Intervention de Françoise Gatel

Réunion du 14 juin 2018 à 14h30
Formation des ministres des cultes — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Françoise GatelFrançoise Gatel :

… et de l’État, la loi de 1901 sur la liberté d’association.

Ces lois sont de grandes œuvres législatives, du travail d’orfèvre. Elles ont permis à notre pays de traverser le XXe siècle dans un climat de paix sociale et religieuse qui honore encore les auteurs.

Toutefois, du haut de ces monuments législatifs, plus d’un siècle nous contemple, et force est de constater que la réalité de ce XXIe siècle suscite de nouvelles interrogations.

Parlons maintenant du texte.

Instaurer l’obligation, pour les associations ayant une activité cultuelle de se soumettre au régime de 1905, constitue une ingérence dans l’organisation d’un culte et se heurte au principe de liberté d’association. Or le Conseil constitutionnel a toujours veillé à ce que les associations puissent se « constituer librement », en application d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République. La commission des lois a donc, dans sa sagesse, supprimé toute disposition portant atteinte à ce principe.

Instituer l’obligation de la formation des ministres du culte reviendrait à réglementer l’accès à la fonction de ministre du culte, mais également la célébration du culte elle-même, qui ne pourrait pas avoir lieu en l’absence de ministre formé. La désignation par décret en Conseil d’État d’une instance suffisamment représentative de chaque culte reviendrait en outre à ce que l’État détermine lui-même quelles sont les instances représentatives.

Mettre en œuvre ces propositions constituerait une immixtion très forte dans l’organisation et la célébration des cultes, en complète contradiction avec le principe selon lequel l’État ne reconnaît aucun culte, et contreviendrait au principe constitutionnel de libre exercice des cultes.

Vous le savez, il ne peut pas être dérogé à ces principes que pour des raisons d’ordre public. Or, de telles obligations ne sont pas directement justifiées par un motif d’intérêt général, relevant de l’ordre public, de sorte que cette ingérence de l’État dans le libre exercice des cultes ne trouve pas de justification constitutionnelle.

La neutralité de l’État à l’égard des religions est telle que, de façon remarquable, il n’existe pas de définition juridique du culte. S’agit-il d’un flou volontaire, de la part du législateur, pour préserver la liberté de conscience ou d’une identification évidente des cultes existants dans notre pays en 1905 ?

Cette absence de définition juridique se double parfois d’une absence de signification dans certaines religions. Ainsi, chaque fidèle de l’islam est un ministre du culte en puissance, puisqu’il peut diriger la prière commune. Qui plus est, il n’existe pas aujourd’hui dans l’islam d’organisation formelle et hiérarchique telle qu’il en existe dans d’autres religions.

Appliquer ces dispositions initiales pourrait aussi créer une inégalité entre les citoyens dans l’exercice de leur religion, et plus largement entre les religions, selon qu’un culte disposerait ou non de la capacité à former des ministres du culte sur le territoire français. La commission a, de ce fait, supprimé ces dispositions.

Toutefois, la commission des lois a prévu d’instaurer une formation obligatoire civile et civique pour les aumôniers –ceux-ci étant rémunérés et recrutés par l’État – intervenant dans les établissements pénitentiaires, les centres hospitaliers et les armées, dans le respect du principe de liberté de culte pour des publics empêchés. Cette disposition reprend le contenu du décret du 3 mai 2017 de Bernard Cazeneuve, alors ministre. Ce décret fait actuellement l’objet d’un recours devant le Conseil d’État, avec une possibilité d’annulation, notamment pour incompétence du pouvoir réglementaire sur le sujet.

La commission des lois propose en outre d’instaurer un conseil consultatif des cultes placé auprès du ministre de l’intérieur pour favoriser le dialogue entre les pouvoirs publics et les représentants des cultes. « Nous devons progresser ensemble », a d’ailleurs déclaré cette semaine le ministre de l’intérieur, lors du dîner de rupture du jeûne du ramadan que j’évoquais à l’instant.

Enfin, la commission des lois a écarté toute redondance avec des infractions existantes, mais assorties de peines différentes et inférieures, au profit de la création d’une circonstance aggravante pour les délits de provocation à la discrimination ou à la violence à caractère racial, de provocation ou d’apologie du terrorisme, lorsque ces délits sont commis dans le cadre d’une réunion pour la célébration d’un culte. Cette circonstance aggravante se justifie par l’influence qu’exerce un ministre du culte ou tout animateur d’un culte sur les fidèles.

Cette proposition de loi ne représente pas le Grand Soir au regard de la loi de 1905.

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