On réforme tellement vite sans prendre le temps d'évaluer les dispositifs existants, comme le démontre le peu d'évaluation de la loi de 2014 ! Nous n'avions pas signé l'accord de 2013, en raison de l'absence de co-construction de la formation entre l'employeur et le salarié. Il faut favoriser ce principe, sans pour autant le mettre en rapport avec le plan de formation de l'entreprise. La volonté politique de redéfinir les opérateurs de compétence privilégie une approche individualiste du CPF. Or, il est fondamental que les TPE, qui n'ont pas de service de ressources humaines, puissent s'appuyer sur un opérateur compétent, pour trouver des financements auprès de leur branche, de la région, ou encore des fonds européens. Le délai laissé aux branches professionnelles pour désigner leurs nouveaux opérateurs de référence est fixé au 31 octobre prochain. Cette date nous paraît irréaliste ; on ne peut commencer la définition des compétences dans un paysage social où les opérateurs sont appelés à changer ! La CPME préconise le report du délai, pour les branches, au 31 décembre et pour les opérateurs de compétence et leur accord constitutif au 31 mars 2019, quitte à prévoir une application rétroactive. Allons très vite, mais de manière plus sécurisée, à moins que l'État ne décide de reprendre immédiatement la main sur cette question. J'espère que les débats à l'Assemblée nationale absorberont cette question de manière sereine.
La question des filières a été évacuée par un amendement gouvernemental. La logique de secteurs et de métiers nous semble désormais idoine et nous allons promouvoir cette idée auprès des deux experts qui viennent d'être nommés par le Gouvernement pour assister les branches dans la recomposition du paysage des opérateurs de compétence.
La contribution unique, c'est une farce car elle existe déjà, comme l'illustre le versement, par les entreprises, de leur contribution formation et leur taxe d'apprentissage au même opérateur : un Opca est aussi un organisme collecteur de taxe d'apprentissage (Octa) ! Politiquement, le maintien de l'exonération pour certains employeurs ne change guère les choses. En revanche, l'Urssaf sera certes chargée de collecter ces contributions, mais elle ne sera pas capable de transmettre les données techniques nécessaires au fonctionnement de France compétences. Le directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) le reconnaît lui-même. Les opérateurs de compétence vont ainsi devoir agir à l'aveugle, à l'instar des fonds d'assurance formation auprès des travailleurs indépendants qui doivent aujourd'hui justifier, a posteriori, leurs cotisations. En réponse, nous souhaitons que le texte mentionne des objectifs de renseignements par les Urssaf, faute de quoi, il faudrait laisser la collecte aux opérateurs de compétence.
La limite financière à 500 euros des CPF s'inscrit dans une logique de marché. S'acheter son action de formation risque de devenir une démarche à bas coût. Les partenaires sociaux s'étaient pourtant exprimés, dès le départ, pour le maintien du compte en heures.
L'apprentissage de 25 à 30 ans est destiné aux jeunes qui ont souvent débuté des études universitaires, voire qui en sont diplômés mais ont ensuite besoin d'une autre formation diplômante pour accéder à un métier. Nous soutenons donc cette mesure.
Il est difficile d'évaluer l'impact des mesures proposées sur l'emploi direct des travailleurs handicapés. En revanche, elles vont mettre fin à une zone d'ombre, puisque de nombreux travailleurs handicapés se trouvent dans des entreprises qui ne sont pas assujetties à la taxe ! Encore faut-il que l'entreprise trouve des compétences chez les travailleurs handicapés qui permettent de les intégrer. Il faut être attentif à ce que ces mesures couperet n'occultent pas les réalités des territoires. Pourvoir les emplois ne relève nullement d'un processus automatique. Enfin, sur la gouvernance de l'assurance chômage, piloter sans connaître le montant des recettes et en vertu d'un simple document de cadrage s'avère périlleux !