Séance en hémicycle du 4 juillet 2018 à 21h45

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • contrainte
  • mineur
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  • quinze
  • seuil
  • sexuelle
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La séance

Source

La séance, suspendue à vingt heures quinze, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Photo de Marie-Noëlle Lienemann

La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion, dans le texte de la commission, de l’article 2 du projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 129, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 2 à 5

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

1° L’article 222-22-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque les faits sont commis sur la personne d’un mineur de quinze ans, la contrainte morale mentionnée au premier alinéa du présent article ou la surprise mentionnée au premier alinéa de l’article 222-22 sont caractérisées par l’abus de la vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour consentir à ces actes. » ;

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

En présentant cet amendement, je vais revenir quelques instants sur le débat qui s’est déroulé dans l’hémicycle avant la suspension de séance. Ce débat et les oratrices et orateurs qui y ont pris part méritent éminemment de respect. Nous avons bien mesuré l’intérêt que nous partageons tous pour lutter contre les crimes de viol commis sur des enfants.

L’amendement n° 129 vise à rétablir une disposition interprétative que le Gouvernement avait proposée à l’Assemblée nationale, qui l’avait adoptée. Permettez-moi de vous rappeler en quelques mots la position du Gouvernement, qui comporte trois points.

Premièrement, le texte du Gouvernement, dans sa version adoptée par l’Assemblée nationale, insérait dans le code pénal une disposition interprétative sur les notions de contrainte et de surprise en cas de relations sexuelles avec un mineur de quinze ans. Cette disposition nous paraît répondre de façon à la fois efficace et satisfaisante aux problèmes que vous toutes et tous avez soulevés, ainsi qu’aux objectifs que nous cherchons à atteindre.

Deuxièmement, les ajouts et modifications apportés au texte issu des travaux de l’Assemblée nationale par la commission des lois du Sénat, faisant notamment référence à la notion de maturité sexuelle et instituant une présomption de contrainte, s’ils tentent de résoudre une difficulté juridique, ne me paraissent pas totalement satisfaisants.

Troisièmement, les divers amendements tendant à instituer une présomption de contrainte pour les mineurs de treize ans ou à instaurer un crime en cas de relations sexuelles d’un majeur avec un mineur de treize ans ne me paraissent pas non plus tout à fait justifiés.

Si le texte du Gouvernement me semble adapté, c’est pour trois raisons.

D’abord, étant interprétatif, il s’appliquera immédiatement. Tous les mineurs, y compris ceux qui auront été victimes de violences sexuelles dans le passé, pourront en profiter. Ce texte ne crée donc pas un double régime qui s’appliquerait dans les décennies à venir.

Ensuite, le texte du Gouvernement n’opère pas de distinction entre les treize et les quinze ans. Il ne crée pas de confusion sur l’âge de la majorité sexuelle, ni ne donne a contrario l’impression que le consentement des mineurs de plus de treize ans serait, en quelque sorte, présumé.

Enfin, la disposition interprétative proposée par le Gouvernement permet, me semble-t-il, d’atteindre les objectifs visés.

En indiquant que la contrainte est caractérisée en cas d’abus de la vulnérabilité d’un mineur de quinze ans ne disposant pas du discernement nécessaire pour consentir à un acte sexuel, la loi aura nécessairement pour conséquence pratique, pour les mineurs les plus jeunes, que les cours d’assises ne pourront pas faire autrement que de reconnaître qu’ils ont fait l’objet d’une contrainte. De facto, donc, les acquittements ne seront plus possibles quand les victimes auront dix, onze, douze, voire treize ans. La loi ne peut pas fixer ces âges, mais nous pourrons le rappeler dans une circulaire, en faisant état notamment des débats tenus devant le Parlement.

À l’aune de ces nouvelles dispositions, il est certain que des affaires comme celles de Melun et de Pontoise – des affaires qui ont abouti dans un premier temps seulement, comme l’a souligné le président de la commission des lois – auraient été appréciées différemment par les juridictions.

Pourquoi le Gouvernement s’oppose-t-il aux modifications apportées au texte par la commission des lois du Sénat ?

Principalement, parce que la réintroduction de la notion de maturité en matière sexuelle, qui figurait dans le projet de loi initial, mais que l’Assemblée nationale a supprimée avec l’assentiment du Gouvernement, me paraît poser des problèmes importants, en raison du caractère imprécis et contestable de cette notion. Ce qui compte, me semble-t-il, c’est uniquement la question du discernement du mineur.

Par ailleurs, l’ajout d’une présomption simple de contrainte dans certaines hypothèses soulève des difficultés qui me semblent relativement importantes. Certes, il ne s’agit que d’une présomption simple, soit le minimum que l’on puisse prévoir, comme l’ont rappelé M. le président de la commission et Mme la rapporteur ; mais, comme l’a indiqué le Conseil d’État, des difficultés se posent de nature constitutionnelle et conventionnelle. En effet, instituer une présomption de culpabilité, même simple, en matière criminelle paraît porter une atteinte puissante au principe de la présomption d’innocence, que le président de la commission des lois a si bien rappelé précédemment.

Enfin, les amendements tendant à créer un nouveau crime de violences sexuelles sur mineur de treize ans ne me paraissent pas acceptables juridiquement. J’insiste sur cet adverbe, d’autant que j’ai moi-même beaucoup évolué, je le confesse, sur la position que nous défendons devant vous, et qu’il m’est arrivé d’esquisser des propositions assez proches des vôtres.

Pourquoi cette solution n’est-elle pas juridiquement acceptable ?

Tout d’abord, parce que considérer qu’il s’agit d’un crime purement formel, c’est-à-dire d’un crime pour lequel on ne s’interroge pas sur l’intention de l’auteur, pourrait porter atteinte aux exigences constitutionnelles et conventionnelles.

Ensuite, parce qu’un tel crime ne s’appliquerait que pour le futur. En sorte que deux victimes voyant leurs affaires jugées le même jour par une cour d’assises, que ce soit dans dix-huit mois, dans vingt ans ou dans trente – ce que permettent les règles de prescription que nous avons adoptées –, l’une pour des faits commis avant la loi, l’autre pour des faits commis après, verraient les accusés jugés sur le fondement de textes différents.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Comment l’opinion publique et les victimes elles-mêmes pourraient-elles comprendre une telle différence de traitement ?

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Enfin, parce que retenir un seuil de treize ans pour ce crime aura nécessairement pour conséquence, même si ce n’est pas l’intention, de fragiliser la situation des mineurs âgés de treize à quinze ans.

La défense de l’accusé soutiendra que le législateur lui-même considère qu’un mineur de plus de treize ans peut ou pourrait consentir à une relation sexuelle. De facto, on créerait une forme d’a contrario qui pourrait induire une présomption de consentement. Comment l’opinion dans son ensemble et les jurés en particulier ne seraient-ils pas sensibles à un tel raisonnement ?

