Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, à peine trois ans ont passé depuis la dernière réforme de l’asile et la dernière refonte du droit des étrangers, toutes deux menées par l’ancienne majorité ; trois années qui n’auront permis ni de faire un bilan précis de l’efficacité des mesures votées ni d’élaborer une véritable politique migratoire, ambitieuse et rationnelle.
Le texte que nous examinons en procédure accélérée est au moins le vingt-neuvième depuis la fin des années quatre-vingt. Notre législation tourne à vide. Elle ne semble avoir qu’une boussole : le Rassemblement national. Or ce n’est pas en s’alignant sur les thèmes du RN, ex-FN, que l’on réussira à faire reculer les votes en sa faveur, dixit Jacques Toubon lui-même.
On nous promettait un nouveau monde. Le candidat Macron rappelait, en janvier 2017 à Berlin : « On ne peut pas revoir nos valeurs à l’aune des risques du monde ». Fumée que cela ! De ce texte comme des autres, le demandeur d’asile sortira perdant.
Par son intitulé, ce projet de loi se veut rassurant. Mais il n’a qu’un but : décourager un peu plus ceux qui cherchent refuge chez nous ; ceux à propos desquels Mme la ministre Loiseau et M. le ministre d’État Collomb parlent avec cynisme de « submersion », de « shopping de l’asile » et de « benchmarking ».
Pour nos dirigeants, les exilés ne sont que des encombrants, un flux à gérer, un chiffre à réduire. Chacun sait que la prise en charge équitable des exilés par les pays de l’Union européenne est la seule issue. Mais ce n’est pas parce qu’il est urgent de mettre en œuvre une vraie politique européenne que la France doit tout s’autoriser.
Lisez le rapport 2018 de la Contrôleur général des lieux de privation de liberté, sur ce qui se passe à Menton : « La prise en charge quotidienne de personnes étrangères s’effectue dans des conditions indignes et irrespectueuses de leurs droits. »
Lisez le rapport d’Oxfam de ce mois sur la situation des exilés à la frontière franco-italienne. Il est aussi accablant pour la France que pour l’Italie.