Intervention de Laurence Rossignol

Réunion du 4 juillet 2018 à 14h30
Lutte contre les violences sexuelles et sexistes — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Laurence RossignolLaurence Rossignol :

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, madame la rapporteur, mes chers collègues, pendant les cinq minutes qui me sont imparties, je me concentrerai sur l’article 2 du projet de loi. L’examen des articles nous permettra de nous exprimer sur les autres aspects du projet de loi.

Il y a quelques mois, le grand public découvrait un angle mort dans la protection des enfants contre les violences sexuelles, un angle mort que les spécialistes connaissaient, je le précise, afin de lever les suspicions de ceux qui pensent que nous légiférons sous la pression des faits divers ou des médias. Cet angle mort se résume ainsi : en l’absence de violence, menace, contrainte ou surprise, la qualification de viol ne peut être retenue à l’occasion d’une relation sexuelle avec pénétration d’un majeur sur un enfant, et c’est la qualification d’atteinte sexuelle sur mineur qui est retenue. Cette qualification délictuelle est jugée en correctionnelle ; elle n’est pas criminelle et n’est donc pas jugée en cour d’assises.

Or je considère, et nous sommes nombreux à partager ce point de vue, qu’une relation sexuelle avec pénétration entre un majeur et un mineur doit être un crime et non un délit, qu’il est indispensable qu’un seuil d’âge, en l’occurrence treize ans, soit fixé et qu’il ne saurait être question ni de maturité sexuelle ni de discernement d’un enfant qui consentirait à un acte sexuel avec un adulte.

Lorsque nous parlerons de l’outrage sexiste, vous nous direz probablement, madame la ministre, que cette contravention a une vertu éducative et qu’elle pose un interdit clair et lisible. Si ce raisonnement, que je partage, est fondé pour l’outrage sexiste, il l’est, a fortiori, pour le crime de violences sexuelles sur enfant.

Depuis l’automne dernier, nous avons tous, à un moment ou à un autre, été d’accord, le Président de la République, les délégations aux droits des femmes du Sénat et de l’Assemblée nationale, vous-même, les experts, les professionnels, les associations, les magistrats, je pense particulièrement au procureur Molins, pour fixer un seuil dit de non-consentement et punir comme un viol une relation sexuelle entre mineur et majeur.

Or, où en sommes-nous aujourd’hui ? Cette volonté a été torpillée à la fois par le Conseil d’État et par la commission des lois de notre assemblée. Deux arguments ont tourné en boucle : l’inconstitutionnalité pour cause d’irréfragabilité d’une prétendue présomption et l’absence de l’intentionnalité de l’auteur.

L’argument de l’inconstitutionnalité n’est, à mon sens, pas sérieux. D’une part, la rédaction soumise au Conseil d’État n’est pas celle que nous vous proposons aujourd’hui. Nous nous étions fourvoyés sur la voie de l’extension du viol. Nous suivons aujourd’hui une tout autre logique. On ne pourra donc pas opposer l’avis du Conseil d’État à l’amendement que nous vous soumettons.

De surcroît, et je m’adresse plus particulièrement et respectueusement à vous, madame la garde des sceaux, le Conseil d’État n’est pas le clone du Conseil constitutionnel.

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