Telles sont les raisons pour lesquelles il nous semble, à Marlène Schiappa et à moi-même – nous le disons avec force, mais aussi avec une forme d’humilité par rapport aux questions que vous avez soulevées –, que la solution que nous proposons est à la fois efficace, propre à répondre à nos attentes et juridiquement correcte.

Dans cet esprit, nous présentons l’amendement n° 129 pour rappeler clairement la position du Gouvernement sur les dispositions de l’article 2 du projet de loi. Lucide, je sais bien qu’il a peu de chances de modifier la position de votre commission. Je tiens toutefois à répéter brièvement les raisons pour lesquelles le Gouvernement souhaite un retour aux dispositions adoptées par l’Assemblée nationale.

La commission des lois du Sénat a amendé le texte d’une façon, me semble-t-il, complexe, en complétant l’actuel alinéa unique de l’article 222-22-1 du code pénal pour faire référence à la maturité sexuelle insuffisante des mineurs de quinze ans. Cette notion de maturité sexuelle ne me semble ni utile ni pertinente. Elle me paraît trop peu juridique et susceptible de donner lieu à des divergences d’interprétation, d’autant que la question des mineurs de quinze ans apparaîtra traitée à l’alinéa suivant.

Par ailleurs, il paraît justifié de maintenir la rédaction de la disposition interprétative – j’insiste à nouveau sur ce mot – selon laquelle, lorsque les faits sont commis sur la personne d’un mineur de quinze ans, la contrainte morale ou la surprise « sont caractérisées par l’abus de la vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour consentir à ces actes ».

D’une part, en effet, dès lors qu’il y a abus de la vulnérabilité et absence de discernement, la contrainte ou la surprise sont nécessairement caractérisées. Prévoir, comme l’a fait la commission des lois, qu’elles « peuvent être » caractérisées serait, me semble-t-il, source d’ambiguïtés.

D’autre part, il me semble important de préciser qu’il s’agit du discernement nécessaire pour consentir à un acte sexuel, et non du discernement dans l’absolu. Cette formulation protège mieux le mineur, qui peut avoir un discernement suffisant dans d’autres domaines.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous espérons que vous tiendrez le plus grand compte de l’amendement n° 129.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

L’amendement n° 23 rectifié, présenté par Mmes de la Gontrie, Rossignol, Lepage, Blondin et Cartron, M. Courteau, Mmes M. Filleul, Jasmin, Monier, Meunier, Conway-Mouret et Lubin, MM. Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Sutour, Temal et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer les mots :

et ne disposait pas de la maturité sexuelle suffisante

La parole est à Mme Angèle Préville.

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

Les nombreux travaux menés par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes et les délégations aux droits des femmes des deux assemblées, en concertation avec les associations de victimes, de lutte contre les violences sexuelles et de protection de l’enfance, soulignent avec force que l’expression « maturité sexuelle suffisante » est à proscrire. L’emploi de cette expression à l’article 2 du projet de loi avait d’ailleurs été écarté par l’Assemblée nationale.

En effet, en admettant de manière implicite que la maturité sexuelle d’un ou d’une mineure de moins de quinze ans puisse être suffisante, cette rédaction affaiblit significativement la portée de l’appréciation de la notion de contrainte, que ses promoteurs se proposent pourtant d’amplifier. Elle implique qu’une maturité sexuelle suffisante d’une enfant ou d’une adolescente de moins de quinze ans pourra être invoquée par la défense afin de nier la responsabilité d’un adulte dans le cadre d’un viol ou d’une agression sexuelle.

Cette terminologie renforce donc la probabilité pour les auteurs présumés d’infractions à caractère sexuel sur mineur de quinze ans d’être acquittés ou de voir leur peine réduite bien en deçà de l’infraction commise. Pour être on ne peut plus clairs, nous considérons que les arguments tels que : « elle a l’air d’avoir seize ans », « elle a essayé de me séduire par son comportement », « elle porte des tenues courtes », « elle prend des selfies dans des positions suggestives », etc., s’ils sont bien bel et bien légitimes du point de vue du défendeur et de la garantie des principes des droits de la défense, doivent être combattus sur le terrain politique et faire l’objet d’une condamnation sociale forte.

Cette condamnation sociale, qui s’est fortement exprimée lors des affaires de Pontoise et de Melun, doit être encouragée et non pas piétinée par le fait d’insérer dans le code pénal l’existence d’une maturité sexuelle suffisante des mineurs de quinze ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Pour en avoir longuement délibéré avec Marie Mercier, vous me permettrez de vous exposer, en notre nom à tous deux, notre point de vue.

Je sais bien que cette matière est vraiment difficile et, en réalité, on se rend compte qu’elle est compliquée. Il ne s’agit pas ici de la principale innovation de la commission des lois. Celle que nous portons consiste à dire que, dans la mesure où il n’est pas possible de prévoir la présomption irréfragable, prévoyons au moins la présomption simple ; cette question sera abordée dans un instant.

Pour l’instant, on parle de ce qu’est un viol. Il faut bien que le droit le définisse pour que des condamnations pour viol puissent être prononcées.

Depuis 2010, l’article 222-22-1 du code pénal prévoit que la contrainte peut caractériser un viol et qu’elle peut être physique ou morale. Mais qu’est-ce qu’une contrainte morale ? Pour aider le juge, le législateur a précisé que la contrainte morale peut résulter d’une différence d’âge, combinée à l’exercice d’une autorité de droit ou de fait que l’agresseur exerce sur la victime, ces deux conditions étant indissociables et non pas exclusives l’une de l’autre.

Dans un premier temps, nous avons estimé qu’il suffisait, pour qu’il soit plus facile pour le juge de reconnaître la contrainte morale et, donc, de condamner la personne pour viol, que l’une des deux conditions soit remplie, au lieu des deux obligatoirement, pour caractériser cette contrainte, à savoir l’autorité sur la victime ou bien la différence d’âge : si l’un de ces deux éléments est présent dans l’affaire à juger, le juge peut alors estimer qu’il y a vraiment contrainte morale. Cela vaut non pas seulement pour les mineurs, mais aussi pour tous les viols, à tous les âges de la vie.

On peut évidemment se dire que l’on a peut-être eu tort d’introduire en 2010 dans la loi pénale des éléments d’ordre interprétatif. D’ailleurs, précédemment, je me suis assez clairement exprimé contre ce procédé. Mais dès lors qu’ils y figurent, autant qu’ils soient clairs. C’est la raison pour laquelle la commission des lois a souhaité procéder de cette manière.

