Intervention de Yves Dauge

Réunion du 11 mai 2006 à 15h00
Politique de l'archéologie préventive — Débat sur un rapport d'information

Photo de Yves DaugeYves Dauge :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l'a dit notre collègue Yann Gaillard, expert sur le sujet, nous voilà donc réunis de nouveau, comme annoncé, pour débattre de l'archéologie préventive. Je vous épargne la relecture des interventions que j'ai faites en 2003 sur le sujet, mais je pourrais tenir les mêmes propos aujourd'hui.

Les difficultés financières prévues ont malheureusement pris des proportions beaucoup plus grandes qu'on ne pouvait le craindre.

Le contexte est devenu si brouillé et difficile à décrypter que j'admire l'administration d'avoir pu élaborer un rapport aussi complet. Vous n'y êtes pour rien, mes chers collègues, mais la complexité du système qui a été inventé est telle qu'il est difficile de s'y retrouver dans les chiffres et qu'il faut s'y reprendre à plusieurs reprises, muni de sa calculette, pour savoir ce qu'il y a à additionner, à soustraire, et articuler les résultats dans la durée.

Cela me rappelle la discussion que nous avons eue dans cette enceinte sur le secteur sauvegardé et la position du Conseil constitutionnel, qui, au nom de l'intérêt général, avait censuré des dispositifs pourtant limpides en comparaison de celui qu'on est en train de confectionner.

Comment allons-nous expliquer à nos concitoyens le système que nous avons mis en place si nous éprouvons nous-mêmes des difficultés à le comprendre ?

Monsieur le rapporteur spécial, vous nous déconseillez de modifier la législation au motif qu'elle est déjà trop compliquée. Je veux bien vous suivre à cet égard, mais je ne m'engagerais pas par une promesse définitive, car il n'est tout de même pas interdit de faire plus simple !

Si je peux vous rejoindre sur le fait que la mécanique de redevance de 2001 méritait incontestablement d'être revue, car elle était inadéquate et injuste, je maintiens les réserves que j'avais formulées à l'époque sur le dispositif général, qui a placé l'INRAP dans une situation où il ne prescrit pas et ne recouvre pas, mais se trouve soumis à la pression constante du terrain pour faire toujours plus vite.

Vous nous promettez que l'ouverture des fouilles à la concurrence permettra d'alléger la charge de l'INRAP et, ainsi, de favoriser le développement de son activité. Y croyez-vous vraiment ? Pour ma part, là encore, j'ai consulté les chiffres et je peux vous dire qu'ils sont dérisoires !

En revanche, la création de services d'archéologie dans les départements et les grandes collectivités est une chose positive. Cela étant, je ne me fais pas trop d'illusions sur ce point, car c'est un projet qui coûte très cher et, compte tenu des contraintes financières qui pèsent sur les budgets des départements et des collectivités locales, je doute que l'on voie exploser partout de grands services archéologiques dans les prochaines années. En tout cas, j'aimerais qu'il en soit ainsi, car je ne suis aucunement choqué, bien au contraire, par une montée en puissance des collectivités.

Quoi qu'il en soit, la concurrence est quasiment nulle dans notre région, monsieur le ministre. Je vous signale d'ailleurs que la mise en concurrence impose la constitution de dossiers d'appel d'offres, ainsi que l'établissement de cahiers des charges, et par des personnels compétents. L'INRAP ne peut pas s'en charger puisqu'il ne peut être à la fois juge et partie. Or les aménageurs que j'ai rencontrés refusent de se tourner vers le secteur privé, préférant s'adresser à l'INRAP. On tourne en rond !

Mais le problème fondamental reste la longueur des délais. Plus vous lancez des appels d'offres avec des procédures longues, plus vous allongez les délais. Cela relève non pas de l'idéologie, mais du bon sens ! En réalité, il n'existe pratiquement pas de bureau privé compétent. Dans ces conditions, il est difficile d'établir un cahier des charges pour lancer la concurrence, d'autant que des diagnostics doivent être effectués au préalable.

J'en reviens à la question du financement. Derrière les chiffres - mais je reste modeste, car je ne suis pas sûr d'avoir tout compris ! -, il reste que le déficit est chronique. Une légère amélioration se dessine certes, mais on est parti de si bas ! Un véritable redressement exige d'atteindre un certain niveau de ressources : les montants de 80 millions ou 70 millions d'euros ont été cités. Ils pourraient tomber à 50 millions d'euros, à condition de mettre en oeuvre une politique drastique de réduction de la commande, mais ce n'est pas ce que vous préconisez.

Vous avez raison d'évoquer une politique scientifique, mais celle-ci suppose un investissement lourd en matière de cartographie et de définition de la stratégie. Si l'effort est consenti, une telle politique permettra éventuellement d'arrêter une programmation plus rationnelle, mettant en avant les priorités, et d'apaiser ainsi la tension que nous subissons.

En fait, nous travaillons le nez dans le guidon, sous la pression de tout le monde. Il nous faut sortir de la situation très désagréable dans laquelle nous nous trouvons tous, vous, nous-mêmes, les élus, les archéologues.

Et cela n'arrangera rien de chercher à se rassurer en soulignant les éléments positifs. Sans vouloir m'appesantir sur la question patrimoine, pour ne pas être méchant, je dirai simplement que l'on a cru pendant longtemps que la situation des crédits du patrimoine allait s'arranger. En fait, elle n'a cessé de se dégrader. §Par conséquent, il ne suffit pas de croire que, si nous avons tous la volonté d'améliorer le système, nous en sortirons un jour. Rien n'est moins sûr !

Il importe, à mes yeux, d'expertiser honnêtement le déficit chronique du système actuel. Il est financé sur les lignes budgétaires du ministère de la culture, que je défends, monsieur le ministre - et je ne pense pas qu'un seul de nos collègues dans cet hémicycle ne songe à autre chose qu'à le défendre. Or, comme vous n'avez pas été bien traité en termes de crédits du patrimoine, ces derniers ne vous permettent pas de financer le déficit de l'INRAP. Certains ont même préconisé de la financer par un prélèvement sur le revenu des privatisations des autoroutes !

Dans la situation actuelle, je pense que nous nous grandirions à nous dire la vérité telle qu'elle est, afin de définir une vision à cinq ans, au minimum, des équilibres potentiels. Il faut nous inscrire dans une lisibilité et une visibilité dont tout le monde parle, mais qui n'existe pas. J'ai le sentiment que, à l'heure actuelle, nous sommes dans une opacité totale.

Cette incertitude est lassante et source de tensions pour les archéologues et tous ceux qui interviennent dans ce domaine, alors même qu'un hommage unanime est rendu à leur travail.

Dès lors, la politique scientifique de l'archéologie soulève une question essentielle : quel est le bon niveau d'investissement en matière de diagnostic et de fouilles en France ? Sachant que ces opérations supposent un investissement préalable substantiel et, ensuite, un régime de croisière, quelles sont les recettes qui permettront d'équilibrer les comptes ? Quelles techniques utiliser ?

Si l'on conserve les deux systèmes en place, monsieur le rapporteur spécial - ce que, personnellement, je regretterais car, je l'ai dit, j'aurais préféré un dispositif plus simple -, jouons alors sur les taux, soit celui de la taxe locale d'équipement, soit celui de la taxe sur le foncier non bâti, et procédons à un recrutement adapté. Cela me désole, en effet, de voir les DRAC consacrer autant de temps au recouvrement, alors qu'elles ont mieux à faire.

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