Monsieur le ministre, le 27 mars dernier, vous nous avez présenté le plan « Action cœur de ville » à destination de 222 villes moyennes, qui pourront bénéficier de 5 milliards d’euros sur cinq ans. C’est un bon début pour s’attaquer au problème de fond de la perte d’attractivité des centres-villes et centres-bourgs, phénomène qui s’accroît depuis les années 2000. En effet, la recomposition sociale des territoires a été puissante : adaptation ou non à la mondialisation, émergence des métropoles, accélération du développement de la grande distribution dans les années quatre-vingt-dix, commerce en ligne… Les villes touristiques et celles dont la population a des revenus importants sont, en partie, épargnées par ces évolutions.
Globalement, le premier constat alarmant nos concitoyens et les acteurs publics est la baisse de l’attractivité commerciale des centres. En moyenne, au plan national, ceux-ci ne satisfont plus que 30 % de nos besoins de consommation. Et pour cause, la France produit trop de surface commerciale ! Entre 1994 et 2009, les grandes surfaces ont crû de 60 %, alors que, dans le même temps, la consommation finale des ménages augmentait seulement de 38 %.
Ce modèle économique accompagne la casse de l’emploi, même s’il séduit les consommateurs, au détriment des boutiques de cœurs de cité. Pour réaliser un chiffre d’affaires de 50 millions d’euros, il faut 250 boutiques, seulement 45 grandes surfaces et un seul entrepôt d’e-commerce. Or les boutiques emploieront 420 personnes, la distribution 170 et le e-commerce moins de 50. On marche sur la tête.
La proposition de loi de nos collègues Rémy Pointereau et Martial Bourquin, rejoints par de nombreux cosignataires, est très complète. Elle prend à bras-le-corps les enjeux pour remédier à la perte d’attractivité de nos centres-villes. Elle traite de l’attractivité commerciale, de la concurrence des sites de ventes en ligne, mais aussi de toutes les politiques publiques du cœur de ville : habitat, santé, numérique…
Dans la Marne, une ville connaît une forte attractivité du commerce de centre-ville, la vacance commerciale n’y étant que de 5, 5 %, mais souffre de la vacance de logements en hypercentre, où elle s’élève à 14 %.
Je tiens à féliciter le travail remarquable mené collectivement pour élaborer ce texte, que certains pourraient qualifier de « fourre-tout », mais qu’il faut voir comme une véritable politique globale pour les centres-bourgs et les centres-villes.
Il manque trois éléments dans cette proposition de loi. Ces éléments sont absents, non pas en raison de l’oubli de ses rédacteurs, mais parce qu’ils ne relèvent pas du domaine législatif. Ces points sont déterminants pour nos villes.
Même si le texte y fait référence, le premier concerne l’État, qui doit reprendre la main et muscler l’aménagement du territoire. C’est une nécessité pour la cohésion nationale et le développement économique en France. Il faudrait retrouver les vertus du plan et de la DATAR ! Il faut, monsieur le ministre, un État stratège, régulateur, aménageur, qui laisse toute leur place aux élus.
Le deuxième élément est relatif à l’adaptation des commerçants aux nouvelles attitudes et habitudes des consommateurs : boutiques en ligne, livraisons au bureau, boutiques éphémères, horaires d’ouverture… De nombreux professionnels ont pris le virage, mais d’autres n’ont pas encore trouvé le chemin. Les organisations professionnelles doivent accompagner les commerçants et les artisans.
Enfin, les consommateurs, qui sont des dizaines de millions, doivent être des « consommacteurs ». Les habitants-citoyens doivent prendre conscience de l’importance de la vitalité d’un centre d’une commune. Le slogan disait : « Nos emplettes sont nos emplois ». Disons aussi que « nos emplettes de proximité sont nos emplois de proximité » ! Plus largement, un cœur de ville ou de bourg est l’agora de la population.
La proposition de loi vise à donner un nouveau souffle à 700 communes en France.