Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois – cher Philippe Bas –, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes – chère Annick Billon –, madame la rapporteur – chère Marie Mercier –, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je vais reprendre les éléments que ma collègue Marlène Schiappa vient d’évoquer devant vous, s’agissant d’un texte que nous portons conjointement.
La lutte contre les violences sexistes et sexuelles constitue pour le Gouvernement une politique prioritaire des années à venir. Ce texte en est la traduction concrète.
Ses dispositions répondent à la volonté ferme, exprimée par le Président de la République dans son discours du 25 novembre dernier, de mobiliser l’ensemble de nos moyens pour que, sur le sujet des violences faites aux femmes et aux enfants, désormais « la honte change de camp ».
Le texte que nous portons, dans sa version enrichie par les apports des députés qui l’ont adoptée le 16 mai dernier, doit permettre d’améliorer très significativement notre arsenal législatif répressif concernant les violences faites aux femmes et aux enfants.
Quels sont les objectifs du texte ? Comme Mme Schiappa vient de le préciser, il s’articule autour de quatre articles.
En premier lieu, s’inspirant de l’excellent rapport de la mission de consensus Flament-Calmettes, l’article 1er allonge le délai de prescription de l’action publique des crimes de nature sexuelle ou violente commis sur les mineurs, en le faisant passer de vingt ans à trente ans à compter de la majorité de ces derniers. Cette modification est apparue indispensable afin de laisser davantage de temps aux victimes pour porter plainte et faciliter la répression de ces actes, notamment lorsqu’ils sont incestueux.
Cet allongement de la prescription, il faut le souligner, est tout d’abord cohérent avec l’augmentation générale des délais de prescription, telle qu’elle a été opérée par la loi du 27 février 2017. Avant cette réforme, qui a porté le délai de prescription de dix ans à vingt ans pour l’ensemble des crimes, le délai de prescription des crimes sexuels sur mineurs était déjà de vingt ans, donc plus long que celui de la prescription de droit commun. Il n’est donc pas absurde de rétablir une différence temporelle qui préexistait entre la prescription des crimes de droit commun et celle des crimes sexuels sur mineurs.
Cet allongement est ensuite essentiel pour donner aux victimes le temps nécessaire à la dénonciation des faits, en prenant notamment en compte les mécanismes de la mémoire traumatique, et éviter ainsi l’impunité de leurs auteurs. Le délai de trente ans commençant à courir à compter de la majorité de la victime, il permettra ainsi à cette dernière de révéler les faits jusqu’à ce qu’elle atteigne l’âge de quarante-huit ans, au lieu de trente-huit ans actuellement.
À l’Assemblée nationale, plusieurs amendements prévoyant l’imprescriptibilité des crimes sexuels commis sur des mineurs ont été écartés par les députés, conformément à la demande du Gouvernement, compte tenu notamment du risque très élevé de censure constitutionnelle. En effet, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 22 janvier 1999 sur le traité portant statut de la Cour pénale internationale, n’a admis l’imprescriptibilité que pour les crimes « touchant l’ensemble de la communauté internationale », ce qui n’est pas le cas des crimes commis à l’encontre des mineurs, en dépit de leur extrême gravité.
L’article 2 prévoit l’introduction de trois mesures relatives à la caractérisation des infractions sexuelles afin de répondre à l’incompréhension suscitée par des affaires judiciaires récentes dans lesquelles des fillettes de onze ans ont, du moins dans un premier temps, été considérées comme ayant consenti à des rapports sexuels avec des hommes majeurs.
Tout d’abord, en matière de viol et d’agression sexuelle, l’article 2, tel qu’il a été modifié par l’Assemblée nationale, complète l’article 222-22-1 du code pénal afin de préciser : « Lorsque les faits sont commis sur la personne d’un mineur de quinze ans, la contrainte morale […] ou la surprise […] sont caractérisées par l’abus de la vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour consentir à ces actes ».
Ensuite, en matière d’atteinte sexuelle sur mineur de quinze ans, cet article double les peines encourues, à hauteur de dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende, lorsqu’un acte de pénétration sexuelle a été commis par le majeur.
Enfin, l’article 2 prévoit qu’en cas de comparution devant la cour d’assises pour des faits de viol sur mineur de quinze ans, la question subsidiaire sur la qualification d’atteinte sexuelle devra obligatoirement être posée par le président de la cour d’assises si l’existence de violences, contrainte, menace ou surprise est contestée.
Au terme de l’examen par les députés de cet article 2, l’esprit de ses dispositions a été conservé.
En revanche, tous les amendements tendant à créer une présomption légale ou à créer un seuil spécifique à treize ans ont reçu un avis défavorable du Gouvernement, tant pour des raisons constitutionnelles qu’en opportunité. Ils ont donc été rejetés par l’Assemblée nationale.
Sur la question de l’âge, tout d’abord, il ne nous est pas paru possible de prévoir des règles spécifiques pour les mineurs de treize ans, car cela aurait conduit à la fixation d’un double seuil d’âge – quinze ans pour préciser les notions de contrainte et de surprise ; treize ans dans d’autres cas –, ce qui aurait rendu la réforme particulièrement complexe, voire illisible, en tout cas difficilement compréhensible pour l’opinion publique.