Cette loi représente, à nos yeux, un cap historique pour l'apprentissage. La méthode du dialogue social a changé depuis l'élection d'Emmanuel Macron, qui a mis au centre de son projet présidentiel l'enjeu des compétences. À ce titre, les organisations professionnelles de branche ont été placées au coeur du dispositif de l'apprentissage. Après les premières réformes conduites par ordonnances, le fait que le Gouvernement négocie avec les partenaires sociaux sur l'apprentissage, qui ne relevait pas de leurs compétences, est une première et traduit la volonté du Gouvernement de les écouter. Certes, certains décalages peuvent se faire jour entre l'accord du 22 février dernier et le contenu du projet de loi, mais ceux-ci apparaissent secondaires et peuvent encore être corrigés.
Sur le fond, nous rejoignons la CPME. D'une part, le CPF libellé en euros, destiné à remplacer le CPF en heures, nous paraît susceptible de générer des comportements de thésaurisation au détriment des projets de formation. D'autre part, la co-construction, qui permet d'aller plus loin dans l'autonomie individuelle et de mieux répondre aux besoins aux entreprises, n'apparaît pas dans le corps du texte actuellement débattu à l'Assemblée nationale. Nous ne savons, pas, du reste, ce qui ressortira de ce débat.
Par ailleurs, alors que le Medef promouvait la fusion d'instances comme le Comité régional de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (Crefop), le Comité interprofessionnel pour l'emploi et la formation (Copranef) et le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), l'État a choisi de confier la gouvernance globale du système à un nouvel établissement public, France Compétences, qui devra également assumer des missions de régulation financière. Nous souhaitons que la gouvernance de ce nouvel organisme accorde une place importante aux partenaires sociaux et aux régions et que ses missions ne se limitent pas aux montages financiers pour intégrer celles d'évaluer les performances de l'ensemble du système. Des amendements, en cours de discussion à l'Assemblée nationale, devraient préciser les compétences de ce nouvel établissement public dont il faudra veiller à maintenir l'efficience.
La coopération future avec les régions est essentielle. Dans l'Ani, nous préconisions la création d'un pacte d'objectifs partagés avec les régions mais non prescriptif. Si nous sommes très attachés à la liberté d'établissement, il est essentiel d'échanger avec les régions sur le financement. La loi n'aborde pas ce point, malgré l'annonce par le Gouvernement, lors de la présentation de son projet de loi, de l'importance de la coopération avec les régions.
Il va également nous falloir préciser, avec les branches professionnelles, les champs et des métiers pris en compte lors du remplacement des organismes paritaires collecteurs agréés (Opca) par les opérateurs de compétences (Opcom). Le Gouvernement a d'ailleurs décidé d'accélérer le calendrier de cette mutation.
Enfin, nous soutenons les fondamentaux de la réforme de l'apprentissage, s'agissant notamment des procédures de conclusion et de rupture des contrats de travail, de la liberté d'installation des CFA, du financement des CFA au contrat et de la coopération avec les régions en matière d'orientation. Le Medef souhaite pouvoir dialoguer avec les régions pour identifier les cibles des investissements à plus ou moins longue échéance.
En revanche, ce projet de loi comprend d'autres dispositions sur l'assurance chômage, l'emploi des personnes en situation de handicap, ou encore l'égalité professionnelle. Le système paritaire de l'assurance chômage est modifié très substantiellement et la création de droits nouveaux s'opère sans que soit précisé son financement ; les cotisations salariales étant remplacées, à terme, par une part de la Contribution sociale généralisée (CSG) votée dans le cadre des lois financières. Dans cette nouvelle configuration, qui repose sur un cadrage financier fixé par l'État, quelles seront les marges de négociation des partenaires sociaux ? Que deviendra ce paritarisme de gestion revisité ? En outre, nous sommes opposés à l'idée d'un bonus malus qui sanctionnerait les entreprises recourant à des contrats de très courte durée ; le débat nous semble très mal formulé tant il repose sur l'hypothèse implicite d'un comportement fautif des employeurs qui doivent pourtant faire face aux aléas économiques et, parfois, répondre favorablement aux voeux de leurs employés. Les branches commencent à négocier sur ce sujet et cette décision renvoie à la question du modèle économique reconnu comme pertinent pour caractériser le marché du travail, notamment dans les services. Le projet de loi n'aborde pas, en tant que tel, les personnes en situation de handicap ou l'égalité professionnelle, des concertations sur ces deux thématiques étant conduites concomitamment à son examen parlementaire.