Je suppose que, s’il avait existé, la loi du 31 décembre 2012 proposée par le gouvernement de M. Ayrault l’aurait immédiatement supprimé. Il ne l’a pas fait, et vous ne vous en êtes pas plainte à cette époque, me semble-t-il, mais peut-être corrigerez-vous cette appréciation si elle se révèle inexacte.
En revanche, il existe bien un délit d’aide à l’entrée, la circulation ou au séjour irréguliers d’un étranger. La raison d’être de ce délit a été abondamment rappelée. Je pense que vous partagez vous-même l’objectif : lutter contre une nouvelle forme de traite que constitue le trafic des passeurs, qui font entrer clandestinement, en France et dans d’autres pays d’Europe, des étrangers généralement démunis et vulnérables. C’est donc une assistance aux étrangers eux-mêmes que la répression pénale de notre code apporte avec l’existence de ce délit.
Il est vrai que, dans l’interprétation que les juges font de la réalité de ce délit, il ne faudrait pas qu’il y ait de glissement qui entraînât la mise en cause de Français agissant soit en raison de liens familiaux, soit par pur désintéressement et sens de la fraternité. De ce point de vue, on peut partager votre motivation, à condition qu’elle s’appuie sur la réalité du droit. Or j’ai tenté d’expliquer que le droit n’est pas tel que vous l’avez décrit.
La loi du 31 décembre 2012 a été très précise et elle a posé des garde-fous. Le législateur a considéré que, s’il y a contrepartie apportée par l’étranger en situation irrégulière à la personne qui lui vient en aide, alors, cette personne peut être poursuivie pour un délit. C’est bien naturel, parce que cette contrepartie atteste qu’il ne s’agit pas d’un acte de fraternité. Mais, s’il n’y a pas de contrepartie, les poursuites n’ont pas lieu d’être. Si, par erreur, il y avait quand même des poursuites, le tribunal ne pourrait pas condamner, sinon cette condamnation serait naturellement annulée en appel.
Je trouve que la loi n’est pas si mal faite. Elle prend en considération les préoccupations que vous exprimez. Je pense, par conséquent, qu’il faut la maintenir dans ses grandes lignes, sans lui donner de coups de boutoir, ce qui reviendrait à inciter les passeurs à développer leur coupable commerce au détriment de malheureux qui franchissent les océans au péril de leur vie pour rejoindre l’Europe.