Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie notre collègue Yann Gaillard d'avoir fait inscrire à l'ordre du jour de notre assemblée une question essentielle pour l'aménagement de notre territoire et la préservation de la richesse de notre patrimoine, qui concerne un grand nombre de communes et qui fait suite à son excellent rapport d'information sur l'INRAP.
En effet, il s'agit, dans le cadre d'une discipline scientifique récente, d'une intervention humaine déterminante pour de nombreux projets en faveur de la protection des éléments du patrimoine, révélés à l'occasion d'opérations d'aménagements.
Cette question est d'importance lorsqu'on sait que le sol de France est habité vraisemblablement depuis plus d'un demi-million d'années et que 20 000 générations s'y sont succédé, marquant différemment leur passage.
Au cours du siècle dernier, plus particulièrement depuis une cinquantaine d'années, le rythme des aménagements s'est considérablement accéléré et les risques de destruction de sites archéologiques s'en sont trouvés multipliés.
La carte archéologique, qui ne couvre encore qu'une partie du territoire, ainsi que les diagnostics archéologiques permettent de percevoir les perspectives de l'existence de sites, témoins historiques de notre civilisation et de son évolution.
Il est d'ailleurs certain que, si la technique pouvait un jour radiographier avec précision l'ensemble du territoire en surface comme en profondeur, nous pourrions éviter certaines de ces opérations très coûteuses.
L'état d'esprit dans lequel nous sommes aujourd'hui quant à la sauvegarde du maximum de nos richesses constitue un élément de cohésion indispensable, au service de toutes les générations. Les technologies de demain et les progrès scientifiques permettront peut-être de visionner le sous-sol avec plus de précision et de parfaire notre connaissance sur l'ensemble des différents domaines ayant trait à l'archéologie.
L'archéologie préventive est une sorte de médecine visant à préserver la richesse de notre patrimoine le plus ancien, un moyen de parfaire sa conservation, mais aussi un excellent outil de valorisation et de promotion de nos richesses.
Situer la place de l'archéologie préventive, c'est dire aussi qu'elle représente 90 % de l'activité archéologique française, avec plus de 2 000 interventions par an, 252 000 journées d'archéologues, pour un coût de près de 120 millions d'euros.
Le chantier est impressionnant : chaque année, environ 60 000 hectares sont affectés en France par des travaux de terrassement, dont 12 % font l'objet d'un diagnostic archéologique. À titre de comparaison, à quelques semaines de la Coupe du monde, j'indiquerai que cela représente la surface d'un terrain de football toutes les quatre minutes.
Les progrès techniques remarquables et le recours à des moyens de plus en plus élaborés permettent une datation très proche de la réalité. Cette rapidité technologique, le plus souvent, dépasse la réflexion législative et encore plus la réglementation administrative. Par exemple, entre la loi du 1er août 2003 sur l'archéologie préventive et le décret d'application qui la concerne, un an s'est écoulé. Comment, dans ces conditions, anticiper et même préparer des programmes d'investissement essentiels au développement local ?
Si l'on a mis fin au monopole de l'Institut national de recherches archéologiques préventives et permis l'agrément de plusieurs services archéologiques de collectivités, il n'en demeure pas moins que les communes ou les communautés de communes, notamment les plus rurales d'entre elles, se trouvent contraintes de recourir à des entreprises privées particulièrement éloignées et, le plus souvent, peu ou pas intéressées par ce type d'études.
À ces difficultés s'ajoutent les complexités administratives permanentes, mais aussi des délais d'attente et de réponse insupportables. Dans certaines communes, il a fallu attendre près d'un an pour obtenir les réponses de la DRAC et de la DDE : c'est beaucoup trop long !
De plus, comment concilier archéologie et économie ? La question se pose d'autant plus que l'archéologie impose des délais incontournables, incompressibles, alors que, malheureusement, la vie économique nécessite des réponses rapides et immédiates pour soutenir des projets de développement.
Le temps de l'économie et le temps de l'archéologie sont totalement différents ; je dirai même qu'ils ne font pas bon ménage.
C'est pourquoi il convient d'appliquer la loi non pas de façon stricte et uniformément contraignante, mais au contraire avec une plus grande souplesse dans certaines parties de notre territoire où la dimension archéologique n'est pas la même qu'au coeur de sites exceptionnels et prestigieux.
Nos territoires, pas plus d'ailleurs que notre patrimoine, ne peuvent souffrir l'opacité et les longueurs ; ils ont besoin d'une plus grande cohérence, notamment dans la réalisation de leurs projets. L'archéologie ne doit pas être le frein de l'évolution économique, tout comme l'économie ne doit pas être l'ensevelissement d'une partie de notre histoire.
C'est cette problématique particulière qui guide aujourd'hui notre réflexion et à laquelle nous devons apporter des réponses. En effet, nos services sont confrontés à ces deux problèmes majeurs : d'une part, la gestion des procédures d'instruction des dossiers et, d'autre part, le recouvrement des redevances qui sont dues au titre du diagnostic et des fouilles.
Ces difficultés se doublent d'une autre problématique : celle du budget de l'INRAP, et ce d'autant que la pleine mise en oeuvre de la LOLF nous oblige à un contrôle approfondi du fonctionnement et du travail de cette structure. Il n'empêche, la crise financière est toujours là et des solutions doivent impérativement y être apportées.
On peut agir sur les recettes, soit par un relèvement des taux, soit par un élargissement de l'assiette. La création d'un mécanisme d'assurance a aussi été envisagée, mais ce dispositif me semble peu opportun et difficilement opérationnel.
De la même façon, la simplification des procédures est nécessaire et, à cet effet, nous pourrions nous inspirer de l'exemple anglais. Mais des mesures marginales ne permettront pas de résoudre tous les problèmes.
En tout état de cause, les solutions que nous devons apporter doivent être ambitieuses et se situer à la hauteur des enjeux. La sauvegarde de notre patrimoine et la préservation des intérêts économiques des territoires me semblent à ce prix. La décentralisation fonctionnelle, évoquée par M. le rapporteur spécial, m'apparaît comme une piste judicieuse, tout comme la nécessité d'un contrôle plus important sur la gestion des ressources humaines de l'INRAP. À cet égard, nous ne pouvons que saluer la qualité de ses agents.
Cependant, comme M. Yann Gaillard, j'estime que la mise en place d'une véritable et ambitieuse politique de l'archéologie est nécessaire. En particulier, il importe de repenser l'organisation fonctionnelle de l'archéologie française, mais aussi d'envisager une nouvelle forme de programmation des fouilles. Dans ce cadre, il s'agirait en effet d'instaurer une programmation des fouilles en fonction de leur pertinence, de leur intérêt scientifique et de la nature des travaux prévus.