Ensuite, nous avons pensé que nous devions aussi nous occuper des mineurs, et tel est d’ailleurs l’objet principal du texte que nous examinons. Toujours dans le cadre du viol – l’âge de la majorité sexuelle est fixé depuis longtemps à quinze ans –, avec les mineurs de moins de quinze ans – nous ne parlons pas ici des mineurs tout jeunes, pour lesquels nous avons pensé à la présomption simple, et non pas irréfragable certes, de contrainte morale caractérisant le viol, qui inverse la charge de la preuve, dont nous avons parlé précédemment –, nous avons tout de même affaire à de grands adolescents. Même si nous ne savons pas quelle est globalement leur vie sexuelle, c’est l’âge où arrive la sexualité, avec une pratique qui diffère d’un adolescent à l’autre. C’est ce que nous avons voulu exprimer avec la notion de maturité sexuelle : la contrainte morale sera bien sûr présumée lorsque la victime a moins de quinze ans, sauf s’il est établi que cette jeune victime a déjà une vie sexuelle harmonieuse et épanouie. On ne pourra pas alors dire que la relation sexuelle a eu lieu sans que celle-ci connaisse les conséquences de cet acte. Cela ne signifie pas pour autant qu’il n’y a pas eu viol, mais le juge appréciera.

Je comprends bien l’appréciation du juge dans certains cas et j’entends bien ce que disent certaines associations, qui veulent que le juge se comporte comme un greffier – j’ai parlé de « robot » précédemment pour pousser l’analogie à l’excès – et préfèrent le jugement automatique au jugement humain. Pour ma part, j’estime que, dans un pays, il n’y a pas de bonne régulation par les tribunaux si l’on substitue le jugement automatique au jugement humain.

Il ne s’agit ici que d’apporter une aide au juge pour lui permettre d’avoir des références : il reste libre de décider qu’il y a eu contrainte morale ou pas.

Nous ne voulons pas revenir au texte du Gouvernement. Madame la garde des sceaux, je vous ai vraiment écoutée avec beaucoup d’attention et je reconnais toute la valeur du point de vue que vous avez énoncé, un point de vue de prudence en fait, et je le comprends. Au fond, vous pensez que le droit pénal n’est pas si mal fait que cela, qu’il sera bon d’introduire dans la loi un peu plus d’éléments pour guider le juge, mais qu’il ne faut surtout pas le modifier de fond en comble. Selon vous, il n’est même pas certain que la présomption simple soit reconnue comme étant conforme à la Constitution. Moi, je suis plus optimiste que vous.

Je vous ai lu la décision du Conseil constitutionnel : il est absolument impossible de prévoir la présomption irréfragable, mais la présomption simple n’est pas interdite à certaines conditions, et nous estimons, pour notre part, que les conditions sont réunies.

Mes chers collègues, vous reprochez parfois à Marie Mercier et à moi-même de faire trop de droit, mais je tiens à vous dire que nous prenons, nous aussi, des risques : nous ne voulons pas aller jusqu’à la certitude de l’inconstitutionnalité, mais nous sommes prêts à défendre la conformité de la présomption simple à nos droits fondamentaux. C’est pourquoi nous émettons un avis défavorable, comme vous l’aviez anticipé, madame la garde des sceaux, sur l’amendement n° 129, ainsi que sur l’amendement n° 23 rectifié de Mme de la Gontrie.

Nos intentions sont pures, je tiens tout de même à le dire, même si cela va de soi, je le sais – veuillez m’excuser de le dire sur le ton de l’humour, alors que le sujet appelle à la gravité –, mais cette disposition nous semble non pas contraignante, mais interprétative. Nous voulons protéger les mineurs qui approchent les quinze ans, car ils ne sont pas tous faits sur le même modèle : dans certains cas, il n’y aura réellement pas eu de contrainte, contrairement à d’autres. Aussi, il importe que le juge ait la capacité d’examiner individuellement chaque affaire en fonction de la réalité de la situation qui lui est soumise. Je vous en conjure, faisons quand même confiance au juge, dès lors que la loi est suffisamment précise.

Permettez-moi de remercier Mme la présidente de séance de m’avoir permis de développer cette argumentation. Veuillez m’excuser, mes chers collègues, s’il vous est apparu que celle-ci était trop juridique. Mais je ne peux pas m’empêcher de faire du droit dans la mesure où nous faisons la loi. Par ailleurs, je veux que l’on fasse du droit pour trouver la formule de nature à protéger le mieux nos enfants, et c’est vraiment cet objectif qui nous unit, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons.

Pour ma part, j’ai la conviction profonde que notre proposition donne au juge les armes nécessaires pour protéger nos enfants – beaucoup plus que les autres propositions – : une formule ne pourra pas prospérer, ce qui reviendra à avoir fait ce que je crois être un coup d’épée dans l’eau, tandis que la formule basse, si je puis me permettre cette expression, madame la garde des sceaux, une formule prudente, ne constitue pas un pas en avant fort avec une modification de la charge de la preuve, afin que le coupable puisse être plus facilement condamné et que la victime ne voit pas peser sur elle une contribution à la démonstration de la culpabilité de son agresseur, ce qui la conduirait à devoir se justifier. Or ce n’est vraiment pas un état d’esprit convenable pour punir les agresseurs de mineurs.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 23 rectifié.

Si le texte de la commission avec lequel je ne suis bien sûr pas d’accord – mais je comprends bien qu’il sera adopté ; c’est ce que je crains en tout cas – mentionne que la contrainte peut résulter du fait « que la victime mineure était âgée de moins de quinze ans et ne disposait pas de la maturité sexuelle suffisante », vous proposez, pour votre part, madame la sénatrice, de supprimer la notion de « maturité sexuelle ».

Enlever la fin de la phrase revient à affirmer dans le texte de la commission que la simple minorité de quinze ans caractérisera la contrainte, donc le viol ou l’agression sexuelle, sans appréciation in concreto par le juge. Cela me semble évidemment excessif. C’est, me semble-t-il, uniquement si le mineur de quinze ans n’a pas le discernement suffisant que l’on pourrait parler de viol.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Je dois dire que je me demande ce que les auxiliaires de justice ou les magistrats – je n’ose parler des auteurs ou des victimes – comprendront du régime juridique applicable à la fin de ce débat.

Au départ, le texte devait fixer quelque chose qui pouvait s’apparenter à une présomption d’absence de consentement en faveur des victimes mineures ; le Gouvernement y a renoncé.

Ensuite, a été envisagée l’aggravation de l’infraction d’atteintes sexuelles sur mineur en cas de pénétration, disposition qui a été retirée – et c’est une bonne chose.

Maintenant, le texte de la commission qui nous est présenté et que le président Bas a essayé de défendre au travers d’une argumentation d’une grande confusion, …

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

… alors que ses explications sont d’habitude d’une limpidité et d’une efficacité redoutables, veut imposer le critère de « maturité sexuelle suffisante », ce que je trouve, je le dis, terrifiant.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Je n’ose imaginer les débats devant les juridictions pénales au cours desquels il faudra évaluer, quelques années après les faits, la maturité sexuelle de la victime.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Si tout le monde ici souhaite que l’on simplifie le sort des victimes et que l’on fasse en sorte que la sanction soit non pas bien évidemment certaine, mais plus simple à obtenir, alors là je dis : bravo ! Cela détruit absolument l’objectif poursuivi.

