Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, près de 3 700 personnes ont perdu la vie sur les routes de France en 2017, les accidents corporels ont augmenté de plus de 2 %, et le nombre de personnes blessées de 1, 3 %, soit près de 74 000 personnes, pour 59 000 accidents ; la situation de la sécurité routière en France est donc préoccupante.
Après avoir atteint son plus bas niveau en 2013, la mortalité routière a connu trois années de hausse consécutives. Pour répondre à cette évolution inquiétante, le Gouvernement a décidé d’abaisser à 80 kilomètres par heure la limitation de vitesse sur les routes nationales à compter du 1er juillet. Cette mesure a suscité de nombreux débats et de vives oppositions, de la part tant des élus locaux que des professionnels de la route et des usagers. Au vu des sondages les plus récents, ceux-ci continuent en majorité de la désapprouver.
Toutefois, le Premier ministre a confirmé l’entrée en vigueur de cette mesure à partir de l’été prochain. La véritable question est donc désormais celle de sa mise en œuvre concrète et opérationnelle.
Le coût de l’installation de la nouvelle signalisation est estimé entre 5 et 10 millions d’euros. Il a été annoncé que ce coût serait entièrement pris en charge par l’État.
Par ailleurs, l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière et les observatoires départementaux ont un rôle essentiel à jouer dans l’évaluation de cette mesure et la réalisation de comparaisons sérieuses, fondées sur des indicateurs fiables des comportements et de l’accidentalité, avant et après sa mise en œuvre.
En tant qu’élue d’un département rural et très enclavé, je suis cette mesure avec une attention particulière. En effet, la plupart des routes concernées se trouvent dans ces territoires où les transports en commun sont peu, voire très peu développés, où certaines petites lignes de chemin de fer pourraient être menacées, et où le véhicule personnel est indispensable pour pouvoir se déplacer. Si l’on ne peut que souscrire à la volonté de lutter sans relâche contre la violence et la mortalité routières, il existe de vraies interrogations et, localement, de fortes, voire de très fortes réticences à la mise en place d’une limitation de vitesse à 80 kilomètres par heure. On peut vraiment le comprendre.
Malgré le bien-fondé de l’objectif final, il faut convenir que cette limitation contribuera, malheureusement, à aggraver l’enclavement déjà excessif de nos territoires. Cibler l’application de cette mesure m’apparaît donc essentiel. Que les décisions soient prises au plus près du terrain !
De plus, des mesures énergiques doivent être prises afin de modifier durablement les comportements dangereux : il faut interdire le téléphone et les écrans, et assurer le respect des limitations de vitesse.
Des investissements doivent également être réalisés afin d’améliorer l’état des routes. La France bénéficie d’infrastructures de transport d’une grande qualité, mais ce réseau est aujourd’hui trop peu entretenu. En outre, du fait de la départementalisation des routes et du manque de compensation financière de l’État, les disparités territoriales ont tendance à s’accroître. La forte baisse des financements à destination des collectivités locales, notamment en raison de la décentralisation du stationnement payant, n’est pas de nature à améliorer la situation. La position du Sénat sur ce point me paraît raisonnable et ses propositions mériteraient d’être expérimentées.
Dans tous les cas, la France doit pouvoir trouver les moyens d’améliorer réellement la sécurité routière. En 2018, notre pays ne peut plus se permettre de connaître encore des taux de mortalité routière presque doubles de ceux de l’Allemagne ou du Royaume-Uni, pays où les limitations de vitesse sont pourtant plus élevées qu’en France sur les routes secondaires, puisqu’elles y sont fixées, respectivement, à 100 et 96 kilomètres par heure. On voit bien que la vitesse n’explique pas tout.
Les efforts en matière d’éducation doivent être poursuivis et accentués. Le rapport de Jean-Marc Gabouty sur le programme « Sécurité et éducation routières » de la loi de finances pour 2018 a salué une amélioration de la sincérité budgétaire pour les dépenses de communication et les frais d’étude et d’expertise.
La réforme du permis de conduire, engagée en 2014 et 2015, semble également porter ses fruits. On peut espérer que, grâce à elle, on verra de moins en moins de jeunes conduire sans permis.
Le délai moyen d’attente pour le passage de l’examen du permis de conduire poursuit sa baisse. La réforme mise en œuvre dans le cadre de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques avait pour objectif de rendre le permis à la fois plus accessible et plus transparent en réduisant ces délais, tout en relançant la conduite accompagnée, ce qui est une excellente chose. Cette réforme semble obtenir des résultats positifs, puisque le délai moyen entre deux présentations à l’examen du permis B est passé de 90 jours en 2014 à 57 jours en 2017. L’objectif d’une attente moyenne de 45 jours, inscrit au projet annuel de performance de 2017, n’apparaît donc plus hors d’atteinte.
Parallèlement, la durée de validité de l’examen du code est passée de trois à cinq ans. Les conditions de distance et de durée minimale pour la conduite accompagnée ont été supprimées, et les recrutements d’inspecteurs du permis de conduire ont été encouragés.
En revanche, le coût de la formation et des épreuves pour les usagers continue de poser problème. Selon le rapport remis en 2014 par Mme Florence Gilbert, ce coût s’établit en moyenne à 1 600 euros, ce qui reste un montant très élevé. En sont responsables des frais administratifs encore trop importants et un coût horaire de la leçon de conduite très élevé.
Afin de remédier réellement à ces difficultés, la solution ne serait-elle pas d’améliorer la concurrence entre les auto-écoles ou, en cas de défaillance du marché, de nationaliser l’ensemble de la formation, voire d’en faire une matière scolaire ?
Je vous remercie, madame la ministre, de répondre à ces différentes interrogations.