En effet, quand on travaille pour l'intérêt général, on travaille pour le long terme ; il s'agit non de récupérer 500 000 euros supplémentaires d'ici à la fin de l'année, mais de mettre un terme à la fraude fiscale.
Ce qui est naïf, selon moi, c'est de croire que les sanctions financières dissuadent les entreprises multinationales de pratiquer l'évasion fiscale. Ces entreprises procèdent à un calcul coût-avantage, elles consultent les cabinets d'audit - les quatre gros - et leur demandent le risque d'être « prises ». On l'a vu lors d'une audition de ces cabinets d'audit au Royaume-Uni, si le client a moins de 25 % de risque d'être pris, il met la recommandation en oeuvre.
C'est pour cela qu'il faut travailler sur le long terme et les menacer de poursuites judiciaires. Il faut s'attaquer à leur image, et, pour cela, ce n'est pas la pénalité financière qui fonctionne, c'est le procès. Même si cela aboutit à un non-lieu, on attaque l'image, et cela peut conduire à modifier le droit.
Avec la convention judiciaire d'intérêt public (CJIP), on remplace le verrou de Bercy par une autre procédure dérogatoire. Il n'y a pas de reconnaissance de culpabilité en l'espèce ; or, pour attaquer l'image, nous pensons que la reconnaissance de culpabilité est importante. D'où notre méfiance quant à la CJIP, un système dérogatoire et non transparent.