Intervention de Jean-Michel Pottier

Commission des affaires sociales — Réunion du 13 juin 2018 à 9h00
Projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel — Table ronde des organisations représentatives des employeurs

Jean-Michel Pottier, vice-président chargé des affaires sociales et de la formation de la CPME :

Cette réforme contient à la fois des points positifs et suscite certaines réserves.

S'agissant des éléments positifs, cette réforme répond aux préoccupations de la CPME en remettant le chef d'entreprise au coeur du dispositif de l'apprentissage, dont il avait été jusque-là tenu à l'écart du fait de la forte présence de l'administration. Or, les effectifs de l'entrée en apprentissage ont stagné pendant 5 ans. Le renforcement des objectifs assignés aux observatoires des métiers et des qualifications va de pair avec leur mise en cohérence avec ceux des observatoires territoriaux. Les branches professionnelles sont désormais chargées d'élaborer des référentiels de formation et pourront émettre un veto aux propositions de l'Éducation nationale. C'est là une véritable révolution ! Le dispositif de paiement au contrat, déjà en vigueur pour les contrats de professionnalisation, va également dans le bon sens. Ce système fonctionne très bien et nous nous félicitons de sa généralisation à l'apprentissage. En outre, libérer les CFA des contraintes administratives et du contingentement, dans lequel se trouvait jusqu'à présent l'apprentissage, permettra d'éviter le financement de sections à moitié vides. Cette démarche facilitera la conclusion des contrats de professionnalisation, dans le cadre de la formation continue, et des contrats d'apprentissage en matière de formation initiale.

Néanmoins, de nombreuses inconnues demeurent. Ce projet de loi renvoie à des décrets, qui couvrent des champs de grande ampleur, sur lesquels nous ne disposons d'aucune information. Les chefs d'entreprise n'ont aucune visibilité sur la transition entre ces deux systèmes, alors qu'ils doivent s'engager sur des contrats de trois ans. Les acteurs de l'apprentissage doivent être rassurés sur ce point. Cette transition doit être la plus rationnelle possible. Nous souhaiterions également que la loi reprenne la disposition de l'accord national interprofessionnel (Ani) du 22 février 2018 selon laquelle tout contrat d'apprentissage doit être financé. Les branches professionnelles et les CFA doivent partir des coûts de référence pour négocier leurs contrats sous l'égide de France compétences, dont les missions et la gouvernance viennent d'être quelque peu clarifiées grâce à des amendements gouvernementaux adoptés hier.

Si les aides financières aux TPE et PME devraient être concentrées sur les entreprises de moins de 250 salariés, leur limitation au niveau Bac nous paraît une erreur ; le niveau Bac + 2 ou Bac + 3 nous paraissant plus pertinents pour répondre aux besoins des entreprises.

Sur la formation professionnelle, nous regrettons que le projet de loi se soit éloigné de l'Ani du 22 février dernier. Certes, le travail des parlementaires permet de revenir au principe de réalité dont les annonces subreptices de la ministre du travail relatives au Big Bang en la matière s'étaient quelque peu éloignées. Le compte personnel de formation (CPF) pose problème : un accès quasi-universel, par voie de smartphone, à la commande d'une action de formation est certes une idée généreuse, mais peu en phase avec la vie des entreprises. Les salariés les moins qualifiés ne vont pas bénéficier de ce système, alors qu'ils en ont pourtant le plus besoin, faute de pouvoir se servir de cette fonctionnalité. Ce n'est donc pas une bonne solution. La CPME est, à l'inverse, extrêmement attachée à la co-construction de la formation entre l'employeur et le salarié. En 2013, nous avions déjà défendu le principe de convergence et la co-construction est actuellement soit empêchée, soit découragée, que ce soit avec l'entreprise ou la branche professionnelle. Si l'entreprise accorde un soutien à l'action de formation éligible au CPF et financée par le salarié, son financement transitera par la Caisse des dépôts et consignations, ce qui s'avère dissuasif. Le texte doit évoluer pour favoriser cette co-construction qui reste indispensable à l'élévation des compétences des salariés.

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