Intervention de Arnaud de Belenet

Réunion du 4 juillet 2018 à 14h30
Lutte contre les violences sexuelles et sexistes — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Arnaud de BelenetArnaud de Belenet :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai eu l’occasion de m’exprimer sur les violences sur mineurs lors de l’examen de la proposition de loi d’orientation et de programmation pour une meilleure protection des mineurs victimes d’infractions sexuelles et dans le cadre du groupe de travail sur les infractions sexuelles commises à l’encontre des mineurs.

J’évoquerai aujourd’hui tout d’abord les femmes. « Il n’y a pas de secrétariat d’État aux miracles » disait Françoise Giroud un an après la création du secrétariat d’État à la condition féminine en 1974. En la matière, le temps est nécessaire, et nécessairement long. La domination masculine résiste parce qu’elle est universelle. Elle constitue, avec la prohibition de l’inceste, le point commun à toutes les cultures, à toutes les sociétés, quel que soit le lieu, quelle que soit l’époque.

Pour Françoise Héritier, cette hiérarchie entre les sexes résulte d’une construction culturelle et ne correspondait pas initialement à une réalité biologique. Les hommes se sont approprié le corps de la femme pour mieux maîtriser la fécondité. On aurait ainsi longtemps accepté que le corps des femmes appartienne aux hommes et que les femmes soient les seules responsables du désir qu’elles suscitent, au point que cette soumission en serait devenue « paradoxale », selon le terme employé par Bourdieu.

Elle serait paradoxale parce que la domination masculine s’exprimant par une violence douce, insidieuse, elle a été intégrée par les femmes elles-mêmes. Les violences sexistes et sexuelles qu’elles subissent quotidiennement sont si ordinaires que les femmes s’y résignent, considérant que ces humiliations, ces agressions sont inhérentes à leur condition.

Votre projet de loi, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, répond à la volonté de voir la honte changer de camp et d’en finir avec cette résignation. Les hommes doivent prendre conscience que les violences faites aux femmes, fussent-elles insensibles ou invisibles, ne sont pas l’expression de l’éternelle masculinité.

Ce texte, qui s’inscrit dans le cadre de la lutte pour l’égalité entre les femmes et les hommes, érigée en grande cause du quinquennat, fait suite à deux affaires d’agression sexuelle sur des mineures de onze ans et à l’affaire dite « Weinstein ».

Vos objectifs, madame la ministre, sont unanimement partagés par le Sénat. Les moyens de les atteindre, on vient encore de l’entendre, sont discutés. Les débats auront lieu, je m’en réjouis. Le Gouvernement a suffisamment expliqué les raisons de son choix juridique, qui divergent parfois du point de vue de la délégation aux droits des femmes, de la commission et des auteurs de certains amendements, notamment sur le seuil de treize ans. Je n’y reviens pas.

Pour ma part, j’aborderai plusieurs sujets.

J’évoquerai tout d’abord le délai de prescription. Je redis que le compromis qui a été trouvé, lequel fait consensus, permet d’intégrer la problématique de l’amnésie post-traumatique. Il permet également la cohérence des prescriptions.

Ensuite, le texte affirme le caractère continu de l’infraction de non-dénonciation des agressions et atteintes sexuelles commises à l’encontre de mineurs et instaure ainsi une forme d’imprescriptibilité. C’est pourquoi nous avons déposé un amendement de suppression.

Une forme de compromis avait été trouvée sur la question du seuil dans le cadre des travaux du groupe de travail et lors de l’examen de la proposition de loi pour une meilleure protection des mineurs victimes d’infractions sexuelles. La proposition du Gouvernement ne contient aucune divergence de fond et d’objectif. Le débat est exclusivement technique et juridique. L’objectif est de protéger efficacement les enfants, notamment contre les prédateurs sexuels.

J’évoquerai maintenant la présomption de contrainte. Pourquoi ne peut-on pas fixer un seuil à treize ans ? L’instauration d’une présomption de contrainte en deçà de treize ans créerait une zone grise en termes de répression pénale, laquelle pourrait inciter à se reposer exclusivement sur la qualification pénale d’atteinte sexuelle et donc mobiliser insuffisamment la qualification pénale de viol. Or telle n’est pas notre intention.

La création d’une telle présomption ferait aussi courir le risque que les juridictions ne reconnaissent plus l’existence d’une contrainte morale pour les victimes mineures de plus de treize ans.

Par ailleurs, instituer une présomption légale en matière criminelle serait bien sûr contraire aux exigences conventionnelles et constitutionnelles de respect de la présomption d’innocence. Ce point ne souffre aucune contestation pour tous les juristes. Oui, nous partageons les objectifs, mais ne prenons pas le risque de ne pas les atteindre à cause d’une discussion juridique.

Enfin, je voudrais avec vous me réjouir des articles 2 bis A et 2 bis°B. Le second mériterait d’ailleurs d’être rétabli, malgré son caractère infralégislatif, puisqu’il s’agit…

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