Intervention de Olivier Henno

Réunion du 14 juin 2018 à 14h30
Formation des ministres des cultes — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Olivier HennoOlivier Henno :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, voilà un débat passionnant et animé. Je dois vous avouer que, en écoutant les uns et les autres, j’ai plusieurs fois raturé le texte de mon intervention.

Plus de cent dix ans après le vote de la loi consacrant la séparation des Églises et de l’État, la question de la laïcité et du lien entre l’État et les religions fait toujours débat. La preuve en est apportée aujourd’hui.

Les tribunes dans les grands quotidiens nationaux s’enchaînent, chacun pensant avoir la bonne vision de ce qu’est un État laïc. Encore la semaine dernière, M. Jean Louis Bianco, président de l’observatoire de la laïcité, me disait, à l’occasion d’un échange, qu’il sentait dans notre pays une sensibilité toujours très forte sur toute situation qui touche à la laïcité, aux cultes et au fait religieux – une sensibilité peut-être même trop forte.

Après l’intense émotion suscitée par les différents attentats de ces dernières années, il faut distinguer entre deux niveaux de problèmes : d’abord ce qui relève, au sens strict, de la laïcité, par exemple le non-respect de la neutralité d’un service public, un problème qui reste heureusement assez marginal dans notre pays ; ensuite le radicalisme violent ou le terrorisme, qui se combattent, bien sûr, sur le terrain de la laïcité, mais aussi sur celui de la sécurité et de l’ordre public. C’est en partie l’objet de ce débat.

Aussi loin que remonte notre passé, vous le savez, le fait religieux a pu entraîner chez certaines minorités une forme de dogmatisme et d’extrémisme. Le phénomène n’est pas nouveau, et il suffit de s’intéresser à l’histoire pour constater que nous avons déjà pu vivre de telles situations. Cela touche les plus fragiles, ceux qui sont en quête de sens après des moments de vie souvent difficiles et qui se laissent endoctriner par toutes sortes de prêcheurs.

Nous le savons pertinemment, certains de nos compatriotes peuvent être manipulés par des personnes dangereuses, qui profitent de leurs faiblesses. C’est le rôle de la République de protéger chacun contre ce risque. À cet égard, je voudrais saluer le travail effectué par nos collègues Nathalie Goulet et André Reichardt. Ils connaissent ce sujet, et il est bon que nous ayons ce débat. Ils nous ont permis, avec ce texte, de débattre sur un sujet essentiel, à savoir la question de la radicalisation.

Cela dit, la religion relève de la conscience, et la question posée est la suivante : peut-elle être prêchée par tous ? La République doit être capable, effectivement, de proposer un cadre qui limite les dérives. Cependant, l’État ne peut pas non plus tout contrôler. Il s’agit ici non pas uniquement de légiférer, mais de s’assurer de la capacité de l’État à rendre effective cette loi, sans limiter les libertés de chacun.

Je regardais, il y a quelques jours, un film fameux, que j’adore, La Séparation, du réalisateur François Hanss. C’était une bonne révision avant nos débats ! Comme cela a été dit, il faut bien avoir conscience que la loi de 1905, comme celle de 2001, d’ailleurs, fut un travail d’orfèvre. J’ai pour ma part la conviction, pour reprendre une formule de Montesquieu, que nous ne devrions y toucher que d’une main tremblante.

Ces lois doivent-elles aborder les questions tenant à l’ordre public ? Je n’en suis pas tout à fait certain. En tout cas, c’est tout l’enjeu du débat.

Il faut se rappeler que la loi de 1905 a été pensée dès l’origine comme universelle, s’appliquant à la métropole, mais aussi à l’Algérie, aux croyants de toutes confessions, chrétiens, juifs, musulmans, et, bien sûr, aux non-croyants. C’est à Aristide Briand, qui était, non pas le ministre, mais le rapporteur de cette loi – cela tend d’ailleurs à grandir la fonction de parlementaire ! –, que l’on doit un tel équilibre.

Notre pays doit, bien sûr, faire face aujourd’hui à certaines menaces : le terrorisme, qu’il ne s’agit pas de nier, la radicalisation d’une forme de l’islam ou l’émergence de nouvelles sectes qui mettent en danger notre République. Nous devons être capables de répondre à ces menaces sans remettre en cause ce principe de liberté.

Mes chers collègues, il faut avoir le courage de la vérité, et Mme la ministre a eu le courage de dire tout à l’heure que nous débattions aujourd’hui pour répondre à l’interrogation d’un certain nombre de nos compatriotes sur les relations entre un certain islam – j’insiste sur cette restriction – et les valeurs de la République.

Il ne s’agit surtout pas de considérer que l’islam est incompatible avec les valeurs de la République. Nous devons essayer de comprendre comment le lien peut se forger et se renforcer. Et en arrière-plan, on ne peut pas ignorer qu’il s’agit aussi de s’interroger sur la capacité de la France à assimiler des personnes d’origines culturelles et cultuelles diverses.

Voilà pourquoi nous ne pouvons ni imaginer ni tolérer que l’enseignement d’un islam radical soit admis dans notre pays. C’est l’absence de cette limite au quotidien qui met en danger nos jeunes et qui crée le terreau d’une certaine forme d’extrémisme religieux dans notre pays. L’islam de France doit être capable de se structurer, mais ce n’est pas à l’État d’imposer cette structuration. L’État doit se contenter de poser la limite du cadre républicain.

La conception de la laïcité française est celle d’une République qui ne se mêle pas de l’organisation interne des religions. L’État ne doit pas aller plus loin que de proposer des formations profanes, qui accompagnent ceux qui veulent parler ou prêcher et qui partagent l’histoire, les valeurs et les principes de la République, ainsi que notre langue française, bien évidemment.

À cet égard, je tiens à saluer les propos de Mme la rapporteur, François Gatel, dont on connaît l’engagement. Doit-on parler d’une serpe bretonne ou plutôt d’une plume vive et souple ?

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