Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la sécurité routière est notre priorité, c’est vrai. À la suite du comité interministériel de la sécurité routière du 9 janvier dernier, le Gouvernement, par la voix du Premier ministre, a décidé avec ténacité qu’à compter du 1er juillet prochain la vitesse maximale autorisée sur les routes à double sens sans séparateur central serait réduite de 90 kilomètres par heure à 80 kilomètres par heure.
Cette annonce est intervenue sans concertation préalable. Le Premier ministre a lui-même admis qu’elle n’était le résultat d’aucune expérimentation fiable.
Certes, une expérimentation a été réalisée, pendant deux ans, sur 86 kilomètres de routes, mais M. Emmanuel Barbe, délégué interministériel à la sécurité routière, a affirmé – de manière inexacte, d’ailleurs – devant notre commission du développement durable qu’elle « n’avait pas pour but de faire diminuer le nombre de morts ». Heureusement, car ses résultats sont extrêmement mauvais, et ce malgré la réalisation d’importants travaux de sécurité de voirie avant l’expérimentation.
Cette mesure n’est justifiée que par un chiffre hypothétique – 400 morts pourraient être évitées – tiré de l’idée selon laquelle une diminution de 1 % de la vitesse entraînerait une baisse de 4 % des accidents mortels.
Comment expliquer, alors, que certains de nos voisins européens soient mieux classés que nous quant au nombre de tués sur les routes, alors qu’ils appliquent une limitation de vitesse supérieure à 80 kilomètres par heure ?
En l’absence d’éléments de nature à justifier cette décision très contestée par la population, par de nombreux parlementaires de la majorité présidentielle, et même par les forces de l’ordre dans leur majorité, le Sénat a mis en place un groupe de travail conjoint afin d’évaluer, sans a priori, l’utilité et l’efficacité de cette mesure.
Je voudrais saluer ici la volonté des présidents de la commission des lois et de la commission du développement durable, et relever le travail remarquable qu’ont accompli nos trois rapporteurs.
La conclusion du rapport est pleine de bon sens : il faut décentraliser vers l’échelon départemental la décision de réduire la vitesse.
Le président du département, propriétaire de la plupart de ces routes, doit prendre cette décision après avoir consulté la préfecture, les maires et les forces de l’ordre.
Le ministre de l’intérieur lui-même doute de l’efficacité d’une généralisation de cette mesure. Il a dit « joker », et c’est vous, madame la ministre, qu’il envoie au charbon aujourd’hui !