Vous l’avez compris, l’amendement que nous défendons et contre lequel s’est exprimée Mme la garde des sceaux – en exposant une logique que, pour le coup, j’ai comprise – prévoit au minimum de supprimer le critère de maturité sexuelle suffisante, qui me semble totalement inacceptable, inapplicable et insupportable.

Vous avez raison, madame la garde des sceaux, si l’on supprime ce membre de phrase, notre position est claire pour les enfants de quinze ans, de la même manière que notre position est claire pour les enfants de treize ans dans l’amendement que nous examinerons tout à l’heure et qui a déjà suscité de nombreux débats précédemment.

Nous nous abstiendrons donc sur l’amendement du Gouvernement, qui, au milieu de la grande confusion créée par le texte de la commission, est à peu près cohérent. Veuillez m’en excuser, ce n’est pas péjoratif, mais je ressens vraiment une grande confusion juridique lorsque je lis le texte tel qu’il nous est aujourd’hui soumis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Je partage le sentiment de confusion exprimé par ma collègue.

Madame la garde de sceaux, madame la secrétaire d’État, le Président de la République, le 25 novembre dernier, au cours d’un discours sur la lutte contre les violences faites aux femmes, indiquait, justement à propos des affaires que l’on a citées : « Je veux ici vous donner une conviction personnelle : nous devrions sans doute aligner sur l’âge de la majorité sexuelle, fixée dans le droit à quinze ans, par souci de cohérence et de protection des mineurs, cette présomption. » La présomption de consentement ne peut pas s’appliquer de façon aussi floue lorsqu’il y a bien eu une relation sexuelle entre un mineur et un adulte, expliquait-il.

Voilà ce que nous devons rechercher. Or vous n’y arrivez pas, et vous oubliez complètement que, devant la cour d’assises, c’est l’intime conviction qui est importante, et non pas la motivation juridique. Les questions qui ont été évoquées devant les assises et qui ont notamment abouti à des acquittements concernent précisément la notion d’intime conviction. Je comprends maintenant pourquoi vous envisagez dans le projet de loi sur la justice la création d’une juridiction criminelle composée uniquement de magistrats, et non plus de jurés populaires. On commence à en deviner éventuellement l’intérêt. Mais, juridiquement, je me demande vraiment ce que nous apportons encore par rapport à la promesse faite.

Je dirai la même chose à M. le président Bas et à Mme la rapporteur : quelle que soit la rédaction, on va être dans une complexité… Monsieur le président, vous dites qu’il faut faire confiance au juge. Mais les juges seront des jurés populaires et les procureurs préféreront alors, à un moment donné, face à des magistrats professionnels, s’assurer d’une condamnation, même à cinq ans d’emprisonnement, le maximum encouru pour une atteinte sexuelle – c’est ce qui s’est passé dans l’Essonne –, plutôt que de risquer un acquittement. Vous allez soumettre l’enfant mineur à des débats qui ajouteront à l’agression sexuelle une agression judiciaire, ce qui sera dramatique.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Nous sommes toutes et tous d’accord sur un point : il faut que la loi envoie un message clair. Mais, on le voit, on peine à le faire – peut-être y parviendrons-nous à l’issue de notre débat.

Pour ma part, je suis très perplexe sur la formulation retenue à la fin de l’amendement du Gouvernement : « sont caractérisées par l’abus de la vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour consentir à ces actes. » On parle là de faits qui sont commis sur la personne d’un mineur ou d’une mineure de quinze ans. Cela signifie que l’on considère que des mineurs peuvent avoir le discernement nécessaire pour consentir à ces actes. Il faut toujours voir les deux côtés de la question !

Monsieur le président de la commission, vous avez relevé que chaque mineur n’avait pas obligatoirement la même sexualité. On dispose de certaines sources statistiques, qui n’ont certes pas une valeur absolue, mais qui sont intéressantes.

Lors des examens de santé réalisés en classe de quatrième et de troisième, on a interrogé les garçons et les filles sur leur santé sexuelle. Ainsi, 23 % des garçons ont affirmé avoir pratiqué des actes sexuels – peut-être y a-t-il là une petite surestimation, parce que cela fait bien de se valoriser ; je n’en sais rien, et je n’en dirai pas plus ! –, contre 13, 7 % pour les filles, voire, après les avoir interrogées de manière un peu plus précise, 10 %, car certaines d’entre elles auraient préféré que cela ait lieu plus tard, tandis que d’autres ont avoué qu’elles y avaient été contraintes.

Pourquoi voulais-je citer ces chiffres ? Tout simplement parce que l’on voit bien là qu’il s’agit d’une minorité. Or on légifère pour une majorité, et pour les plus vulnérables.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

À vouloir être trop prudent, on ne protège pas davantage, me semble-t-il. On fait peut-être une loi bavarde, mais elle ne protégera pas les mineurs. Or c’est ce qui nous tient, toutes et tous, à cœur, je ne veux pas en douter ici !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

L’un de vos arguments me trouble, madame la garde des sceaux.

Vous avez parlé de l’inconvénient d’établir un seuil de non-consentement – pardonnez-moi cette facilité d’expression, mais nous nous comprenons – : si deux personnes étaient jugées le même jour, l’une pourrait être jugée selon le code pénal actuel et l’autre selon le code pénal nouveau. Mais c’est à peu près le cas à chaque fois que l’on fait une loi pénale ! On ne se pose pas cette question d’habitude. Quand on réforme le droit pénal en matière de terrorisme ou dans d’autres domaines, la non-rétroactivité prévaut.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Ici, la prescription est de trente ans !

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Certes, mais il fallait dire dès le départ, ce qui n’a jamais été le cas, que l’on ne pourrait pas aller au-delà d’articles interprétatifs.

Vous avez raison, la prescription est de trente ans, mais je crains que les violences sexuelles sur enfants ne soient encore un sujet de préoccupation des pouvoirs publics dans trente ans. On peut aussi légiférer à trente ans, même si nous n’avons pas l’habitude de légiférer à cet horizon.

Par ailleurs, vous êtes revenue sur la question de l’intentionnalité, second point qui m’interpelle.

Je pensais avoir été assez claire cet après-midi sur ce sujet. Quand il y a pénétration, l’intention ne fait aucun doute. Celui qui pénètre a l’intention de le faire, pardonnez-moi ces précisions, mes chers collègues.

Les questions que l’on peut se poser sont les suivantes : l’auteur savait-il que la victime était mineure ? Et a-t-il été trompé ? Il y a toujours l’opportunité des poursuites, et il pourra toujours faire valoir ses arguments devant la juridiction visée.

Vous avez argué que l’on ne peut pas ôter la notion de maturité sexuelle suffisante à la fin du troisième alinéa de l’article 2 dans la rédaction proposée par la commission, sauf à tomber dans l’automaticité. Permettez-moi de relire l’article : « la contrainte morale peut résulter de la différence d’âge ». Elle « peut » en résulter, il n’est pas écrit que la contrainte morale « résulte » de la différence d’âge. Là encore, cela signifie qu’elle pourra aussi ne pas être identifiée en fonction des faits de l’espèce.

