Intervention de Julien Denormandie

Commission des affaires économiques — Réunion du 13 juin 2018 à 9h00
Projet de loi portant évolution du logement de l'aménagement et du numérique — Audition de M. Julien deNormandie secrétaire d'état auprès du ministre de la cohésion des territoires

Julien Denormandie, secrétaire d'État :

Madame Estrosi Sassone, vous m'avez interrogé sur les ordonnances, dont nous nous efforçons de réduire le nombre. Certaines sont très techniques - je pense aux mesures de simplification des polices en matière de lutte contre l'habitat indigne -, d'autres plus sensibles, comme celle relative à la réforme des bailleurs sociaux. Tout n'est pas encore finalisé, notamment s'agissant de la politique des loyers dans le parc social, mais nous vous donnerons autant de garanties que possible sur le contenu des ordonnances.

Soyez bien convaincus, s'agissant du rôle des collectivités territoriales, que nous avons bâti notre texte en portant des territoires et avons, afin de prendre au mieux en considération leurs spécificités, effectué un travail de dentelle. De nombreux promoteurs se plaignent de l'attitude des maires, et inversement. Il me semble cependant impossible de bâtir sans l'accord du maire, qui autorise aussi bien l'installation d'une grue que l'accès aux services publics de voirie ou d'assainissement. Nous ne transférons l'autorisation au niveau de l'EPCI que dans des cas très limités. Je vous rappelle, à cet égard, que des opérations d'intérêt national (OIN) peuvent déjà être autorisées par le préfet. Dans le cas d'un projet d'intérêt local, si un seul maire s'oppose, il nous a semblé pertinent que l'EPCI, et non l'État, puisse intervenir.

S'agissant de l'organisation des bailleurs sociaux, nous ne mettons pas en oeuvre une centralisation, mais sommes convaincus de l'intérêt des regroupements. Peut-être faudra-t-il toutefois prendre en compte certaines spécificités, par exemple pour les organismes soumis à fusion et à regroupement, en matière de seuil comme de délai, bien que la date de 2021 me semble majoritairement pertinente. Les bailleurs sociaux pourront à la fois appartenir à un groupe et à une société anonyme de coordination (SAC), mais pas à deux SAC puisqu'il semble difficile d'appliquer deux plans stratégiques territoriaux différents. L'objectif de 40 000 ventes de logements sociaux, soit 1 % du parc, est bien entendu progressif. Il ne s'agit d'ailleurs pas d'une doctrine unique - les spécificités territoriales seront prises en compte -, ni d'une obligation pour les bailleurs. Quoi qu'il en soit, nous souhaitons favoriser l'accession à la propriété, qui représente le souhait de nombreux Français. La disposition relative aux ventes en bloc est issue d'échanges avec les bailleurs sociaux qui souhaitaient éviter de gérer des copropriétés. Le parc social est régi par un droit particulier contraignant de façon à se prémunir de toute spéculation. Dans ce cas des ventes en bloc, ce droit s'appliquera évidemment. En outre, les maires donneront un avis simple sur l'opération et disposeront d'un droit de préemption comme c'est le cas actuellement. Nous avons d'ailleurs ajouté des représentants des collectivités territoriales et des locataires au sein des SAC, selon des modalités à définir.

Le Président Larcher a coutume de dire de la Constitution qu'il convient de n'y toucher que d'une main tremblante. Tel est également le cas de la loi SRU. Souvenons-nous que son caractère contraignant a permis de développer le logement social sur l'ensemble du territoire. Nous en débattrons en séance publique car demeurent de véritables questions, notamment s'agissant des communes nouvelles.

L'étendue de la compétence disciplinaire au sein du CNTGI pourrait également être discutée. Sur le CNTGI, on a supprimé la compétence disciplinaire mais introduit un droit d'alerte auprès de la DGCCRF.

En matière d'encadrement des meublés de tourisme, la question de savoir s'il faut diminuer ou non le critère des 120 jours, correspondant à la soustraction des huit mois permettant de définir une résidence principale à une année, n'est pas la bonne. Je suis favorable à ce que chacun puisse tirer un complément de revenu de la location de sa résidence principale en cas d'absence. L'objectif consistant à éviter les achats purement spéculatifs, nous avons renforcé les sanctions. En outre, les plateformes de location se sont engagées à réviser leur stock d'annonces et à instaurer une sélection à l'entrée.

Si j'approuve le principe du carnet numérique de suivi et d'entretien du logement, dont l'intérêt est évident, le Conseil d'État a pointé un risque juridique à sa création. Je laisserai donc l'expertise et la sagesse parlementaires se prononcer.

Vous vous êtes également inquiétés du sort de la conchyliculture. Nous avons ajouté au texte un volet relatif aux activités agricoles et forestières, qui l'inclue. Si cela vous rassure, nous pouvons néanmoins la citer en tant que telle.

Monsieur Chaize, nous pouvons toujours améliorer les dispositions en matière numérique. Je préfèrerais néanmoins que l'on ne modifie pas la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne dite loi Montagne, même si la cour administrative d'appel de Nancy a récemment modifié la lecture que pouvaient en faire les opérateurs. Tâchons d'éclairer le droit sans modifier la loi ! Certes, la duplication des réseaux de fibre n'est pas idéale, mais gardons à l'esprit que l'objectif demeure de rendre disponibles au plus vite le très haut débit et le mobile pour nos concitoyens. Reste effectivement le cas particulier des zones dites fibrées, où des opérateurs dénaturent l'équilibre économique. L'excellente loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques a apporté à cet égard des précisions utiles, mais les décrets n'ont jamais été publiés...

Faut-il, par ailleurs, accorder des dérogations en matière de conception-réalisation ? La loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée dite loi MOP ne permet pas de conception-réalisation. Mais les allotissement, traités par l'ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et par le décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, permettent d'accorder une place renforcée aux petites et moyennes entreprises.

Nous pourrions effectivement réfléchir à l'instauration d'un diagnostic de performance numérique pour les immeubles, tout en prenant garde à ne pas multiplier les contraintes et les obligations.

M. Daubresse, vous évoquiez le rôle du préfet dans les PPA et les GOU. En aucun cas, ce texte ne vise à remettre en cause l'autorité du maire. On ne fait pas de construction quand le maire n'est pas d'accord.

Nous allons le plus loin possible sur le recours abusif.

Effectivement, nous demandons une habilitation à légiférer par ordonnance sur la copropriété. Il faudra préciser ces sujets.

M. Daubresse a évoqué l'empilement des règles d'urbanisme. Il a posé la question d'une procédure unique et celle de l'enquête publique. Nous nous attelons à rendre cette dernière plus rapide grâce à la dématérialisation de l'avis du public. En revanche, une démarche de simplification reste à mener pour que les autorisations d'urbanisme et environnementales, qui ne sont pas assurées par les mêmes structures, puissent un jour être jointes. Je vous laisse imaginer les débats, y compris entre les ministères.

Vous demandez : faut-il une seule procédure ? Je suis complètement vacciné contre ce souhait. Lors de l'élaboration du projet de loi, nombre de personnes sont venues vanter l'intérêt d'une procédure qui compilerait toutes les autres, une procédure fast track, aussi fantastique que les champignons magiques des jeux vidéo pour enfants. Elle existe : c'est la procédure intégrée pour le logement (PIL). Elle n'est pas utilisée, mais elle existe. Demain, on créerait une procédure qui « tuerait » toutes les procédures, y compris celle qui le fait déjà ? In fine, c'est ajouter une procédure.

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