, dans ce domaine, la pertinence de l’action n’est pas seulement centralisée, elle est aussi territoriale et départementale.

Quelle contradiction, monsieur de Belenet ! Vous acceptez que les maires décident pour les zones urbaines, mais n’acceptez pas que les présidents de conseil départemental décident pour les zones rurales.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Boyer

La base de la circulation routière, donc de la sécurité routière, ce sont assurément les infrastructures et leur état. Si une route est en mauvais état, les bases manquent pour une conduite en toute sécurité.

Notre patrimoine routier est dégradé, cela a été répété à cette tribune et notamment mis en valeur dans le rapport sénatorial d’information de 2017 intitulé Infrastructures routières et autoroutières : un réseau en danger. Celui-ci énonce ou dénonce que, « alors que plus de 85 % de chaussées étaient dans un état correct entre 2010 et 2012, ce chiffre est tombé à 83 % en 2015 », ce qui entraîne « des ralentissements, des restrictions de circulation et des problèmes de sécurité ».

À ce sujet, je souhaite vous faire part d’un exemple que je connais bien, la RD 2089 entre Clermont-Ferrand et les départements du Cantal et de la Corrèze. Dans les années 2000, on recensait dix à quinze morts par an, contre un ou deux par an aujourd’hui. Et pour cause ! Le contrat de plan État-région a permis d’améliorer très significativement ce tronçon meurtrier par la construction de créneaux de dépassement, de portions à trois voies, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Boyer

… de bandes d’arrêt d’urgence et de mini-échangeurs aux croisements dangereux, ainsi que des opérations de sécurité, et toujours à 90 kilomètres par heure !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Boyer

Madame la ministre, donnez-nous les moyens d’améliorer ce réseau routier.

Par ailleurs, vous agissez comme si vous ne voyiez pas que les technologies automobiles avaient évolué et allaient encore considérablement le faire à l’avenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Boyer

Au contraire, vous voulez généraliser tout de suite une mesure et appliquer un peu plus tard les dix-sept autres mesures que vous proposez. Pourtant, la complémentarité de celles-ci est attestée et, sur les dix-huit mesures pour la sécurité routière que vous avez présentées, dix-sept emportent l’adhésion. Il serait primordial de les mettre en place désormais et non de se focaliser sur une seule proposition qui suscite une opposition quasi unanime et dont vous ne saurez jamais si elle a permis la diminution du nombre de tués sur les routes départementales.

En outre, le groupe de travail sénatorial considère que le surplus financier qui serait issu de la réduction de la vitesse maximale autorisée à 80 kilomètres par heure sur certaines routes devrait être alloué au financement de mesures de prévention, par exemple de sensibilisation.

La proposition du Sénat est raisonnable, intelligente et acceptable. Après les zones 30, laissez les acteurs du terrain mettre en place les zones 80, afin que la réduction de la vitesse obtienne des résultats efficients et certains pour la sécurité routière et la sécurité de chacun.

Madame la ministre, n’allez pas à 100 à l’heure : écoutez les acteurs du territoire et les citoyens ! C’est maintenant que vous avez rendez-vous avec eux et non dans deux ans.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cigolotti

Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, comme nous le savons tous, depuis quarante ans, les efforts conjugués réalisés en matière de sécurité routière ont permis une baisse quasi continue des accidents de la route, du nombre de blessés et de morts, et ce en dépit d’une augmentation considérable du nombre de véhicules et des kilomètres parcourus.

En effet, dans les années 1970, nous recensions environ 17 000 morts sur les routes pour un parc automobile d’environ 13 millions de véhicules particuliers. En 2017, pour 32 millions de véhicules particuliers en circulation, c’est un peu moins de 4 000 décès, soit quatre fois moins. Certes, c’est encore trop.

Cette nette diminution tient autant, voire plus, à des éléments techniques, culturels et psychologiques qu’à la seule efficacité de la répression et de la peur du gendarme, même si cette dernière a évidemment joué un rôle certain.

Un ensemble de facteurs ont réduit le nombre d’accidents et leurs conséquences. Je pense à l’amélioration continue de la tenue de route des véhicules, de la résistance aux chocs, du freinage, des pneumatiques ; je pense encore au port de la ceinture de sécurité, aux évolutions technologiques, telles que l’airbag et l’ABS, aux infrastructures routières, notamment les revêtements et la signalisation.

Ce constat nous oblige à considérer les enjeux de sécurité routière comme une question large et multifactorielle, qui ne doit surtout pas se limiter à la seule donnée de la vitesse autorisée sur les routes.

Je tiens à saluer le travail nuancé et objectif réalisé par nos trois rapporteurs, Michèle Vullien, Jean-Luc Fichet et Michel Raison, sur les mesures destinées à renforcer la sécurité routière.

Cet excellent rapport d’information a notamment pu mettre l’accent sur deux points essentiels : d’une part, la nécessité de revoir la méthode retenue par le Gouvernement ; d’autre part, le manque de concertation ayant présidé à la décision de limiter à 80 kilomètres par heure la vitesse maximale autorisée sur les 400 000 kilomètres de routes secondaires à double sens sans séparateur central, …

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cigolotti

… qui devrait entrer en vigueur à partir du 1er juillet prochain. Selon certaines sources, 76 % des Français y sont opposés.

Si la diminution du nombre de victimes d’accidents de la route est un objectif que l’on ne peut que partager, cette décision de réduire la vitesse, dont la pertinence reste à démontrer, est d’autant plus mal vécue qu’elle a été prise sans concertation, …

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cigolotti

… sans que les bénéfices en termes de sécurité routière aient fait l’objet d’évaluations sérieuses et, de toute évidence, en sous-estimant les conséquences en matière d’aménagement du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cigolotti

Cette limitation de vitesse suscite donc la colère et l’incompréhension d’un grand nombre d’usagers de la route et d’élus, particulièrement des habitants des zones rurales qui la vivent comme une profonde injustice, et chez qui elle alimente, à juste titre, un sentiment d’abandon, voire de relégation.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cigolotti

Madame la ministre, cette mesure aggravera inévitablement la fracture territoriale entre les zones rurales, éloignées des autoroutes et des grandes métropoles et souvent mal desservies par le réseau ferroviaire, et les zones urbaines ou périurbaines. Il me semble évident que les difficultés de déplacement dans les territoires ruraux ne sont aucunement prises en compte dans cet arbitrage.

Je pense par exemple aux zones de montagne, dont le réseau routier sera largement concerné par cette réduction de vitesse, ou encore aux départements qui n’ont pas la chance de bénéficier d’infrastructures routières modernes à deux fois deux voies, qui ne disposent pas de transports collectifs routiers ou ferroviaires et où la seule solution consiste à utiliser un véhicule personnel pour se déplacer.

Certains arguments, tels qu’une réduction de la pollution, sont également avancés pour justifier la nécessité de réduire la vitesse.

