Intervention de Angèle Préville

Réunion du 4 juillet 2018 à 14h30
Lutte contre les violences sexuelles et sexistes — Article 1er

Photo de Angèle PrévilleAngèle Préville :

Être violé lorsque l’on est enfant est d’une violence inouïe. C’est un arrachement brutal d’une partie de soi. C’est ensuite la sidération dans un mélange de dégoût, de honte, de faute et de peur. C’est l’absence à soi-même qui s’installe sans l’avoir commandée, un effacement, comme un instinct de survie.

Un enfant violé ne parle pas, il ne le peut pas, il est empêché, parce que l’infamie vient d’un adulte, souvent d’un proche. Pour l’enfant, c’est la nausée, née du trouble et de l’outrage ultime.

L’enfant, s’il est très jeune, ne pleure même pas, il n’est nul besoin de lui faire peur, il ne parlera pas, il n’a pas les mots, il ne sait pas dire. D’ailleurs, où, quand et à qui parlerait-il ? Puis, le mécanisme d’oubli se met en place, consciemment ou non.

Comme je l’ai dit, l’enfant est amputé à jamais. Sa vie ne sera pas ce qu’elle aurait dû être. À l’extérieur, tout a souvent l’air normal, avec peut-être une fêlure dans le regard. À l’intérieur, on sait maintenant, cela est scientifiquement prouvé, qu’il y a des lésions irréversibles sur le cerveau, qui engendrent, avec l’âge, des maladies dégénératives.

Bref, l’enfant violé l’est pour toujours ! Dès le début, l’enfant a appris à vivre avec et met en place des stratégies d’évitement, de déni, de refoulement. C’est la réponse irrationnelle au choc initial, et cela tout au long de sa vie.

Comment survivre, sinon ? Parler est si difficile, il y a quelque chose de honteux à le dire, à l’évoquer, à ce que les autres vont imaginer. C’est vous dans des images choquantes et c’est terriblement gênant.

Si les parents ne sont pas les violeurs, c’est comme une barrière infranchissable. Comment le leur dire ? Alors on attend, on oublie. Et puis cela revient toujours et encore et, à la faveur d’événements particuliers, déclencheurs, on commence à s’exprimer et à parler.

Alors oui, il faut du temps, beaucoup de temps parfois. Laissons à toutes celles et tous ceux qui, enfants, furent victimes de violences sexuelles le temps de se sentir prêts à porter plainte, parce que c’est justice ! Nous nous devons de permettre cela.

Notre société si civilisée se doit de protéger les enfants, en envoyant un signal fort : les pervers – il s’agit bien de cela, n’est-ce pas ? – doivent pouvoir être poursuivis sans limite de temps grâce à l’imprescriptibilité.

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