Intervention de Françoise Gatel

Réunion du 4 juillet 2018 à 14h30
Lutte contre les violences sexuelles et sexistes — Article 1er

Photo de Françoise GatelFrançoise Gatel :

Je rejoins les interventions de Laurence Rossignol et Marie-Pierre de la Gontrie. Ce que nous touchons là, ce n’est pas le cœur du sujet, mais c’est l’immense difficulté dans laquelle celui-ci nous place, sa très grande complexité du fait même qu’il est de l’ordre de l’innommable, de l’indicible. Quoi de plus grave, dans une société, que de toucher à un enfant ? Rien n’est plus grave !

Je comprends donc que, spontanément ou de manière réfléchie, on puisse considérer qu’un tel franchissement vers l’innommable mérite l’imprescriptibilité – c’est tellement dur à penser que j’ai du mal à le dire !

Toutefois, pour avoir beaucoup travaillé avec Marie Mercier, beaucoup entendu et écouté – nous sommes nombreux dans ce cas ici –, je suis parvenue au constat suivant : pour qu’un crime soit jugé, un coupable condamné, dans un temps qui est celui de l’infini, il faut amener la preuve de la culpabilité ; or, mes chers collègues, d’une manière qu’il convient d’appeler réaliste, comment peut-on imaginer laisser croire à un enfant que la justice sera en capacité, dans cinquante ou soixante ans, de fournir la preuve de la culpabilité du présumé coupable ? Nous risquons même, il faut le dire, de créer à nouveau une illusion !

Pour ma part, j’apprécie la proposition du Gouvernement. Comme l’a souligné François-Noël Buffet, c’est une manière – le sujet est trop grave pour employer le terme « astucieuse » – extrêmement intelligente et pertinente d’offrir la possibilité, à une victime, de venir se raccrocher à un recours qui sera, lui, recevable.

Enfin, je ne sais pas quelle est la hiérarchie des douleurs et des malheurs. Nous avons parlé des crimes contre l’humanité et nul ne peut les mettre en cause. Mais, alors qu’une famille pourra éventuellement bénéficier d’une imprescriptibilité parce que son enfant a été violé – ce qui est juste –, qu’ira-t-on dire à celle qui n’en bénéficiera pas si son enfant a été tué ?

J’en appelle vraiment à la raison et à l’évaluation de l’impact, même si j’entends et respecte les questionnements de mes collègues.

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