Cependant, les études menées par des organismes de surveillance de la qualité de l’air montrent que passer d’une vitesse de 90 kilomètres par heure à une vitesse de 80 kilomètres par heure entraîne un rejet plus important de composés organiques volatils et n’a qu’un impact minime sur les émissions d’oxyde d’azote. Sans compter que, plus l’on passe de temps sur la route, plus l’on pollue.

L’axe central avancé par la Sécurité routière pour justifier cette mesure est celui de la vitesse, celle-ci étant présentée comme la première cause de mortalité. La détermination de la causalité des accidents corporels n’est pourtant pas chose aisée. Certains facteurs accidentogènes, comme la vitesse, sont souvent identifiés par défaut, ce qui nuit nécessairement à la fiabilité des données produites.

Les accidents trouvent souvent leurs origines dans une combinaison multifactorielle – alcool, stupéfiants, téléphone, endormissement –, sans oublier les conduites addictives. À cela s’ajoute le non-respect des autres règles de circulation, généralement à l’origine d’une part significative des accidents. Notons, de plus, que le facteur lié à l’infrastructure est présent dans 40 % des accidents mortels.

Isoler le facteur vitesse pour réduire la mortalité sur les routes n’a donc vraiment pas de sens. Force est de constater que cela pourrait même augmenter les risques pour les conducteurs, puisque les voitures et les motos rouleront à la même vitesse que les camions, ce qui multipliera le risque de dépassement dangereux.

J’en viens aux radars. La France compte 4 600 radars avec des modèles de plus en plus perfectionnés.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cigolotti

Or, nous le savons tous, une baisse de la limitation de vitesse entraînera inéluctablement un doublement, voire un triplement des excès de vitesse.

Un rapport de la Cour des comptes fait le point sur ces flashs, qui rapportent chaque année davantage à l’État : 1 milliard d’euros en 2017, soit 10 % de plus que l’année précédente.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cigolotti

Cette recette permet de renforcer la sécurité routière et, certes, de financer une partie des préjudices. La Cour des comptes s’interroge toutefois sur l’utilisation des amendes, qui participent davantage au remboursement de la dette qu’au financement de la sécurité routière.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cigolotti

M. Olivier Cigolotti. Il ne faudrait donc pas que cette limitation de vitesse ait pour unique objectif de remplir les caisses de l’État.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cigolotti

Madame la ministre, alors que le Gouvernement cherche à redonner confiance à l’échelon local en prenant en compte un certain nombre de spécificités et à décliner à l’échelon départemental la police de sécurité du quotidien – la PSQ, dont tout le monde entend parler actuellement –, le même ministère, le vôtre, agit aujourd’hui avec incohérence en souhaitant généraliser une réduction de vitesse, qui mérite pourtant, d’une part, d’être ciblée sur les routes les plus accidentogènes à travers des décisions décentralisées, d’autre part, d’être adaptée en fonction des réalités des territoires, lesquels devraient être associés à cette prise de décision, en concertation avec l’ensemble des acteurs, afin d’en favoriser l’acceptation.

Madame la ministre, vous connaissez le bon sens du Sénat. Nous comptons sur vous pour relayer l’excellent travail de la Haute Assemblée auprès de M. le Premier ministre.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Mme Cécile Cukierman applaudit également.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens en préambule à saluer l’excellent travail réalisé par nos collègues rapporteurs, qui ont su s’extraire de polémiques un peu vaines et mettre de côté les arguments spécieux qui sont encore trop souvent avancés sur ce sujet.

Ces arguments, on les connaît, car nous les avons entendus à de multiples reprises :…

Debut de section - Permalien
Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur

C’est sûr !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

… l’endormissement des conducteurs par excès de lenteur, le racket financier… Ce dernier argument est tout de même surprenant, car, si le montant des PV a atteint 2 milliards d’euros, les accidents de la route coûtent chaque année 50 milliards d’euros à la collectivité.

Ces arguments, nous les entendions déjà en 1974, lorsqu’a été prise la décision de limiter à 110 kilomètres par heure la vitesse sur les voies rapides, ou encore en 1990, lorsqu’il a été décidé de limiter la vitesse en ville à 50 kilomètres par heure.

J’entends les critiques sur le déficit de concertation et sur le sentiment de mépris des territoires et je dois dire qu’elles ne sont pas sans fondement.

Il faut toutefois constater que, à chaque mesure prise par les pouvoirs publics pour réduire la mortalité sur les routes, depuis l’obligation du port de la ceinture de sécurité en 1973 à la mise en place des radars automatiques en 2003, des voix se sont élevées pour critiquer en usant de tous les arguments possibles. Pourtant, les faits sont têtus – vous êtes plusieurs à l’avoir rappelé, mes chers collègues – et les résultats sont là : grâce à ces mesures, la mortalité a été divisée par cinq en trente ans, ce qui est considérable.

Reste que le nombre de morts demeure trop élevé : 3 693 l’an dernier. C’est trop, c’est beaucoup trop. Nous pouvons certainement atteindre à moyen terme un objectif beaucoup plus ambitieux.

À mon sens, il est intéressant de se pencher sur ce que font nos voisins européens, même si l’on ne peut évidemment pas le transposer directement. Alors que la France se situe au-dessus de la moyenne européenne, les sept pays qui comptent les meilleurs résultats sont ceux où la vitesse est limitée à 80 kilomètres par heure. Le pays qui a le meilleur résultat, la Suède, a adopté une limitation à 70 kilomètres par heure.

Si la prise en compte du seul facteur lié à la limitation de la vitesse ne peut être suffisante pour expliquer ce phénomène, il convient néanmoins de s’interroger. Sur le réseau dont nous parlons, celui des routes secondaires, 36 % des accidents mortels impliquent une vitesse trop élevée.

J’entends la recommandation faite par nos collègues rapporteurs visant à décentraliser et à adapter la mesure en fonction des territoires, mais je ne suis pas certain qu’elle soit efficace. Si je peux en partager l’idée et le principe, je pense que son application risque d’être contre-productive.

Il est plus simple pour les usagers de la route, dans quelque domaine que ce soit, et plus efficace pour l’objectif que nous souhaitons atteindre de bénéficier d’une règle générale et de quelques exceptions : une règle simple, c’est un message fort, c’est un message compris.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Or la décentralisation de cette règle ne risquerait-elle pas d’entraîner une très grande diversité de limitations, renforçant l’imprévisibilité pour les usagers ? Nous ne pouvons pas faire abstraction de cette interrogation.

Si je regarde cette limitation d’une manière plutôt favorable, vous l’avez compris, je ne partage pas moins le constat dressé par les rapporteurs : mener une seule action n’est guère suffisant.

Oui, il faut plus d’actions de prévention. Il faut intégrer l’enseignement des gestes qui sauvent dans le cadre du permis de conduire, comme l’a proposé Catherine Troendlé. Il faut davantage lutter contre l’utilisation du téléphone au volant, contre la consommation d’alcool et de stupéfiants. Ces combats doivent être livrés de façon plus active.

