Intervention de Nicole Belloubet

Réunion du 4 juillet 2018 à 14h30
Lutte contre les violences sexuelles et sexistes — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Nicole Belloubet :

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ajouterai quelques mots, pour aller, d’abord, dans le sens de ce que vous souligniez, madame Benbassa : ce que nous voulons tous, ici, c’est faire en sorte que l’on cesse de considérer la femme comme objet, mais qu’on la regarde plutôt comme sujet. Tel est bien l’objectif de notre discussion.

Madame Billon, je reviendrai sur le courrier que vous avez eu la gentillesse de m’adresser hier, auquel je réponds ici oralement. Vous proposez, comme vous l’avez rappelé voilà quelques instants, de prévoir la mention d’un crime de pénétration sexuelle sur mineur de treize ans. Bien sûr, cela pourrait avoir le mérite de la clarté, de la simplicité et je comprends que vous puissiez faire cette proposition.

Si nous ne l’avons pas retenue, c’est pour un certain nombre de raisons.

La première s’attache à la dissociation entre mineur de treize ans et mineur de quinze ans, que j’ai évoquée dans mon propos introductif, et au souhait de ne pas complexifier la situation par une différenciation liée à l’âge.

La seconde raison, bien que vous ne la considériez pas comme telle, s’attache au fait qu’il pourrait paraître difficile de créer une infraction purement formelle en matière criminelle, c’est-à-dire sans prise en compte de l’élément intentionnel. J’ai bien entendu ce que vous avez indiqué de manière extrêmement concrète, mais il n’empêche qu’il semble toujours important d’apprécier la réalité de l’intention criminelle, pour reprendre un propos du président de la commission des lois.

Surtout, la création d’une telle infraction présenterait, j’ai eu l’occasion de le dire également, l’inconvénient de ne pas pouvoir s’appliquer aux faits qui ont déjà été commis, puisque, vous le savez, il y a un principe à valeur constitutionnelle intangible de non-rétroactivité de la loi pénale la plus sévère. Je ne vois pas très bien comment on pourrait pallier cette difficulté. La force de la disposition interprétative que nous proposons serait évidemment d’être d’application immédiate, à la fois pour les affaires en cours et pour les affaires passées, même non encore découvertes.

Madame Gatel, vous avez évoqué deux points qui ont retenu mon attention, insistant de nouveau sur le risque de correctionnalisation. Bien que nous ayons supprimé la disposition retenant votre proposition, nous n’y reprenions pas la question de l’atteinte sexuelle avec pénétration. Je le redis, l’intention du Gouvernement n’est absolument pas d’aboutir à une correctionnalisation des crimes de viol. Soyons clairs, elle est bien de sanctionner les crimes de viol en tant que crimes. C’est la raison pour laquelle nous proposons une disposition sur la notion de contrainte ou de surprise, afin de faire en sorte, évidemment, que le viol soit plus aisément pris en compte en tant que crime.

Il est en effet toujours nécessaire d’avoir un continuum dans le domaine répressif, ce qui n’exclut pas les questions préventives, qu’a traitées Marlène Schiappa. Telle était notre volonté. La preuve en est, et je m’adresse à Mme la sénatrice Carrère, que, dans le projet de loi que je vous présenterai à l’automne, j’ai souhaité que nous puissions mettre en place des tribunaux criminels départementaux, parce que, je le répète, notre intention est bien que les crimes soient jugés en tant que crimes et qu’ils ne puissent pas être, pour toutes sortes de raisons, déqualifiés pour être jugés en tant que délits. C’est, pour nous, un objectif fondamental, et je souhaitais de nouveau le préciser.

Vous évoquez en outre, madame Gatel, la nécessité de renforcer les moyens de la justice. J’aurai l’occasion d’y revenir, ils seront effectivement renforcés, jamais assez, certes, mais en tout cas de manière extrêmement volontariste par le gouvernement actuel : plus de 1, 6 milliard d’euros, 6 500 emplois, etc.

Madame Rossignol, si j’ai pu apprécier l’hommage que vous avez rendu au Conseil constitutionnel et au Conseil d’État, les distinguant bien l’un et l’autre, en revanche, je suis vraiment en désaccord profond avec la phrase que vous avez prononcée quand vous avez énoncé que le Gouvernement avait le souci de protéger les auteurs des violences à enfants.

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