Intervention de Jacques Bigot

Réunion du 4 juillet 2018 à 14h30
Lutte contre les violences sexuelles et sexistes — Article 1er

Photo de Jacques BigotJacques Bigot :

Nous avons eu un débat fort long sur la prescription, voilà un an, à l’occasion de l’adoption d’un texte. Nous nous étions arrêtés sur l’idée que vingt ans à compter de la majorité, c’était déjà un bon pas.

Je crains que nous ne donnions beaucoup d’illusions aux victimes, en leur laissant penser que, trente ans après leur majorité, on pourra apporter la preuve de faits dont elles ont été victimes. Or être obligé de quitter les assises en ayant vu celui que l’on a accusé, celui qui nous a blessé, être acquitté, c’est souvent pire que de constater que l’affaire ne peut plus être poursuivie au motif qu’elle est prescrite.

Je comprends bien, madame la ministre, que dans un cas comme celui du prêtre pédophile lyonnais, où il y avait prescription pour certains faits et pas pour d’autres, l’adoption de votre amendement permettrait de tous les sanctionner. Mais, je suis à peu près convaincu que toutes les victimes pour lesquelles les faits sont prescrits pourront témoigner aux assises, et qu’il en sera nécessairement tenu compte par le jury.

Quoi qu’il en soit, je comprends bien le sens de votre amendement et je voudrais rassurer Mme Michelle Meunier : l’imprescriptibilité, on en prend le chemin !

Le délai de prescription est passé de vingt à trente ans. L’amendement gouvernemental ouvre cette nouvelle possibilité, que je comprends parfaitement sur le plan de la psychologie. Enfin, dans le texte établi par la commission, une disposition a été ajoutée à un autre article du projet de loi, sur proposition de notre collègue François-Noël Buffet : si un expert médecin vient apporter la preuve que la victime a subi une amnésie post-traumatique, il y a un obstacle, de fait, à la révélation des faits ; dans ce cas, il sera possible d’engager des poursuites au-delà même du délai de trente ans.

Le vrai sujet est ailleurs, d’après moi. Un enfant qui est victime aujourd’hui, à dix ans, pourra se plaindre de ces faits à sa majorité, dans huit ans, puis pendant trente ans. Voyez l’âge qu’il aura, mes chers collègues. J’espère que tout ce temps aura été mis à contribution pour faire de la prévention, pour éviter que la question ne se pose !

Quoi qu’il en soit, il y a bien remise en cause du droit de la prescription. Je rappelle que, dans certains États, celle-ci n’existe pas. D’ailleurs, indépendamment des faits – délits ou crimes –, elle est par définition insupportable aux yeux des victimes. Une victime ne supportera jamais la prescription, et c’est compréhensible !

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