Intervention de François-Noël Buffet

Réunion du 20 juin 2018 à 14h30
Immigration droit d'asile et intégration — Article 6

Photo de François-Noël BuffetFrançois-Noël Buffet :

Pourquoi l’ai-je fait ? Je rejoins le Gouvernement sur la nécessité d’être efficaces et de faire en sorte que les procédures de demande d’asile soient menées dans des délais brefs, mais dans le respect, naturellement, des droits de tous, parce qu’il est important de pouvoir protéger rapidement ceux qui le méritent tout en décourageant rapidement aussi ceux qui utilisent la procédure de demande d’asile à d’autres fins que celle d’obtenir réellement la protection de ceux qu’ils prétendent protéger.

Des efforts ont été faits depuis plusieurs années. L’OFPRA a réussi, grâce aux moyens qui lui ont été alloués de façon régulière depuis 2010 par tous les gouvernements, à atteindre quasiment l’objectif que nous lui avons collectivement fixé, à savoir traiter un dossier en à peu près deux mois. Aujourd’hui, l’OFPRA n’a presque plus de dossiers en stock.

Si l’on veut gagner du temps en amont, il faut réduire le temps de saisine de l’OFPRA. Les préfectures ont elles aussi, à cet égard, consenti un effort important. Tout n’est pas encore résolu, mais nous avons gagné en temps et en efficacité.

La CNDA n’est pas tout à fait dans la même situation. La loi de finances pour 2018 lui a accordé cinquante et un personnels supplémentaires, qu’elle vient de recruter et dont l’installation est en cours. Cela permettra la création de deux nouvelles chambres, mais, pour l’instant, les choses ne sont pas encore en place. La CNDA a encore un stock important de dossiers à traiter. Entre 2016 et 2017, le nombre des décisions rendues par l’OFPRA a augmenté de 28 %, celui des dossiers portés devant la CNDA de plus de 34 %. La CNDA doit donc s’adapter pour pouvoir traiter à la fois le stock et le flux, l’OFPRA statuant beaucoup plus vite qu’elle.

Je pense que les choses avanceront, et que la CNDA, dans un délai « raisonnable » d’une petite année, devrait être en mesure de traiter les dossiers. C’est important, et même essentiel !

La réduction du délai d’appel d’un mois à quinze jours permettrait-elle de renforcer l’efficacité de la procédure ? Comment celle-ci se déroule-t-elle ?

En inscrivant l’appel, on dépose en même temps une requête dans laquelle est justifié le recours. Il y a aussi, dans 80 % des cas, demande d’aide juridictionnelle. Pendant environ quinze jours, durée nécessaire à la CNDA pour instruire la demande d’aide juridictionnelle, le délai d’appel est suspendu. Au moment où la décision d’aide juridictionnelle est rendue, le délai d’appel est rouvert pour la durée normale, qui est d’un mois. Il s’ensuit que, actuellement, il faut en effet à peu près deux mois pour que la CNDA ait à la fois un dossier complet d’aide juridictionnelle et une requête complète rédigée en français.

Si on réduit le délai à quinze jours, le gain, au bout du compte, le mécanisme restant le même, sera de l’ordre de quinze jours. La difficulté, c’est que la requête sommaire déposée pour inscrire l’appel dans le délai de quinze jours prévu par le texte du Gouvernement pourra être complétée, l’Assemblée nationale ayant voulu cela, par le demandeur au cours de la procédure. Les juges de la Cour nationale du droit d’asile se trouveront dès lors placés dans une situation un peu instable, car ils ne sauront pas si le dossier est vraiment complet au moment de l’audience. On aura sans doute alors perdu du temps. On peut déjà, aujourd’hui, produire des pièces nouvelles devant la Cour pour justifier sa demande motivée dans le délai imparti pour déposer celle-ci.

Je ne suis donc pas sûr que le gain de temps soit aussi important que cela et que la réduction du délai de recours puisse permettre de gagner en efficacité.

En revanche, nous verrons, plus loin dans le texte, que le Gouvernement a introduit une disposition nouvelle, concernant la procédure d’asile, qui permet au demandeur de faire éventuellement le choix d’une autre voie de droit pour obtenir un titre de séjour. Cette évolution-là est intéressante ; elle sera très utile, et nous la soutiendrons.

Je terminerai en disant que la réduction du délai d’appel emporte tout de même un effet mécanique pratique. L’activité de l’OFPRA étant extrêmement soutenue, la CNDA devra faire face à un flux important de nouveaux dossiers. Cette juridiction, déjà un peu embolisée, aura du mal à se mettre à jour dans un délai court, comme nous le souhaitons parce que c’est la condition d’une procédure efficace permettant de protéger rapidement ceux qui doivent l’être et d’écarter les requêtes de ceux qui l’utilisent à d’autres fins.

Telle est la philosophie qui a été la mienne sur ce sujet. Je crois vraiment, je le dis en toute sincérité, qu’il n’y a pas de gain majeur à attendre de la réduction du délai de recours devant la CNDA. Je pense, en revanche, qu’il y a un intérêt majeur à continuer de travailler sur les autres délais et à améliorer l’efficacité de l’ensemble de la procédure. En effet, je le redis, l’État a donné à l’OFPRA et à la CNDA les moyens de remplir leurs missions dans de bonnes conditions.

En conclusion, la commission est défavorable aux deux amendements.

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