En conséquence, nous nous abstiendrons sur l’amendement du Gouvernement, parce que les deux versions qui nous sont proposées, celle de la commission des lois ou celle du Gouvernement, ne sont pas de nature à nous permettre d’atteindre les objectifs poursuivis et rendent le code pénal encore plus confus.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie Mercier

Je veux préciser que le texte proposé par la commission des lois vise à protéger les relations des mineurs, en particulier les mineurs de quatorze ou de quinze ans, avec un adulte de dix-huit ou de dix-neuf ans. On se trouve là dans un cas de figure où la différence d’âge n’est pas significative et où il n’y a pas d’autorité de droit ou de fait exercée sur la victime. Notre troisième critère alternatif vise vraiment à couvrir le maximum de situations, voire toutes les situations.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Je mets aux voix l’amendement n° 23 rectifié.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 192 :

Le Sénat n’a pas adopté.

L’amendement n° 58 rectifié, présenté par Mmes Rossignol, de la Gontrie, Lepage, Blondin et Cartron, M. Courteau, Mmes M. Filleul, Jasmin, Monier, Meunier, Conway-Mouret et Lubin, MM. Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Sutour, Temal et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 5

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

« La violence prévue par les dispositions des premiers alinéas des articles 222-22, 222-22-2 et 222-23 peut être de toute nature. Elle peut résulter des violences psychologiques mentionnées à l’article 222-14-3 du présent code ;

« La menace prévue par les dispositions des premiers alinéas des articles 222-22, 222-22-2 et 222-23 peut être commise par tout moyen, y compris à la faveur d’un environnement coercitif ;

« La surprise prévue par les dispositions des premiers alinéas des articles 222-22, 222-22-2 et 222-23 peut résulter de manœuvres dolosives ou de l’abus de l’état d’inconscience de la victime, y compris si cet état découle d’un comportement volontaire de celle-ci. » ;

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Dans la mesure où ce projet de loi a une vocation interprétative, cet amendement, inspiré par les travaux du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes et ceux de la Fondation des femmes, travaux eux-mêmes inspirés par les enquêtes de terrain réalisées par les membres de cette instance et de cette association, vise à préciser à la fois le caractère éventuellement psychologique des violences, l’étendue des formes de pression pouvant être constitutives de menaces, en y incluant le caractère coercitif d’un environnement – on pense au bizutage au cours duquel des jeunes filles ou des jeunes garçons peuvent se retrouver dans des situations où ni le consentement ni le non-consentement n’ont pu être identifiés et qui sont déterminés par l’environnement –, et la prise de conscience des stratégies tendant à tromper la victime. Il s’agit ici de préciser le respect du consentement.

J’y insiste, cet amendement est né de l’analyse de la jurisprudence et de ce qui s’est dit dans les instances.

Par ailleurs, madame la garde des sceaux, vous avez parlé d’un amendement sur l’alcoolisation des victimes. Comment un tel amendement s’articulerait-il avec le mien ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie Mercier

Cet amendement vise à inscrire dans la loi des clarifications concernant les éléments constitutifs des agressions sexuelles, notamment du viol, mais il est mal rédigé. En effet, ce type de dispositions visant à interpréter des notions de droit pénal n’a pas d’effet normatif. La jurisprudence n’a d’ailleurs pas besoin de ces précisions : l’analyse de la jurisprudence récente démontre bien la prise en compte des violences psychologiques par les juridictions.

De surcroît, il nous semble maladroit de renvoyer aux violences psychologiques délictuelles prévues par d’autres articles du code pénal, la notion de violence psychologique pour l’exercice d’un viol étant plus large et détachée d’une attraction particulière.

C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, ma chère collègue ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Il ne me semble pas nécessaire de préciser les notions de « violence », de « menace » et de « surprise ». Soit elles ne suscitent pas de difficultés d’interprétation, à l’inverse de la contrainte morale, soit elles sont déjà définies dans la loi, notamment à l’article 222-14-3 du code pénal pour ce qui concerne les violences. On sait par ailleurs que ces violences peuvent être psychologiques.

En outre, indiquer que les violences peuvent être « de toute nature » et que les menaces peuvent être commises « par tout moyen » revient à employer des expressions qui ne me semblent pas nécessairement normatives.

Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

J’essaie de comprendre…

Le président Bas nous a expliqué il y a quelques minutes, dans un long développement sur la façon dont est rédigé l’article 2, que la formulation sur la contrainte morale qui a été retenue par la commission des lois n’était pas normative, mais plutôt interprétative. Il a ajouté que, même si l’on pouvait estimer qu’elle n’était pas idéale, la règle de droit serait désormais celle-ci et qu’il s’agissait d’une bonne chose, parce qu’elle permettrait de mieux protéger les victimes. Je résume !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

À l’instant, mon groupe, par la voix de notre collègue Rossignol, a appliqué ce précepte à la notion de violence. Or Mme la rapporteur nous répond que notre amendement n’est pas normatif, qu’il est interprétatif et que, en conséquence, il ne peut pas rester en l’état. Je ne sais plus quoi penser !

Cela signifie-t-il que ce qui est possible pour la contrainte morale ne le serait pas pour la violence ? Est-ce parce que l’amendement n’est pas normatif ou parce qu’il ne serait qu’interprétatif ? Dans ce cas, pourquoi pourrait-on interpréter la notion de contrainte et pas celle de violence ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Je pense qu’il y a un problème.

Nous enrichissons le texte et permettons une meilleure interprétation par le juge de ce qu’est la violence. Encore une fois, si l’on pense aux victimes, il est important de guider le juge dans son interprétation.

Comme mon groupe, je voterai évidemment l’amendement présenté par notre collègue Laurence Rossignol.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Je mets aux voix l’amendement n° 58 rectifié.

L’amendement n° 15 rectifié bis, présenté par Mme Meunier, MM. Roger, Bérit-Débat et Iacovelli, Mme Jasmin, MM. Courteau, Duran et Mazuir, Mmes Conway-Mouret et Ghali, MM. Vaugrenard, Antiste et Daudigny, Mmes Tocqueville, Blondin, Préville, Bonnefoy et Van Heghe, M. Lalande, Mme Guillemot, MM. P. Joly et Madrelle, Mme S. Robert, M. Manable et Mmes Féret et Lepage, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Rédiger ainsi cet alinéa :

a) Au premier alinéa, les mots : « commis sur » sont remplacés par les mots : « imposé à » ;

La parole est à Mme Michelle Meunier.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Actuellement, le viol est défini comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise ». Or les termes « commis sur » posent problème. En effet, si un adulte force un enfant à lui faire une fellation, le droit considère qu’il s’agit d’un viol, car il y a eu pénétration du sexe de l’adulte dans la bouche de l’enfant. Si cet adulte fait une fellation de force à un enfant, les juges considèrent qu’il s’agit d’une agression sexuelle, car l’introduction du sexe de l’enfant dans la bouche de l’adulte n’est pas reconnue comme une pénétration commise sur le mineur.

