Intervention de Nicole Belloubet

Réunion du 4 juillet 2018 à 21h45
Lutte contre les violences sexuelles et sexistes — Article 2, amendements 129 2

Nicole Belloubet :

Enfin, parce que retenir un seuil de treize ans pour ce crime aura nécessairement pour conséquence, même si ce n’est pas l’intention, de fragiliser la situation des mineurs âgés de treize à quinze ans.

La défense de l’accusé soutiendra que le législateur lui-même considère qu’un mineur de plus de treize ans peut ou pourrait consentir à une relation sexuelle. De facto, on créerait une forme d’a contrario qui pourrait induire une présomption de consentement. Comment l’opinion dans son ensemble et les jurés en particulier ne seraient-ils pas sensibles à un tel raisonnement ?

Telles sont les raisons pour lesquelles il nous semble, à Marlène Schiappa et à moi-même – nous le disons avec force, mais aussi avec une forme d’humilité par rapport aux questions que vous avez soulevées –, que la solution que nous proposons est à la fois efficace, propre à répondre à nos attentes et juridiquement correcte.

Dans cet esprit, nous présentons l’amendement n° 129 pour rappeler clairement la position du Gouvernement sur les dispositions de l’article 2 du projet de loi. Lucide, je sais bien qu’il a peu de chances de modifier la position de votre commission. Je tiens toutefois à répéter brièvement les raisons pour lesquelles le Gouvernement souhaite un retour aux dispositions adoptées par l’Assemblée nationale.

La commission des lois du Sénat a amendé le texte d’une façon, me semble-t-il, complexe, en complétant l’actuel alinéa unique de l’article 222-22-1 du code pénal pour faire référence à la maturité sexuelle insuffisante des mineurs de quinze ans. Cette notion de maturité sexuelle ne me semble ni utile ni pertinente. Elle me paraît trop peu juridique et susceptible de donner lieu à des divergences d’interprétation, d’autant que la question des mineurs de quinze ans apparaîtra traitée à l’alinéa suivant.

Par ailleurs, il paraît justifié de maintenir la rédaction de la disposition interprétative – j’insiste à nouveau sur ce mot – selon laquelle, lorsque les faits sont commis sur la personne d’un mineur de quinze ans, la contrainte morale ou la surprise « sont caractérisées par l’abus de la vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour consentir à ces actes ».

D’une part, en effet, dès lors qu’il y a abus de la vulnérabilité et absence de discernement, la contrainte ou la surprise sont nécessairement caractérisées. Prévoir, comme l’a fait la commission des lois, qu’elles « peuvent être » caractérisées serait, me semble-t-il, source d’ambiguïtés.

D’autre part, il me semble important de préciser qu’il s’agit du discernement nécessaire pour consentir à un acte sexuel, et non du discernement dans l’absolu. Cette formulation protège mieux le mineur, qui peut avoir un discernement suffisant dans d’autres domaines.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous espérons que vous tiendrez le plus grand compte de l’amendement n° 129.

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