Il est essentiel de conduire la bataille de la sécurité routière sur tous les fronts et c’est justement pour cela que la question de la limitation de la vitesse ne doit pas être passée sous silence. La généralisation de la limitation de vitesse à 80 kilomètres par heure sur les routes secondaires peut être une étape, d’autant qu’elle doit être revue et évaluée dans deux ans. Donnons-nous simplement rendez-vous à ce moment-là.

Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur les travées du groupe La République En Marche.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Leroy

M. Henri Leroy. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État

Marques d ’ étonnement au banc du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Leroy

Sur la limitation de la vitesse à 80 kilomètres par heure, j’ai déjà eu l’occasion de l’affirmer ici : comme beaucoup d’élus, je suis un opposant à la généralisation de cette mesure.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Leroy

Ce sont encore nos compatriotes qui vivent dans les territoires ruraux et périphériques – et non à Paris ! – qui vont en faire les frais.

Entre 2015 et 2016, les recettes liées aux radars ont progressé de plus de 13 millions d’euros, pour atteindre les 920 millions d’euros.

Dans le même temps, la mortalité routière n’a cessé de croître, et ce pour la troisième année consécutive, portant à près de 3 500 le nombre de tués pour la seule année 2016. La vitesse n’en est pas la seule et principale cause, loin de là.

Les Français en ont assez d’être pris pour des vaches à lait :…

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Leroy

… hausse du prix des péages de 1 % à 2 %, hausse du prix du stationnement dans de nombreuses communes étouffées par la baisse des dotations, hausse de la fiscalité sur les carburants, etc.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Leroy

M. Henri Leroy. « Arrêtez d’emmerder les Français ! », disait le président Pompidou.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Leroy

J’ajoute que cette mesure sortie du chapeau a été prise sans concertation : ni les élus locaux ni les préfets n’ont été consultés. Bien pis, elle ne repose que sur des données très contestables. M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur, va-t-il sérieusement remplacer les quelque 20 000 panneaux 90 ou 90 barré ? Allez-vous sérieusement engager la France dans une telle dépense ?

Le Premier ministre a annoncé que, au 1er juillet 2020, le Gouvernement tirerait les conséquences de cette mesure. Quelle absurdité de prendre le risque de devoir changer de nouveau tous les panneaux dans deux ans !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Leroy

M. Henri Leroy. Je crois que, au fond de lui-même, le ministre de l’intérieur n’est pas convaincu par cette mesure stupide – peut-être ne l’êtes-vous pas vous-même, madame le secrétaire d’État

Exclamations sur différentes travées

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Leroy

… parce que l’expérimentation n’a pas fait ses preuves, parce qu’elle est coûteuse, parce qu’elle est pénalisante pour nos territoires, parce que 76 % des Français sont contre !

J’ai écouté avec attention l’entretien télévisé de Gérard Collomb sur une chaîne d’infos au mois de février dernier. Il s’est exprimé ainsi : « C’est vrai qu’on aurait pu regarder les tranches les plus accidentogènes ».

Eh bien, je suis d’accord avec M. le ministre d’État : nous devons procéder par sectorisation. Laissons aux départements le soin de déterminer les portions où la vitesse doit être baissée à 80 kilomètres par heure et celles où la vitesse doit demeurer à 90 kilomètres par heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Leroy

Emmanuel Macron lui-même disait, lorsqu’il était encore candidat : « En France, les vitesses sont impaires : 30, 50, 70, 90, 110, 130. Cela participe de leur lisibilité. Je suis naturellement favorable, dès lors que les conditions de danger l’imposent, à abaisser la vitesse à 70, »…

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Leroy

M. Henri Leroy. … « mais abaisser en section courante la vitesse à 80 interrogerait l’ensemble de l’édifice. »

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Leroy

M. Henri Leroy. Madame le secrétaire d’État, …

Nouvelles marques d ’ étonnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Leroy

Cela fait trois fois, mais je le répète volontairement !

… vous qui avez été longtemps une élue locale, ayez la volonté de dire au Président le mal que les territoires pensent de cette décision.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Leroy

L’alcoolisme, les fautes de comportement sont plus mortels que la vitesse. Si les Français se désintéressent de plus en plus de la politique, c’est à cause du double discours permanent que leur servent une poignée de responsables publics.

Je souhaite maintenant évoquer avec vous un second sujet, qui est lié à la sécurité générale, donc à la sécurité routière. La loi du 3 juin 2016 et son décret du 23 décembre de la même année ont autorisé, à titre expérimental, pendant deux ans, l’usage de caméras individuelles par les agents de police municipale dans le cadre de leurs interventions, y compris sur les routes. Tous les élus locaux et tous les policiers municipaux que je rencontre sont pleinement satisfaits de cette disposition.

Le port d’une caméra individuelle est d’ailleurs assez répandu. Il est autorisé à la fois pour les policiers, les gendarmes, même les agents de la SNCF et de la RATP, et certainement, très bientôt, les pompiers.

De l’avis unanime des acteurs de terrain, cette mesure ne présente que des avantages. Elle est d’abord une garantie pour la procédure pénale et les parties concernées. L’encadrement législatif et réglementaire est strict. La preuve collectée aide au constat des infractions et à la poursuite des auteurs. Surtout, elle est une garantie pour nos polices municipales : filmer les échanges entre forces de l’ordre et population diminue les tensions et les incivilités. C’est aussi une protection contre les mises en cause. Enfin, c’est un témoin contre les agressions et les outrages subis par nos agents.

Pourtant, madame la ministre, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Mme Jacqueline Gourault, ministre. J’ai pris du grade !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Leroy

… malgré toutes les garanties que présente le port d’une caméra dite « piétonne », rien n’a été prévu par votre gouvernement pour pérenniser ce dispositif.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue : vous dépassez non la vitesse, mais le temps !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Leroy

Concrètement, cela veut dire que, depuis le 3 juin de cette année, les policiers municipaux ont dû renoncer à utiliser leurs caméras, lesquelles ont été financées – ce sont des milliers, voire des dizaines de milliers d’euros – par des subventions d’État.

Toutes nos forces de l’ordre ont besoin d’être considérées, elles ont besoin de moyens. Ne les envoyez pas à l’affrontement inéluctable avec les citoyens sur les routes départementales où la vitesse à 80 kilomètres par heure relèverait d’une ineptie technocratique injustifiable.

Michel Raison a raison :…

Sourires sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Leroy

M. Henri Leroy. … c’est un manque de considération pour les parlementaires, mais c’est aussi une mauvaise manière faite aux Français automobilistes à qui l’on impose un oukase, par définition à contre-pied d’une démocratie de proximité.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi qu ’ au banc des commissions. – Mme Cécile Cukierman applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, s’interroger sur la baisse automatique de la vitesse maximale autorisée à 80 kilomètres par heure sur les routes à double sens et sans séparateur central à compter du 1er juillet 2018 ne revient bien évidemment pas à s’opposer au renforcement, nécessaire, de la sécurité routière.