Malgré les séquelles psychologiques identiques qu’auront ces deux actes sur l’enfant, l’un sera un crime et l’autre un délit, puni au maximum de dix ans d’emprisonnement, alors que la durée de la peine aurait été de vingt ans si l’acte avait été qualifié de viol.

Le remplacement des termes « commis sur » par les termes « imposé à » replace ainsi le consentement du mineur au cœur de l’infraction, ce qui correspond bien à l’objet de notre débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie Mercier

Ma chère collègue, nous sommes parfaitement d’accord avec vous, …

Debut de section - PermalienPhoto de Marie Mercier

Mme Marie Mercier, rapporteur. … à tel point que votre amendement est satisfait par le texte de la commission.

Ah ! sur des travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie Mercier

La commission a précisé que le viol pouvait être caractérisé par des actes de pénétration sexuels commis, tant sur la personne d’autrui que sur la personne de l’auteur. Désormais, tout acte forcé de pénétration sexuelle, qu’il ait été réalisé sur la victime ou non, sera considéré comme un viol. Ainsi, les faits de fellation forcés que vous décrivez sont déjà couverts par l’alinéa 7 de l’article 2 du texte de la commission. Néanmoins, la rédaction proposée par la commission des lois nous paraît plus simple et sans ambiguïté.

Votre amendement étant satisfait, je vous demande de bien vouloir le retirer.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Je ne saurais mieux dire que Mme la rapporteur. Le Gouvernement sollicite donc le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

L’amendement n° 15 rectifié bis est retiré.

Je suis saisie de huit amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 130, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 8 et 9

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

L’amendement vise à supprimer la présomption simple de contrainte, qui a été introduite par la commission des lois.

Suivant l’avis du Conseil d’État, que nous avons évoqué à plusieurs reprises, le Gouvernement estime qu’il n’est pas possible, en matière criminelle, d’instaurer une présomption, même simple, au regard des exigences constitutionnelles et conventionnelles qui protègent la présomption d’innocence. Les seules présomptions admises par notre droit, de manière exceptionnelle, concernent la matière contraventionnelle ou délictuelle et prévoient, à chaque fois de façon très précise, les conditions permettant de les écarter.

Par ailleurs, la présomption qui est proposée par votre commission s’appliquerait, soit pour des mineurs incapables de discernement, ce qui constitue une hypothèse juridique claire, même si elle est difficile à prouver dans certains cas, soit en cas de différence d’âge significative entre l’auteur et la victime mineure, ce qui constitue en revanche, me semble-t-il, une notion particulièrement imprécise.

En pratique, que signifiera l’existence d’une présomption devant la cour d’assises ? Faudra-t-il que la cour et les jurés répondent à une question supplémentaire sur l’existence éventuelle d’une différence d’âge significative entre l’auteur et la victime ? En cas de réponse positive, faudra-t-il que la cour d’assises réponde à une autre question, celle consistant à savoir si la cour repousse ou non la présomption instituée par l’article 222-23 du code pénal ? Quelles seront enfin les conséquences de la présomption sur l’exigence de motivation ?

Bref, vous m’aurez comprise, il me semble que l’on ne peut pas construire une présomption, avec les conséquences graves que cela entraîne, à partir d’une définition juridique aussi floue que celle de la différence d’âge significative.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement souhaite la suppression de cette présomption simple.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Les trois amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 75 rectifié bis est présenté par Mmes Billon et Vullien, MM. Henno, Laugier, Bockel, Janssens, Longeot et Delahaye, Mme de la Provôté, MM. Canevet et Kern, Mmes Goy-Chavent et Dindar, MM. Louault, Delcros, Moga et Médevielle, Mmes Tetuanui, Létard, Joissains, Garriaud-Maylam, Vérien et Jasmin et MM. Cadic et Pellevat.

L’amendement n° 86 rectifié est présenté par Mme Laborde, MM. Collin, Corbisez et Gabouty et Mme Jouve.

L’amendement n° 105 est présenté par Mmes Benbassa, Cohen et Assassi, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La contrainte est également présumée quand l’acte de pénétration sexuelle est commis par un majeur sur la personne d’un mineur de treize ans. » ;

La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 75 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Cet amendement vise à instaurer un seuil d’âge de treize ans en deçà duquel tout acte de pénétration sexuelle commis par un adulte sur un enfant doit être puni comme le viol aggravé. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à celui qui introduit dans le code pénal un article créant un crime de pénétration sexuelle sur mineur de treize ans.

Le présent amendement tend à compléter l’article 222-23 du code pénal, qui définit le viol. Il précise ainsi que la contrainte, qui constitue l’un des critères du viol, est nécessairement constituée quand l’auteur des faits est une personne majeure et que la victime est un enfant de moins de treize ans. Il marque ainsi l’interdiction d’un rapport sexuel entre un adulte et un enfant.

Ce seuil de treize ans a été retenu par cohérence avec le droit pénal, qui fixe la responsabilité pénale des mineurs à cet âge. Il permet par ailleurs de prendre en compte les relations sexuelles qui peuvent exister sans contrainte entre des adolescents et des adolescentes d’une quinzaine d’années et de jeunes majeurs et d’éviter que ces derniers ne se retrouvent accusés de viol. J’ajoute qu’au Royaume-Uni, pays qui n’est pas réputé bafouer les droits de la défense, un enfant de moins de treize ans n’a en aucune circonstance la capacité légale de consentir à une quelconque forme d’acte sexuel et que, en cas de pénétration sexuelle, l’auteur encourt la réclusion à perpétuité.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 86 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Je suis, moi aussi, favorable à ce seuil de treize ans.

J’ajoute que, même si beaucoup de dispositions allant dans le sens de ce que souhaite la délégation aux droits des femmes sont, hélas, rejetées ce soir, il faudra quand même garder la présomption simple, sinon je ne sais pas ce qu’il restera dans ce texte !

Mme Victoire Jasmin applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 105.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Mes arguments étant identiques, je ne vais pas m’étendre sur cette question très importante.

Quoi qu’il en soit, gardons au moins la présomption simple, parce que nous sommes en train de détricoter le texte. Je ne sais pas ce qu’il en restera à l’issue de la discussion.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 74 rectifié bis est présenté par Mmes Billon et Vullien, MM. Henno, Laugier, Bockel, Janssens, Longeot et Delahaye, Mme de la Provôté, MM. Canevet et Kern, Mme Dindar, MM. Louault, Delcros, Moga et Médevielle, Mmes Tetuanui, Létard, Joissains, Garriaud-Maylam, Vérien et Jasmin et M. Cadic.

