Intervention de Marie Mercier

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 20 juin 2018 à 8h35
Projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Marie MercierMarie Mercier, rapporteur :

Ces amendements permettent d'ordonner une expertise. Jusqu'à présent, les expertises concernant les victimes ne pouvaient concerner que l'appréciation d'un dommage. Surtout, cette inscription dans la loi permettra de prendre en charge cette expertise en tant que frais de justice. Cette disposition n'a pas pour objectif de « reconnaître » l'amnésie post-traumatique, car celle-ci ne fait pas consensus. Des faits sexuels « avoués » par une victime après un long délai de latence le sont toujours après intervention d'un psychothérapeute. Les faits ne reviennent jamais de façon spontanée, ce qui explique les discordances entre Brigitte Axelrad et Muriel Salmona. La communauté scientifique s'inquiète de la restitution de faux souvenirs chez des patients par des manipulateurs ou des soi-disant psychothérapeutes.

Les amendements identiques COM-22, COM-17 et COM-25 sont adoptés.

Les amendements COM-4, COM-18, COM-26, COM-31 et COM-36 permettent au procureur de diligenter des enquêtes sur des faits d'infractions sexuelles prescrits. Je comprends la volonté des auteurs de ces amendements. Néanmoins, c'est déjà la pratique dans nombre de parquets, notamment à Paris. Le rapport d'information du groupe de travail de la commission des lois prévoyait d'ailleurs que tous les parquets suivent ce même protocole. Cela prouve bien qu'il n'y a pas besoin d'amendement pour le prévoir. Il y a une confusion sur les conséquences de la prescription : elle n'empêche pas une victime de déposer plainte ni les enquêteurs et le parquet d'enquêter. La prescription, en matière pénale, est une prescription de l'action publique : elle s'oppose seulement aux poursuites.

Dès lors, il n'est pas utile d'inscrire dans le code de procédure pénale une telle disposition. Surtout, elle serait contre-productive puisque cet amendement créerait un effet a contrario : cela sous-entendrait qu'il n'est pas possible de diligenter des enquêtes en cas de prescription. Or, tous les jours, des enquêteurs diligentent des actes d'enquête sur des faits prescrits, pour vérifier que d'autres faits, eux, ne le sont pas. Comme ces amendements limitent l'application de cette possibilité aux infractions sexuelles, ils enverraient vraiment un signal contre-productif. Avis défavorable.

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