Notre commission de la culture, de l'éducation et de la communication s'est saisie pour avis, intégralement ou pour partie, de onze articles ; elle vous proposera le même nombre d'amendements. Je serai franc : le projet de loi ELAN remet en cause plusieurs dispositifs de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine votée à la quasi-unanimité du Sénat et de l'Assemblée nationale. Voilà un exemple flagrant de la discontinuité législative que nous critiquons ! Pire, le projet de loi, en supprimant l'avis conforme de l'architecte des bâtiments de France (ABF), fait peser un risque préoccupant sur la qualité de l'architecture et la mise en valeur du patrimoine de nos territoires. Je sais, certes, combien fait débat, de façon souvent épidermique, le duel ancestral entre le maire et l'ABF depuis la loi du 4 août 1962 complétant la législation sur la protection du patrimoine historique et esthétique de la France et tendant à faciliter la restauration immobilière, dite loi Malraux. Mais, croyez-moi, le projet de loi ELAN, s'il était voté en l'état, aurait, en revenant sur la législation ayant rompu avec la logique de construction dans l'urgence de l'après-guerre - je pense notamment aux lois du 3 janvier 1977 sur l'architecture et du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée dite loi MOP -, de dommageables incidences sur la qualité de l'habitat, du patrimoine et, partant, du cadre de vie. Devant un tel péril, la commission de la culture, de l'éducation et de la communication a presque unanimement adopté onze amendements, notamment pour modifier le dispositif relatif à l'intervention des ABF. Je n'ignore pas le risque de clivage que porte notre proposition, mais souvenons-nous que la question a été tranchée par le Sénat il y a deux ans. Je vous rappelle, par ailleurs, que seules 6,6 % des autorisations de travaux font l'objet d'un contentieux, alors que plus de 200 000 dossiers obtiennent un avis conforme. La procédure oblige alors le maire et l'ABF à se rapprocher, fructueusement dans la majorité des situations puisqu'in fine 0,1 % des décisions fait l'objet d'un recours devant le préfet de région après consultation de la commission régionale du patrimoine et de l'architecture (CRPA), présidée par un élu. Le recours devant le préfet, peu pratiqué, gagnerait cependant à être banalisé et l'avis de l'ABF à être sollicité le plus en amont possible, dans un esprit de coconstruction et dans le cadre d'un dialogue préalable avec le maire. En outre, n'oublions pas que l'avis conforme de l'ABF n'est sollicité que lorsqu'une opération est prévue sur un site patrimonial remarquable ou aux abords d'un monument historique, zones déjà soumises à un règlement élaboré en accord avec le maire. Enfin, si vous acceptez de limiter le rôle de l'ABF à un avis simple, vous laisserez le maire décider seul et sans protection face à la pression des promoteurs de projet... Une fois cette brèche ouverte, quelle garantie avez-vous que le Gouvernement n'assouplira pas davantage, à l'avenir, la législation en faveur de la protection du patrimoine ?