L’amendement n° 95 rectifié bis est présenté par Mme Laborde, MM. Collin, Corbisez et Gabouty, Mme Jouve et M. Labbé.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 9

Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

… Après l’article 227-24-1 du code pénal, il est inséré un article 227-24-… ainsi rédigé :

« Art. 227 -24 -… – Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis par un majeur sur ou avec un mineur de treize ans est puni de vingt ans de réclusion criminelle.

« Il est puni :

« – de trente ans de réclusion criminelle lorsqu’il a entraîné la mort de la victime ;

« – de la réclusion criminelle à perpétuité lorsqu’il est précédé, accompagné ou suivi de tortures ou d’actes de barbarie. » ;

La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 74 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Le présent amendement a pour objet d’introduire dans le code pénal, dans la section relative à la mise en péril des mineurs, un article définissant le crime de pénétration sexuelle sur mineur de treize ans par un adulte.

Les critères de « violence, contrainte, menace ou surprise » prévus par l’article 222-23 du code pénal en matière de viol ne sont pas adaptés aux victimes les plus jeunes. Cette définition fait appel à une appréciation subjective du comportement de la victime, qui encourage la défense à faire peser la responsabilité de l’agression sur la victime. Or il revient aux adultes de protéger les enfants, et non aux enfants de se garder des agressions dont les menacent certains prédateurs.

Il est inacceptable que, en raison de cette subjectivité inhérente à la définition pénale du viol, les mêmes faits, dans des circonstances similaires, puissent être poursuivis pour viol ou pour atteinte sexuelle, leur auteur emprisonné ou acquitté, comme l’ont montré de récentes affaires. Il est essentiel que la loi affirme « l’interdiction absolue d’un rapport sexuel entre un adulte et un enfant, la violation de l’interdit constituant un crime ».

Je rappelle que la solution consistant à créer un seuil d’âge pour marquer un interdit n’est pas sans précédent : l’atteinte sexuelle sur un mineur de moins de quinze ans, qui constitue un délit, est conçue comme une interdiction de toute relation sexuelle avec une personne majeure, et non comme une présomption d’absence de consentement. L’atteinte sexuelle exclut donc les critères de menace, de contrainte, de violence ou de surprise, ainsi que toute appréciation sur le consentement éventuel de la victime. La même logique pourrait s’appliquer pour les relations sexuelles avec un mineur de moins de treize ans et un adulte.

L’élément intentionnel de l’infraction résulterait de la pénétration sexuelle elle-même. Posons-nous la question : peut-il y avoir des pénétrations sexuelles involontaires, comme il y a des homicides involontaires ? Il ne peut y avoir de pénétration sexuelle par hasard. Il résulterait aussi de la connaissance de l’âge de la victime par l’auteur des faits. Pour se défendre, celui-ci aurait la possibilité de prouver qu’il ne connaissait pas l’âge de la personne. Les droits de la défense seraient donc respectés.

Je rappelle que, il y a peu, cette assemblée était largement hostile à l’allongement des délais de prescription. Aujourd’hui, ces dispositions font majoritairement consensus. Je ne doute pas qu’il en sera de même pour la fixation d’un seuil en deçà duquel un rapport sexuel entre une personne majeure et un enfant sera considéré comme un crime. D’ici là, combien d’entre eux devront en payer le prix ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mmes Dominique Vérien et Michèle Vullien applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 95 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Ces amendements identiques ont bien sûr été débattus au sein de la délégation aux droits des femmes, mais, comme nous n’avons pas le droit de les déposer au nom de la délégation, nous les déposons en notre nom.

J’ajoute aux arguments qui viennent d’être avancés que le seuil de treize ans, comme le faisait très justement remarquer le rapport de nos collègues députés Erwan Balanant et Marie-Pierre Rixain, au nom de la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale, marque la limite indiscutable de l’enfance. Qui oserait décemment affirmer que, en dessous de cet âge, un enfant – car il s’agit bien d’enfants – pourrait consentir à se faire pénétrer par un adulte ? Mes chers collègues, je vous prie de m’excuser, car nos propos sont un peu difficiles ce soir…

Je reprends les mots de Danielle Bousquet, présidente du HCE, lors de son audition par la délégation aux droits des femmes : « Aucun enfant ne peut choisir en connaissance de cause d’avoir un rapport sexuel avec un adulte. » Jusqu’à quel âge est-on encore un enfant ?

Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Michèle Vullien applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

L’amendement n° 104 rectifié, présenté par Mmes Cohen, Benbassa et Prunaud, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 9

Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

… Après l’article 222-22-2, il est inséré un article 222-22-… ainsi rédigé :

« Art. 222 -22 -… – Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, imposé par un majeur à un mineur de treize ans constitue le crime de violence sexuelle sur enfant. Il est puni de 20 ans de réclusion criminelle.

« Il est puni :

« – de trente ans de réclusion criminelle lorsqu’il a entraîné la mort de la victime ;

« – de la réclusion criminelle à perpétuité lorsqu’il est précédé, accompagné ou suivi de tortures ou d’actes de barbarie. » ;

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Comme il a déjà été souligné, nous sommes plusieurs membres de la délégation aux droits des femmes à nous exprimer sur le sujet. Je trouve qu’il est important de montrer dans cette enceinte que nous sommes capables, malgré nos divergences politiques, de nous retrouver autour des mêmes amendements et, donc, de partager les mêmes objectifs. Cela donne une certaine force aux arguments que nous pouvons développer.

Je ne vais pas reprendre les arguments présentés précédemment, puisque je les partage. Je souhaite cependant ouvrir une réflexion qui, à mon sens, permettra de mieux comprendre les raisons pour lesquelles nous cherchons à créer ce délit spécifique.

Nous avons changé d’époque. Les prédateurs sévissent désormais dans un nouvel espace : internet, marqué par l’anonymat, l’exhibition de son intimité. La difficulté, notamment pour les jeunes, est de déterminer où se situent les limites. Que peut-on étaler ou pas sur internet ? Ils ont l’impression que, finalement, ce n’est pas grave, puisqu’ils s’adressent à des amis. Cela nous encourage à bousculer le droit, tout en respectant évidemment le cadre qui nous est donné, en créant une infraction spécifique pour poser clairement l’interdit.

Enfin, j’appelle votre attention sur le fait que les sénateurs et les sénatrices ne sont pas seuls à défendre ce point de vue. Les juristes, les avocats, les magistrats que nous avons auditionnés, et qui ont tous réfléchi à la question, ont trouvé qu’il s’agissait d’une bonne solution pour mieux protéger les mineurs.