J’entends les enjeux posés en termes de mortalité routière et souhaite à ce titre rappeler un point scientifiquement essentiel : lorsqu’il y a accident, la vitesse est le facteur aggravant. L’énergie acquise par un véhicule du fait de sa vitesse est proportionnelle au carré de cette vitesse : ainsi, si l’on multiplie cette vitesse par trois – par exemple, pour passer de 30 kilomètres par heure à 90 kilomètres par heure –, l’énergie accumulée est multipliée par neuf. Cette énergie acquise doit être dissipée pour que le véhicule s’arrête. En d’autres termes, celui-ci ne s’arrêtera que lorsque toute l’énergie sera dissipée et transformée. Si le freinage est impossible ou insuffisant, l’énergie se dissipera par destruction, ce qui peut entraîner des blessures, voire le décès des passagers.

Toutefois, la vitesse n’est sûrement pas seule responsable des accidents et des tués : 21 % des tués le sont par défaut de port de ceinture. Je plaide pour une analyse plus fine et pour que l’inventivité et la créativité dont nous sommes capables soient à l’origine de mesures plus adaptées.

Si la vitesse aggrave incontestablement les accidents, il faut aussi s’interroger sur les relations causales que sont le non-respect du code de la route, le degré d’alcoolémie, l’usage des stupéfiants, des médicaments, du téléphone, la fatigue, la somnolence, le rôle des camions ou encore le mauvais entretien des routes.

Vous l’avez mentionné, madame la ministre, et le rapport d’information le pointe : 3 500 personnes meurent chaque année en France sur les routes et 75 000 sont blessées. Ces chiffres sont terrifiants.

Je remarque que 15 % des personnes tuées sont des piétons – 51 % d’entre elles ont plus de 65 ans – et que 5 % sont des cyclistes. En d’autres termes, 20 % des tués sont des piétons ou des cyclistes, ce qui constitue une augmentation de plus de 8 %. À l’avenir, développement durable oblige, il y aura davantage de piétons et cyclistes, il faudrait y réfléchir sérieusement.

La mortalité routière connaît en France une stagnation depuis quelques années. La sécurité routière doit s’élever au haut rang des politiques publiques prioritaires. Cela implique des actions fortes pour des résultats probants. Pour cela, la concertation doit être la plus large possible et associer les acteurs concernés.

Madame la ministre, je n’interrogerais pas cette mesure uniforme que vous imposez, si les baisses liées à l’expérimentation étaient significatives. Or l’expérimentation n’a pas mesuré l’évolution de l’accidentalité, n’a pas étudié en parallèle des tronçons sans limitation pour servir de témoins. En outre, elle s’est limitée à seulement quatre semaines.

Je ne contesterais pas non plus cette réforme, si elle n’était pas à double tranchant pour nombre de nos territoires. Cette mesure, madame la ministre, devrait bien entendu s’appliquer dans le cadre de la décentralisation, donc au cas par cas.

La loi de décentralisation du 13 août 2004 a abouti au transfert d’une certaine partie du réseau routier national aux départements. Aujourd’hui, vous nous annoncez une mesure qui aurait dû être, si ce n’est laissée à la discrétion et à l’appréciation des départements, au moins concertée avec ces derniers.

Je plaide donc, pour reprendre les mots du rapport d’information présenté par nos collègues, pour la mise en place de « conférences départementales de la sécurité routière », qui seraient coprésidées par les présidents de conseil départemental et les préfets et « dont le rôle serait d’identifier les routes ou les tronçons de route accidentogènes ».

D’ailleurs, dans de nombreux territoires, des tronçons sont déjà limités à 70 kilomètres par heure. C’est la preuve qu’un travail a déjà été entamé, lequel reste encore à affiner.

Cette question, vous l’aurez compris, est selon moi liée aux spécificités des territoires. Je suis une élue du Lot, département rural et enclavé, non desservi par des gares TGV. La voiture y est l’unique mode de transport de proximité. Nos routes n’ont donc pas l’envergure des routes franciliennes, le trafic n’y est pas le même.

La longueur totale du réseau routier est de plus de 12 000 kilomètres, répartis de la façon suivante : 93 kilomètres d’autoroutes seulement, 16 kilomètres de routes nationales, mais 4 013 kilomètres de voies départementales et un peu plus de 8 000 kilomètres de routes communales. Dans le Lot, les accidents se concentrent à 65 % sur le réseau principal, le réseau secondaire ne représentant que 25 % des accidents.

Notre département se caractérise par un niveau d’investissement dans la voirie supérieur à la moyenne des collectivités de sa strate. La limitation de vitesse envisagée suscite donc des interrogations chez les habitants des territoires ruraux, que je représente, voire leur incompréhension. Rien n’atteste que cette baisse réglera nos problèmes en matière de sécurité routière. Nous demandons simplement une application différenciée de la mesure en fonction de la dangerosité des routes.

Il serait également opportun de mettre davantage l’accent sur la prévention, notamment auprès des jeunes. Ayant été professeur, je me souviens que des simulateurs de conduite très ludiques avaient fortement marqué les esprits de collégiens et leur avaient fait prendre conscience à la fois de leur temps de réaction, qui est en moyenne d’une seconde, et de la distance parcourue pendant ce temps de réaction. Je rappelle que, lorsqu’on roule à 45 kilomètres par heure, cette distance est de 12, 5 mètres.

Je conclurai mon propos par une idée simple : une conduite responsable est fondée sur des règles admises et comprises par les usagers, qui se les approprient et ainsi les respectent.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le sujet que nous abordons aujourd’hui dans ce débat est absolument essentiel. La sécurité routière nous concerne tous et mérite une politique publique sérieuse, adaptée et efficace. À titre personnel, je le mesure d’autant plus que le nombre d’accidents corporels et de morts sur les routes dans mon département de Maine-et-Loire est significativement supérieur à la moyenne nationale depuis plusieurs années.

La sécurité routière est l’affaire de tous, tant des élus que des associations qui œuvrent au quotidien pour la prévention. Le travail des sénateurs sur ce sujet est bien loin d’être une simple posture politique. Il relève au contraire de la recherche d’efficacité et de résultats.

À cet égard, je remercie les rapporteurs Michel Raison, Michèle Vullien et Jean-Luc Fichet de leur travail. Je salue notamment l’investissement de mon collègue Michel Raison, qui est particulièrement mobilisé depuis la fin de l’expérimentation de deux ans ayant conduit à la décision de réduire la vitesse à 80 kilomètres par heure.

Je ne reviendrai pas sur le flou qu’entretient le Premier ministre sur les résultats détaillés de l’expérimentation, mais je m’interroge sur la proportionnalité et l’utilité de cette mesure.

