Madame la présidente, madame le garde des sceaux, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, mes chers collègues, je concentrerai mon propos sur les dispositions de l’article 2 qui ont plus particulièrement fait débat, dans un contexte marqué par la vive émotion causée par deux décisions judiciaires.
Rappelons que nous partageons tous un même objectif, celui de mieux protéger les enfants contre les prédateurs sexuels, même si nous ne nous accordons pas nécessairement sur les moyens.
L’objectif de la délégation est aussi de rendre impossibles de nouvelles affaires de Pontoise et de Meaux.
Pourquoi ces affaires sont-elles survenues ? Parce que la définition du viol repose sur des critères – violence, menace, contrainte, surprise – qui font une large place à l’appréciation subjective du magistrat ou du juré. En outre, ces critères conduisent immanquablement à juger le comportement de la victime. Cette mise en cause d’une responsabilité supposée de la victime est d’ailleurs propre au viol : on ne reprocherait pas à quelqu’un qui s’est fait voler sa voiture d’en avoir une !
Quand il s’agit de victimes adultes, ces questionnements sont déjà très perturbants et injustes. Quand il s’agit d’enfants, ils sont inadmissibles, car ils conduisent à s’interroger sur leur prétendu consentement. Comment imaginer qu’un enfant puisse consentir à une pénétration sexuelle par un adulte ?
Au terme de ses travaux, la délégation a acquis une conviction : les critères du viol ne sont tout simplement pas pertinents quand il s’agit d’enfants. La seule solution protectrice est d’instaurer dans le code pénal un seuil d’âge en deçà duquel toute relation sexuelle avec pénétration entre un adulte et un mineur serait un crime, sanctionné à la hauteur de sa gravité. Les critères de menace, violence, contrainte ou surprise n’entreraient plus en ligne de compte, et le consentement de la victime ne serait plus évoqué.
La délégation a fixé ce seuil à treize ans plutôt qu’à quinze ans. Cet âge nous a semblé la limite universellement admise de l’enfance. De plus, nous avons souhaité séparer le débat législatif du débat moral : quand on envisage un seuil de quinze ans, on en vient implicitement à un débat sur l’âge auquel on peut admettre que des jeunes aient une vie sexuelle. Or ce n’est pas le rôle du législateur.
Nous avons eu aussi comme préoccupation d’éviter des plaintes contre un jeune majeur qui aurait des relations sexuelles avec un adolescent plus jeune.
En ce qui concerne les droits de la défense, nous avons considéré que le seuil de treize ans garantit un écart d’âge suffisant entre victime et agresseur et que ce dernier pourra démontrer qu’il ne pouvait connaître l’âge de la personne avec laquelle il a eu un rapport sexuel.
Nous ne sommes pas convaincus de l’inconstitutionnalité supposée de notre proposition, qui nous a régulièrement été opposée. Notre proposition est confortée par des spécialistes éminents. Dans une tribune récente, ils « réclament avec force la création d’un crime formel de violences sexuelles à enfants quand un adulte a une relation avec une personne mineure de moins de treize ans ». C’est très exactement ce que propose la délégation !
Le texte dont nous débattons répond-il à nos exigences ? Tout d’abord, la délégation n’était pas favorable à la création des circonstances aggravantes permettant de réprimer de dix ans d’emprisonnement le délit d’atteinte sexuelle sur mineur de quinze ans avec pénétration sexuelle. Le viol est un crime, et il est inadmissible qu’il soit jugé et sanctionné à la sauvette, comme un délit.
Cette disposition a été supprimée à juste titre du texte par la commission des lois, mais la solution retenue pour la définition du viol ne changera rien à la situation actuelle. En effet, la notion de contrainte morale, dans l’appréciation du viol, laisse une part trop grande à la subjectivité.
Pour nous, se référer à une différence d’âge « significative » entre victime et agresseur ou à l’incapacité de discernement du mineur n’empêchera pas le débat sur le consentement de l’enfant. Cette mesure n’empêcherait donc pas de nouvelles affaires du type de celle de Pontoise.
Pour conclure, la solution que nous défendons nous semble être la plus protectrice des jeunes victimes. Combien de scandales faudra-t-il encore avant que le législateur ne crée une nouvelle infraction réprimant le crime de violence sexuelle commis sur un enfant ?
Mes chers collègues, au moment de l’examen de l’article 2, je vous demanderai de bien avoir à l’esprit l’enjeu de votre vote : les dispositions proposées permettront-elles réellement de protéger nos enfants contre les prédateurs sexuels et de garantir une condamnation des agresseurs à la hauteur de la gravité des faits ?