Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat sur ce projet de loi sera un échange de visions politiques. Pour notre part, nous soutiendrons celle qui est portée dans ce texte, avec un double objectif : rester fermement engagés pour l’accueil des réfugiés politiques et renforcer notre capacité à maîtriser l’immigration économique.
Nous entendons – nous l’avons entendu ici – l’expression d’un secteur de l’opinion qui réfute cette distinction, préférant employer le terme nouveau d’« exilés », précisément pour confondre ensemble réfugiés politiques et immigrés économiques.
Cette distinction est pourtant nécessaire et équitable. Faute de la formuler avec clarté, on facilite l’excès contraire, le choix des populistes xénophobes qui, eux, veulent refuser tous les réfugiés et tous les immigrés. C’est l’opinion exprimée aujourd’hui, souvent avec brutalité, par plusieurs gouvernements de l’Union européenne.
J’en viens justement au sujet de l’Europe, car l’une des esquives – pardonnez-moi cette expression – qui risquent d’être employées dans ce débat consistera à tout renvoyer vers l’Union européenne, pour s’abstenir de légiférer.
Ayons pourtant claire à l’esprit une réalité déplaisante. Les traités fondant la construction européenne, telle qu’elle est, traités conclus entre vingt-huit démocraties, ne donnent pas compétence à l’Union européenne pour statuer sur le droit pour les étrangers d’entrer sur le sol européen. C’est une matière de souveraineté nationale et nous ne pourrons progresser vers une action harmonisée que par de nouveaux accords, qui exigeront le consentement de vingt-sept gouvernements et de vingt-sept parlements exprimant aujourd’hui des approches très différentes.
L’agence européenne de l’asile et du séjour proposée par le président Emmanuel Macron exigera un effort, que nous devons soutenir sans nous bercer d’illusions. Pour conclure des accords nouveaux, on en passera nécessairement par des compromis difficiles et sans doute partiels, unissant une partie, seulement, de l’Union européenne.
Cela ne peut par conséquent pas nous dispenser, aujourd’hui, de débattre et de décider pour notre propre droit.
Donc oui, il faut adopter les nouvelles dispositions proposées, qui statuent sur la situation réelle !
Il faut prévoir des outils améliorés, pour accélérer l’attribution du titre de réfugié à toute personne apportant la justification des persécutions qu’elle encourt du fait d’une crise ou d’un conflit dans sa région d’origine. Cette reconnaissance, et le projet de loi le permet, doit se faire en donnant à chacun toutes les garanties du droit pour plaider sa cause dans un processus équitable.
À ce titre d’ailleurs, je souhaite rendre hommage – c’est une position largement partagée, je crois – aux personnels et membres de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et aux magistrats de la Cour nationale du droit d’asile. Ils s’acquittent, de manière remarquable, d’un travail particulièrement contraignant.
Ce projet de loi doit aussi donner à l’autorité publique les moyens d’éloigner du territoire les personnes jugées comme n’étant pas dans une situation de réfugié politique – le sujet est alors le même que celui de l’immigration irrégulière. Laisser cette question irrésolue, ce qui me semble être la tentation d’une partie des adversaires du texte, équivaut – j’y insiste – à dénaturer le droit d’asile, qui appartient à notre tradition protectrice issue des Lumières et de la Révolution française.
L’ouverture de notre sol à l’immigration se manifeste essentiellement par le droit à la réunion des membres de la famille, dès lors qu’une personne, au moins, est déjà sur le sol français. Ce droit concerne la très nette majorité des entrées régulières et c’est là, essentiellement, que se déploie l’effort d’intégration.
Accepter une ouverture non maîtrisée à une immigration économique, dans notre contexte démographique et social, c’est en réalité se résigner à des situations de marginalité sociale et d’économie grise, qui porteraient – et portent déjà – gravement atteinte à notre cohésion sociale. Je ne parle même pas du rôle des filières mafieuses et meurtrières qui s’enrichissent dans ces trafics…
Cette action dans le sens de la maîtrise suppose un dialogue organisé avec les pays d’origine des flux migratoires, appartenant essentiellement, pour la France, à l’Afrique francophone. Le Président de la République et le Gouvernement en font, à juste titre, un axe majeur de notre politique d’aide au développement. Mais permettez-moi cette réflexion, monsieur le rapporteur : des actions géopolitiques de cette nature ne peuvent être menées au travers de la loi ; elles dépendent de l’action du pays à l’international.
En outre – c’est un perfectionnement souhaitable du projet de loi, madame la ministre, et nous plaiderons en sa faveur –, il faut traiter les situations les plus critiques de certains de nos départements d’outre-mer. Nous appuierons donc fortement l’amendement de notre collègue Thani Mohamed Soilihi relatif au droit de la nationalité spécifique à Mayotte.
Notre débat sera par conséquent un test de volonté politique face au réel, même si nous avons à approfondir les modalités au cours du débat des articles.
Adopter un texte d’équilibre et de clarification de nos règles, en soutenant une politique européenne et internationale de rééquilibrage et de maîtrise des mouvements migratoires, c’est une prise de responsabilité. Mon groupe l’assume avec détermination !