Je ne conteste pas le fait qu’un choc se produisant à 90 kilomètres par heure risque évidemment de provoquer des dommages plus importants, en dépit de l’amélioration des systèmes de sécurité sur les véhicules, tels l’airbag ou l’ABS par exemple. Cela étant dit, il me paraît excessivement simpliste de penser qu’une réduction de la vitesse de 10 kilomètres par heure sur l’ensemble des 400 000 kilomètres du réseau secondaire permettra de diminuer le nombre de victimes. On ne peut adhérer à un tel raisonnement, fondé sur une arithmétique technocratique très contestable. En effet, partant de cette logique, nous pourrions imaginer à l’avenir des limitations à 70, 60 voire 50 kilomètres par heure sur nos routes nationales et départementales. Tout cela n’est en réalité pas très sérieux. Nous attendons une politique bien plus ambitieuse. Il conviendrait notamment d’activer d’autres leviers comme l’éducation et la prévention.

Cette réduction généralisée, qui ne prend en compte ni l’état des routes ni leur tracé, est aberrante pour bon nombre de nos concitoyens, cela a été rappelé. En tant qu’élus de terrain, nous le ressentons dans nos départements : l’exaspération est réelle et ne cesse de croître. L’impression, en toile de fond, est qu’il s’agit là d’une vision purement parisienne, déconnectée des réalités et sans véritable fondement. Or, vous le savez comme nous, lorsqu’une mesure n’est pas adaptée et n’est pas comprise, elle n’est pas respectée.

La véritable question qu’il convient de se poser est celle de l’adéquation entre une limitation de vitesse et la route à laquelle elle s’applique. Depuis très longtemps, les exécutifs locaux prennent des dispositions dans ce sens. Tout le monde connaît une portion de route limitée à 70 kilomètres par heure en raison de son caractère accidentogène. Dans ce cas, la limitation de vitesse est parfaitement acceptée par les automobilistes.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Imposer une même limitation sur toutes les routes c’est nier la capacité d’appréciation des autorités locales.

Madame la ministre, pourquoi vous entêtez-vous à ignorer l’avis des acteurs de terrain ? Pourquoi avez-vous tant de mal à faire confiance aux élus ?

Il est encore temps d’aménager le dispositif et de mettre en place une réglementation au cas par cas, comme le préconise ce rapport et comme le souhaitent les présidents de département.

Les automobilistes français méritent une politique de sécurité routière réfléchie, ambitieuse et efficace. J’espère que le Gouvernement entendra l’appel des élus locaux et des sénateurs.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe socialiste et républicain.

M. Arnaud de Belenet applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Monsieur le président, monsieur le président de la commission du développement durable, monsieur le président de la commission des lois, mesdames, messieurs les sénateurs, je salue tout d’abord le sérieux du travail qui a été réalisé par le groupe de travail du Sénat sur la sécurité routière et je note avec satisfaction qu’il soutient les dix-sept mesures adoptées, sous la présidence du Premier ministre, par le Conseil interministériel de la sécurité routière le 9 janvier 2018.

Seule la mesure n° 5 fait l’objet des propositions de modification discutées ce soir dans votre assemblée. Je remercie Mme Vullien d’avoir évoqué certaines des autres décisions qui ont été prises. Je ne les citerai pas, mais elles concernent la consommation d’alcool et de stupéfiants, ainsi que l’usage des téléphones portables.

Je me réjouis d’abord que le travail entrepris ait conduit les rapporteurs à considérer d’un autre œil la réduction de la vitesse maximale autorisée, son effet sur la baisse des vitesses pratiquées et, de fait, sur la mortalité. Je relève en effet que les rapporteurs proposent non pas de rejeter en bloc la mesure, mais de ne l’appliquer que sur les routes ou les tronçons de route les plus accidentogènes, en fonction de leurs caractéristiques et de leur environnement.

Pour chaque réseau, c’est le gestionnaire de voirie qui prendrait, par voie d’arrêté, la décision d’abaisser la vitesse maximale autorisée. Des conférences départementales de sécurité routière seraient organisées pour déterminer ces tronçons. La baisse à 80 kilomètres par heure de la limite de vitesse sur les tronçons accidentogènes serait reportée de six mois et fixée au 1er janvier 2019.

Je répondrai précisément aux remarques qui ont été faites, en exposant la position du Gouvernement.

La fixation des vitesses maximales autorisées sur les voies relève non pas du domaine de la loi, mais du pouvoir réglementaire. Ce n’est pas nouveau, c’est toujours l’État qui a pris les décisions d’abaisser la vitesse maximale autorisée. Pour être précis, le cadre réglementaire permet aux autorités locales de fixer des vitesses maximales autorisées plus restrictives. Je suis issue d’un département rural, je connais les collectivités locales et je roule beaucoup en voiture : il m’arrive très souvent, lorsque j’emprunte une route départementale, de traverser un village où une zone 30 a été instaurée dans la partie urbanisée sur décision des élus locaux, soit une vitesse inférieure à 50 kilomètres par heure.

Veuillez me pardonner, mais j’ai oublié le nom de certains intervenants ayant été élus lors du dernier renouvellement du Sénat. §Un sénateur m’a demandé pour quelle raison on instaurait la diminution de la vitesse dès à présent et pourquoi on ne mettait pas en œuvre les autres mesures prévues dans l’immédiat. Le Gouvernement n’a pas la volonté d’étaler les mesures. Plusieurs d’entre elles seront effectives au 1er juillet, d’autres nécessitent un décret. D’autres enfin, comme celle qui porte sur l’usage d’un téléphone portable, requièrent même une loi. Cette mesure figurera dans le projet de loi d’orientation sur les mobilités que défendra Mme Borne dans quelque temps. Cela étant dit, toutes les mesures seront mises en œuvre assez rapidement.

Comme vous le savez, une proposition de loi sur les rodéos, que le Gouvernement soutient, a été déposée par le sénateur de l’Essonne, M. Delahaye. Nous sommes favorables à tout ce qui pourra limiter ces rodéos sauvages, qui, il faut bien le dire, cassent les pieds à tout le monde et sont extrêmement dangereux.

Il n’est pas choquant selon moi de vouloir appliquer la réduction de vitesse aux routes les plus accidentogènes. C’est d’ailleurs ainsi que le conçoit la Sécurité routière.

Je rappelle que les fameuses zones d’accumulation d’accidents corporels qui tachaient notre territoire il y a encore trente ans n’existent plus en France aujourd’hui. Le fait est que les accidents sont répartis de façon assez aléatoire dans les départements. En revanche, il est clair, et personne ne le conteste, qu’il y a un type de réseau sur lequel le risque d’accident est le plus élevé. L’Observatoire national interministériel de la sécurité routière, l’ONISR, organisme statistique indépendant rattaché au délégué interministériel à la sécurité routière, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

… l’a démontré dans un rapport publié le 17 avril dernier, peu avant le dépôt de votre rapport. Il est intéressant de disposer de ces rapports sur l’état de la situation. Sur le fondement des informations sur les typologies de réseau fournies par les départements et des données relatives aux accidents corporels et mortels survenus au cours des cinq dernières années, l’Observatoire a confirmé pour l’ensemble des départements ce que le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, le CEREMA, avait constaté sur un échantillon de départements, et cela peut paraître surprenant : hors agglomération, c’est sur les belles routes que l’on meurt le plus. Aucun département n’échappe à cette règle !

