Lorsque nous leur avons demandé sur quelles bases et à partir de quelles expérimentations cette mesure avait été décidée, nous n’avons obtenu, dans un premier temps, aucune réponse ! Et c’est ainsi que, grâce à l’appui du président Larcher, du président de la commission des lois, du président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, il a été décidé, au Sénat, dont on ne peut mettre en doute ni la sagesse ni le sérieux et dont le rôle est aussi de contrôler le Gouvernement, de constituer un groupe de travail sur le sujet.
Nous nous sommes mis au travail. Aux premières questions que nous avons posées, nous avons eu beaucoup de mal à obtenir des réponses. Ce fut le cas pour cette fameuse étude du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, ou CEREMA. Les choses furent encore beaucoup plus difficiles quand nous avons abordé l’étude de l’accidentalité.
Nos conclusions ont toutefois été assez claires : si personne ne détient la vérité, pas plus en matière de sécurité routière que dans d’autres domaines, la limitation de la vitesse à 80 kilomètres par heure constitue un seuil psychologique inacceptable. De plus, les 400 000 kilomètres de routes secondaires concernés se trouvent dans des départements qui, l’un après l’autre, se sont vu refuser des mises à deux fois deux voies de routes. Récemment d’ailleurs, la Cour des comptes a souligné les lenteurs excessives de l’État à propos d’une route à deux fois deux voies ; celle-ci était située, me semble-t-il, en Saône-et-Loire, mais on pourrait citer des exemples dans beaucoup d’autres départements.
Or si le Gouvernement avait vraiment envie de réduire le nombre de morts, puisqu’il nous explique que celles-ci sont beaucoup moins nombreuses sur les routes à deux fois deux voies, il fallait commencer par cela ! Surtout qu’il récolte 2 milliards d’euros grâce aux PV ! Quand même peut-être y a-t-il moyen de faire un peu plus !
Certes, je le répète, personne n’est sûr de détenir la vérité, mais il faut se poser de nombreuses questions quand on sait que, comme vient de le souligner mon collègue, 76 % des Français sont opposés à cette mesure. Ce pourcentage englobe des gens des villes et des gens des champs. L’Assemblée des départements de France, l’ADF, dont nous avons auditionné les représentants, lesquels adhèrent à la conclusion que va développer ma collègue Michèle Vullien, est également opposée à cette mesure.
Plus grave encore, nous avons senti, madame la ministre, une fracture assez importante au sein du Gouvernement.
À additionner tous ces points de vue, notre position s’en trouve largement confortée.
Votre ministre de tutelle a récemment sorti son joker. Le ministre chargé de l’aménagement du territoire s’est déclaré officiellement opposé. J’ai lu le dernier article consacré au sujet par Le Parisien et j’ai compté une dizaine de ministres sur vingt-deux qui étaient défavorables à cette mesure.
Et ce n’est pas de notre faute si la communication du Premier ministre a dérapé dès le départ. Sur les dix-huit mesures prises, il ne nous a parlé que de la limitation de la vitesse à 80 kilomètres par heure sans nous donner la moindre explication et sans nous dire pourquoi, en s’appuyant sur des arguments scientifiques, cette mesure pouvait être mise en place.
On ne saura d’ailleurs jamais si elle porte ses fruits. En effet, dans le même temps, on installe des radars plus performants à double sens. Heureusement, on compte quelques routes à deux fois deux voies supplémentaires. Et la technologie des véhicules s’améliore, ce qui va également permettre de sauver des vies. Si bien que le bilan fait en fin d’année fera peut-être état de vies sauvées, mais l’on ne pourra jamais être certain que ce succès est dû à la limitation de la vitesse à 80 kilomètres par heure. Je vais évidemment continuer à travailler sur ce sujet.
Je ferai maintenant une dernière remarque. Parmi les dix-huit mesures, il en est une sur la prévention routière qui est complètement vide ! Et pendant ce temps-là, le Premier ministre nous dit que le surplus des PV – ce qui représente 300 à 400 millions d’euros, car l’une des rares mesures qu’on ait pris la peine d’évaluer, c’est ce que vont rapporter les PV !– sera dédié aux hôpitaux.