Si l’on considère la moyenne nationale, le réseau le plus important, le plus structurant dans un département représente 10 % du réseau sur le plan national et 38 % des morts. Si l’on ajoute à ces 10 % le réseau un peu moins important, qui est en moyenne de 10 %, on constate que, sur 20 % du réseau, on déplore 55 % des tués.

À titre d’exemple, j’ai analysé les départements de nos trois rapporteurs, que je remercie encore de leur travail.

Dans la Haute-Saône, le réseau structurant représente 8 % du réseau et 61 % des tués. Si on ajoute le deuxième niveau, sur 18 % des routes du département on dénombre 74 % des tués.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

C’est logique, ce sont les routes les plus fréquentées !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Dans le Rhône, le réseau structurant représente 22 % des routes et concentre 43 % des tués.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Si on ajoute le deuxième niveau, on constate que 32 % des routes du département totalisent 59 % des tués. Dans le Finistère, enfin, le premier niveau représente 37 % du réseau, mais concentre 60 % des tués.

Ainsi, les réseaux les plus empruntés sont ceux où l’on compte le plus d’accidents parce qu’ils concentrent les risques et que, comme chacun le sait, le danger commence là où l’on croit qu’il n’y en a pas.

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Ainsi, il y a rarement des accidents sur une petite route la nuit, quand cela tourne et qu’il pleut.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

En revanche, quand il fait beau, en journée, que la route est sèche, belle et droite, on accélère, on augmente le risque et on y meurt plus souvent, notamment s’il n’y a pas de séparation centrale.

Les statistiques sur ce point ne sont pas contestables. Elles sont faites par un organisme d’État, le CEREMA, et par des fonctionnaires dont le sérieux est tout à fait remarquable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Il n’y a pas lieu de remettre en cause leurs études scientifiques. Il faut défendre les fonctionnaires non pas de temps en temps, mais tout le temps !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Dans ces conditions, les routes sur lesquelles il faut réduire la vitesse, comme vous le demandez, sont déjà bien identifiées. Elles ont été déterminées par le croisement des données recueillies localement et des données de réseau fournies par les conseils départementaux, qui connaissent leur réseau. Il n’est donc pas besoin, comme vous le proposez, de différer la mesure et de modifier le réseau auquel elle doit s’appliquer. Ne pas appliquer la mesure à tout ou partie du réseau sur lequel on constate le plus grand nombre de décès serait incompréhensible.

D’autres considérations me conduisent à rejeter la proposition que vous faites, mesdames, messieurs les sénateurs. Les conditions de circulation sur un réseau doivent être claires et doivent pouvoir être intégrées par tous les usagers. Il est donc indispensable de fixer une vitesse par défaut. À défaut, le réseau ne serait plus cohérent, en raison des nombreuses variations de vitesse. Les choses ne doivent pas être trop compliquées, au risque d’entraîner de graves conséquences pour les usagers et un surcoût considérable lié à la multiplication des panneaux de limitation de vitesse, comme l’a fait remarquer M. Leroy.

Dans ces conditions, mesdames, messieurs les sénateurs, tout commande que la mesure n° 5 entre bien en vigueur le 1er juillet 2018 sur l’ensemble des routes bidirectionnelles sans séparateur central, exception faite des tronçons à quatre voies, ou à trois pour le seul sens du créneau de dépassement où le dépassement peut se faire avec moins de risques.

Enfin, comme l’a rappelé le Président de la République, il s’agit d’une mesure expérimentale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

À l’issue de cette expérimentation, après une évaluation, le Gouvernement aura plusieurs options, comme l’a indiqué le Président de la République : revenir en arrière, adapter ou maintenir la mesure. Comme vous, je suis certaine que nous parviendrons à sauver des centaines de vies par an.

J’évoquerai un dernier point pour finir : certains ont accusé le Gouvernement de vouloir, par cette mesure, gagner de l’argent, combler la dette, …

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

… grâce à l’augmentation inévitable du nombre d’amendes et donc des recettes. Certains chiffres circulent même, sans que l’on sache d’où ils proviennent : un montant de 300 ou 400 millions d’euros est évoqué, lequel n’est absolument pas avéré. La Sécurité routière l’a d’ailleurs démenti.

Bien sûr, on peut imaginer que cette mesure entraînera une hausse du nombre des amendes, mais ce nombre est impossible à évaluer précisément. Le Gouvernement a pris l’engagement d’affecter toute augmentation des recettes des radars liée au passage à 80 kilomètres par heure à un fonds destiné à améliorer les soins apportés aux blessés graves. Comme l’a rappelé Arnaud de Belenet tout à l’heure, ces derniers sont 24 000 par an. C’est inacceptable sur le plan humain. En outre, leur situation a aussi un coût social. L’objectif du Gouvernement est donc de réduire le nombre de morts, mais aussi de blessés graves, dont la vie est souvent complètement gâchée.

Aujourd’hui, 92 % des recettes des radars sont consacrées à la sécurité routière et 8 % au remboursement de la dette.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Je regrette, mais ces chiffres sont exacts !

Mme Costes suggère de développer le travail avec les écoles. La Prévention routière, qui est une association de la loi de 1901, réalise déjà un travail remarquable partout dans les départements. Ainsi, dans mon département, toutes les classes du primaire et du collège passent au moins deux jours par an et par niveau dans des centres de prévention routière.

La Sécurité routière a également signé un protocole avec 900 entreprises françaises afin de sensibiliser 3 millions de salariés aux problèmes liés à l’alcool au volant, à la vitesse, etc. Beaucoup de choses sont donc faites.

J’ai également été interrogée sur les délais d’attente pour passer le permis de conduire. Comme cela a été rappelé, une réforme a été engagée par M. Cazeneuve, l’ancien ministre de l’intérieur, laquelle a produit des effets. Aujourd’hui, le délai d’attente médian est de 40 jours, soit une durée inférieure à celle qui était constatée auparavant. Quant au coût du permis, il est effectivement assez élevé, mais il se situe dans la moyenne européenne, qui oscille entre 1 600 euros et 1 800 euros.

M. Gontard m’a interrogé sur la place du vélo dans le plan Mobilité. Le plan Vélo figurera bien dans le projet de loi d’orientation sur les mobilités, lequel sera prochainement soumis au Parlement. Je vous invite donc à vous rapprocher de Mme Borne, qui défendra ce projet de loi.

M. Leroy m’a interrogé sur les caméras-piétons des policiers municipaux. Je rappelle que la décision, en date du 3 juin 2016, d’équiper les policiers municipaux avait été prise par l’ancien gouvernement et que sa mise en œuvre est intervenue par décret au mois de septembre 2016. Comme le prévoyait la loi, une expérimentation a été effectuée. Elle a eu lieu dans 344 communes. Au total, 2 106 caméras ont été fournies aux policiers municipaux. Un rapport sera présenté dans quelques jours. Le bilan est positif.

Monsieur Leroy, le groupe UDI, Agir et indépendants de l’Assemblée nationale a déposé une proposition de loi en ce sens, soutenue par le Gouvernement. Celle-ci, inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale le 13 juin prochain, a été examinée en commission des lois ce matin. L’expérimentation va donc être pérennisée. Cela s’inscrit dans la logique générale d’équipement des gendarmes et des policiers, la police de sécurité du quotidien, vous le savez, tendant à organiser territorialement la sécurité en nouant des relations étroites entre la police, la gendarmerie et la police municipale. Cette proposition de loi sera ensuite évidemment soumise au Sénat ; je pense que son adoption ne devrait pas poser de problème.

Avant de conclure, mesdames, messieurs les sénateurs, après avoir répondu, je l’espère, à toutes vos questions, je tiens à souligner que le sujet dont nous débattons ce soir est grave. Je fais partie de ceux qui ont assisté à la réflexion menée par le Premier ministre sur la question. De plus, il se trouve que j’habite un département rural comportant des voiries très accidentogènes, en particulier les levées de la Loire, ou encore les routes de Sologne, fréquemment traversées par des animaux sauvages, notamment des sangliers. Donc, je vous le dis très sincèrement, cela ne me choque pas que la vitesse soit limitée à 80 kilomètres par heure sur certaines routes.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

M. le président. La parole est à M. le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

M. Alain Fouché applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d’abord saluer nos trois rapporteurs, qui ont eu à cœur de travailler avec sérieux, rigueur et sans a priori, sans méconnaître la gravité du sujet, soulignée par Mme la ministre à la fin de son propos.

La lutte contre l’insécurité routière est un combat que nous partageons tous dans cet hémicycle, mais c’est un combat qui, pour être efficace, ne peut être mené sans faire œuvre de pédagogie et sans rechercher un minimum d’adhésion de la part des usagers de la route.

Aujourd’hui, force est de constater que les politiques de sécurité routière sont beaucoup trop souvent perçues comme punitives, ce que nous déplorons tous. Pire, beaucoup de Françaises et de Français considèrent que ces politiques ont pour seul objectif de « remplir les caisses de l’État », « de faire du chiffre », disent certains, quand ils ne parlent pas de « racket ». Ce n’est évidemment pas satisfaisant, mais cela illustre bien la défiance à l’égard de la politique de sécurité routière.

La décision du Premier ministre – je dis bien du Premier ministre, puisqu’elle ne semble pas faire l’unanimité au sein du Gouvernement – de réduire de manière unilatérale et brutale la vitesse maximale autorisée à 80 kilomètres par heure sur la quasi-totalité des routes secondaires ne fait que renforcer ce sentiment. Cette décision provoque l’incompréhension et le mécontentement de nombreux citoyens et d’élus.

Cette incompréhension et ce mécontentement, cette colère même, touchent particulièrement les habitants des territoires ruraux, car ce sont bien eux les plus concernés. Les habitants des grandes villes ou des grandes métropoles disposent en effet de transports en commun pour circuler et, quand bien même ils utilisent leur véhicule, la question de rouler à 90 ou à 80 kilomètres par heure ne se pose pas.

En revanche, en milieu rural, vous n’avez pas d’alternative à l’usage de la voiture pour parcourir chaque jour parfois plusieurs dizaines de kilomètres pour aller travailler. Comment s’étonner dès lors que cette mesure soit perçue comme un mauvais coup supplémentaire porté à la ruralité ?

Cette mesure est d’autant moins compréhensible qu’elle intervient après la conduite d’une expérimentation dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle est fortement contestée sur le plan scientifique.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Le délégué interministériel à la sécurité routière a d’ailleurs été dans l’incapacité d’apporter à nos commissions des éléments tangibles prouvant l’utilité de cette proposition. Le Gouvernement n’y est pas non plus parvenu.

Dans ces conditions, pourquoi ne pas avoir commencé par réaliser une véritable expérimentation sur un nombre significatif de tronçons routiers et pendant une période suffisante ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Pourquoi ne pas avoir décidé d’associer le plus largement possible les acteurs concernés à la décision de réduction de la vitesse maximale autorisée, notamment les présidents de département ?

À ce problème de méthode s’ajoute un problème lié au caractère uniforme de cette mesure. Une étude publiée par l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière le 17 avril dernier, dont vous avez d’ailleurs parlé, madame la ministre, montre que, parmi les routes à double sens sans séparateur central, ce sont les routes nationales et les principales routes départementales drainant le plus fort trafic qui sont responsables du plus grand nombre d’accidents mortels.

En approfondissant ce travail, il aurait été possible de dresser une cartographie des routes accidentogènes département par département.

Pourquoi, dès lors, vouloir appliquer la réduction de vitesse à l’ensemble des routes bidirectionnelles ? Qui peut prétendre que toutes les routes nécessitent la même limitation de vitesse ? Qui peut affirmer qu’elles présentent toutes la même dangerosité ? C’est pour le moins une vision manichéenne et technocratique.

Les propositions formulées par nos rapporteurs, notamment celle de laisser aux présidents de département le soin de fixer la vitesse maximale autorisée en fonction de la dangerosité des routes, me semblent tellement plus logiques et mieux adaptées que ce que le Premier ministre a décidé. Pourquoi refuser d’en tenir compte ?

Nous ne pouvons donc que regretter cette décision, madame la ministre, et le fait que le Gouvernement, comme souvent malheureusement, ne fasse aucun cas des travaux menés par le groupe de travail sénatorial.

Nos rapporteurs ont formulé une proposition de bon sens qui favoriserait l’acceptabilité de la mesure de réduction de la vitesse maximale autorisée et la rendrait plus efficace.

Nous sommes prêts, nous l’avons dit, à soutenir les initiatives du Gouvernement en matière de sécurité routière et sommes majoritairement favorables aux mesures contenues dans le plan visant à renforcer les sanctions contre les auteurs d’infractions graves au code de la route et à sévir davantage contre l’usage du téléphone et l’alcoolémie au volant.

En revanche, vous l’avez compris, nous regrettons le caractère général de la réduction de la vitesse à 80 kilomètres par heure, la méthode choisie et l’entêtement du Premier ministre.

Vous nous dites, madame la ministre, que la mesure sera revue dans deux ans : cela ne me paraît ni réaliste, ni sérieux, ni même décent, ne fût-ce que parce que, selon les chiffres du Gouvernement, environ 9 millions d’euros auront été investis dans des panneaux de limitation de vitesse à 80 kilomètres par heure !

Lorsqu’il s’agit de mesures aussi significatives que l’abaissement de la vitesse autorisée sur l’ensemble du réseau, la moindre des choses est de faire preuve de pédagogie et de concertation. Le Gouvernement n’a fait preuve ni de l’une ni de l’autre. Cette mesure ne fera donc que renforcer davantage encore la défiance des Français à l’égard de la politique de sécurité routière et la colère des automobilistes qui vont être verbalisés, particulièrement en milieu rural.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, mes chers collègues, je veux à mon tour saluer et remercier nos rapporteurs qui, en un temps record, ont mené à bien des travaux dont chacun, à cette tribune, a pu saluer la sérénité, l’objectivité, la sagesse, le recul et la hauteur de vue.

Madame la ministre, si je partageais vos certitudes, je n’hésiterais pas à soutenir les dispositions que le Premier ministre a arrêtées, mais je ne les partage pas. Le rapport que nos collègues nous ont présenté devrait suffire à convaincre le Gouvernement qu’il a adopté une mesure qui ne produira pas les effets escomptés.

La croyance dans l’efficacité de cette mesure me paraît relever d’un acte de foi – j’y suis sensible, bien sûr

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Le rapport d’avril dernier que vous avez cité a parfaitement identifié un certain nombre d’axes sur lesquels les accidents mortels sont nombreux, mais il n’a nullement dit que ces accidents avaient été causés par une vitesse comprise entre 80 et 90 kilomètres par heure, et que la solution consistant à diminuer de dix kilomètres par heure la limitation de vitesse serait donc la solution pour mettre fin aux accidents qui se produisent sur ces routes. Si bien que l’invocation de ce rapport, à longueur de journée, n’a strictement aucun caractère scientifique.

Nous vous rejoignons, bien sûr, pour dire que, sur ces axes, des mesures doivent être prises pour réduire ces accidents.

Madame la ministre, vous le savez, j’étais aux côtés de Jacques Chirac quand il a fait de la lutte contre la mortalité routière l’un des grands chantiers de son quinquennat. Je veux vous dire mon engagement total pour cette cause, qui est une grande cause nationale. Nous la partageons tous : il n’y a pas, d’un côté, le Gouvernement qui veut réduire la mortalité routière et, de l’autre, le Sénat qui s’oppose à toute mesure destinée à cette réduction.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Vous ne nous avez pas accusés, madame la ministre, d’avoir de telles intentions.

Le Gouvernement nous dit vouloir s’inscrire, par les mesures nouvelles qu’il propose, dans la continuité de l’action qui a été conduite au début des années 2000. Je ne conteste naturellement ni sa sincérité ni la légitimité de ses intentions, mais il ne suffit pas que les objectifs soient justes pour que les moyens soient bons.

Le Gouvernement doit cesser de diaboliser les interrogations et les réserves qui sont exprimées. Elles ne résultent pas d’une résurgence tardive de je ne sais quel poujadisme, mais d’un examen critique, approfondi, documenté, de la pertinence des mesures de limitation de la vitesse normale sur les routes départementales à 80 kilomètres par heure et de l’évaluation de son efficacité. Nous partageons la certitude objective que la vitesse tue. Cependant, il serait plus exact de dire que c’est l’excès de vitesse par rapport aux limitations actuelles qui tue

Exactement ! sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je voudrais vous dire par ailleurs que si la vitesse tue, madame la ministre, elle tue plus encore quand elle est associée à d’autres facteurs. Vous les avez rappelés, beaucoup de collègues l’ont fait aussi, notamment nos rapporteurs : l’alcool, les stupéfiants, l’endormissement, l’usage du téléphone portable, les fautes de conduite…

Nos rapporteurs ont réalisé un travail considérable. Ils ont démontré qu’il faut agir sur tous ces facteurs pour être efficace. C’est la proposition qu’ils font avec une mesure décentralisée au lieu d’être étatique, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. … affinée plutôt qu’aveugle, concertée plutôt que décidée par voie d’autorité, qui responsabilise au lieu d’infantiliser, évaluée avant d’être appliquée. La sagesse voudrait que cette proposition soit acceptée par le Gouvernement : c’est une chance que nous lui offrons, une main que nous lui tendons. Notre but ne doit pas être de créer un électrochoc éphémère chez les Français, mais de les faire concourir par adhésion, en obtenant l’évolution de leur comportement au volant, à l’amélioration générale de la sécurité routière.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Nous en avons terminé avec le débat sur les conclusions du rapport Sécurité routière : mieux cibler pour plus d ’ efficacité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 6 juin 2018 :

À quatorze heures trente :

Explications de vote, puis vote sur la proposition de loi relative à l’autorisation d’analyses génétiques sur personnes décédées (273, 2017-2018) ;

Rapport de Mme Catherine Deroche, fait au nom de la commission des affaires sociales (523, 2017-2018) ;

Texte de la commission (n° 524, 2017-2018).

Explications de vote, puis vote sur la proposition de loi visant à attribuer la carte du combattant aux soldats engagés en Algérie après les accords d’Évian, du 2 juillet 1962 jusqu’au 1er juillet 1964 (431, 2017-2018) ;

Rapport de M. Philippe Mouiller, fait au nom de la commission des affaires sociales (511, 2017-2018) ;

Texte de la commission (n° 512, 2017-2018).

Proposition de résolution européenne au nom de la commission des affaires européennes, en application de l’article 73 quater du Règlement, en faveur de la préservation d’une Politique agricole commune forte, conjuguée au maintien de ses moyens budgétaires (n° 430, 2017-2018) ;

Rapport d’information de M. Daniel Gremillet, Mme Pascale Gruny, MM. Claude Haut et Franck Montaugé, fait au nom de la commission des affaires européennes et de la commission des affaires économiques (437, 2017-2018) ;

Rapport de MM. Daniel Gremillet et Franck Montaugé, fait au nom de la commission des affaires économiques et texte de la commission (475, 2017-2018).

Le soir :

Proposition de résolution relative aux obligations déontologiques et à la prévention des conflits d’intérêts des sénateurs, présentée par M. Gérard Larcher, président du Sénat (364, 2017-2018) ;

Rapport de M. Philippe Bas, fait au nom de la commission des lois (517, 2017-2018) ;

Texte de la commission (n° 518, 2017-2018).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à vingt-trois heures vingt-cinq.

Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste a présenté une candidature pour la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Aucune opposition ne s ’ étant manifestée dans le délai prévu par l ’ article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Pierre Laurent est membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, en remplacement de M. Thierry Foucaud.

Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste a présenté une candidature pour la commission des affaires européennes.

Aucune opposition ne s ’ étant manifestée dans le délai prévu par l ’ article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Pierre Laurent est membre de la commission des affaires européennes, en remplacement de M. Thierry Foucaud.

Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste a présenté une candidature pour la commission de la culture, de l ’ éducation et de la communication.

Aucune opposition ne s ’ étant manifestée dans le délai prévu par l ’ article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : Mme Céline Brulin est membre de la commission de la culture, de l ’ éducation et de la communication, en remplacement de M. Pierre Laurent.