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain. – Mmes Annick Billon et Françoise Laborde applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

L’amendement n° 24 rectifié bis, présenté par Mmes de la Gontrie, Rossignol, Lepage, Blondin et Cartron, M. Courteau, Mmes M. Filleul, Jasmin, Monier, Meunier, Conway-Mouret et Lubin, MM. Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Sutour, Temal et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 9

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

… Après l’article 222-22-2, il est inséré un article 222-22-3 ainsi rédigé :

« Art. 222 -22 -3 – Tout acte de pénétration sexuelle par une personne majeure sur ou avec un mineur de treize ans constitue le crime de violence sexuelle sur enfant. Il est puni de vingt ans de réclusion criminelle. La tentative est punie des mêmes peines. » ;

La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Je ne vais pas revenir sur ce qui a motivé le dépôt de cet amendement. Nous avons longuement discuté de la nécessité de fixer un seuil d’âge entraînant une qualification criminelle. Je vais simplement apporter une précision, car une confusion a peut-être été introduite précédemment.

Il existe tout un éventail de sanctions pénales pour les agressions sexuelles que subissent les mineurs, qui continuera évidemment d’exister si cet amendement était adopté. Il y a évidemment le viol, qui implique une pénétration, l’agression sexuelle, qui suppose l’absence de pénétration, la proposition sexuelle, la corruption de mineurs et le recours à des prostituées mineures. Toutes ces qualifications juridiques peuvent être complétées par des circonstances aggravantes, lorsqu’il s’agit d’ascendants, d’actes commis sous la menace d’une arme ou en réunion…

Cet éventail de sanctions, il s’agit simplement de le compléter. Je l’ai rappelé, un grand nombre d’instances prônent la criminalisation de l’acte de pénétration sexuelle de majeurs sur mineurs de moins de treize ans. Le procureur Molins, désormais promis à de nouvelles fonctions très importantes, a lui-même indiqué, lors de son audition à l’Assemblée nationale, qu’il lui paraissait cohérent d’instaurer ce seuil.

Nous nous trouvons à un moment clé de nos débats, qui ont été de grande qualité, me semble-t-il, bien que j’aie peu d’ancienneté au Sénat. Je ne vous surprendrai donc pas en vous disant, sous la haute autorité du président de mon groupe, que notre groupe demandera un scrutin public sur cet amendement.

Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie Mercier

La commission est défavorable à l’amendement n° 130 du Gouvernement.

L’introduction d’une présomption de culpabilité, même simple, en matière criminelle porte atteinte au principe constitutionnel de présomption d’innocence, mais cette atteinte est proportionnée à l’objectif d’intérêt général que l’on cherche à atteindre, à savoir la répression des infractions sexuelles commises à l’encontre des mineurs. La définition de notre présomption de contrainte nous semble donc répondre aux exigences constitutionnelles.

La commission est défavorable aux amendements identiques n° 75 rectifié bis, 86 rectifié et 105, qui visent à créer une présomption de contrainte en cas d’acte de pénétration sexuelle commis par un majeur sur un mineur de treize ans. Cette disposition pose plusieurs difficultés.

En fragmentant le régime de protection des mineurs, l’adoption de ces amendements aurait pour conséquence de moins protéger les mineurs de treize à quinze ans. Ce risque a d’ailleurs été souligné par le Défenseur des droits et la Défenseure des enfants. Ce risque a également été souligné par des représentants de la chambre criminelle.

L’introduction d’un « âge seuil » risque également d’être interprétée par les juridictions comme une limite, par exemple, pour l’application de la notion de contrainte morale. La création d’une telle présomption ferait ainsi courir le risque que les juridictions ne reconnaissent plus l’existence d’une contrainte morale pour les victimes mineures de plus de treize ou quinze ans. L’instauration d’une présomption de non-consentement en deçà de treize ans instaurerait une zone grise quant à la répression pénale de ces comportements, qui pourraient inciter à se reposer exclusivement sur la qualification pénale d’atteinte sexuelle et donc insuffisamment mobiliser la qualification pénale de viol. Or telle n’est pas ici l’intention.

Aujourd’hui, en raison de la majorité sexuelle fixée à quinze ans, les mineurs de quinze ans bénéficient d’une protection particulière. Les circonstances aggravantes dépendent également de la minorité de quinze ans. Introduire un deuxième seuil d’âge reviendrait à affaiblir ce seuil de quinze ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie Mercier

Mais si !

La commission est également défavorable aux amendements identiques n° 74 rectifié bis et 95 rectifié bis ainsi qu’aux amendements n° 104 rectifié et 24 rectifié bis.

Le Sénat s’est déjà prononcé sur cette question lors du vote de la proposition de loi de notre collègue Philippe Bas en mars dernier.

La création d’un seuil d’âge de criminalisation paraît simple et évidente. Néanmoins, il est inopérant et contre-productif de fragmenter les régimes de protection des mineurs en fonction d’un seuil d’âge. Il est préférable de privilégier une appréciation concrète de chaque situation plutôt qu’une automaticité.

La proposition de loi adoptée par le Sénat au mois de mars 2018 permet de protéger toutes les victimes mineures, quel que soit leur âge. L’introduction d’un seuil d’âge ne protégerait qu’une partie d’entre elles. Pourquoi retenir une telle solution inégalitaire ? Pourquoi faudrait-il, en matière de viol, fragmenter la protection des mineurs entre les moins de treize ans et les treize ans et plus, entre ceux qui ont douze ans et onze mois et ceux qui ont treize ans et un jour ?

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie Mercier

Il est injuste et inefficace de prévoir une protection accrue de certaines victimes en fonction seulement d’une date d’anniversaire, et donc d’un seuil d’âge. Comme l’a souligné le rapport de la mission pluridisciplinaire, cette solution aurait pour effet de porter l’âge de la majorité sexuelle à treize ans, alors qu’il est aujourd’hui fixé à quinze ans. Les prédateurs sexuels le savent très bien.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie Mercier

Surtout, une telle disposition est manifestement contraire à la Constitution.

Je fais miens les arguments de Mme le garde des sceaux et du président Philippe Bas sur l’inconstitutionnalité d’une telle disposition.

Aujourd’hui, au regard des enquêtes de sexualité réalisées en France, il est parfaitement envisageable d’imaginer une adolescente de douze ans et demi, amoureuse, dans une relation librement consentie avec un partenaire de dix-sept ans et demi. Ces situations existent, même si elles restent assez exceptionnelles.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie Mercier

Mes chers collègues, nous avons le même but, celui de protéger tous les enfants !

La poursuite de cette relation au-delà de la majorité du partenaire le plus âgé qualifierait automatiquement de crime, et non pas de délit comme actuellement, un tel comportement. On ne peut pas prendre le risque d’une telle injustice. Ce n’est vraiment pas possible !

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Je crains de me répéter, puisque j’ai déjà présenté les principaux éléments de mon argumentation sur les amendements identiques n° 75 rectifié bis, 86 rectifié et 105, auxquels je suis défavorable.

Je ne reprends pas l’argument sur les exigences constitutionnelles et conventionnelles que j’ai eu l’occasion d’exposer devant vous. J’ajouterai simplement que, en matière criminelle, le principe de la présomption d’innocence paraît interdire l’instauration d’une présomption, même simple, de culpabilité. Le risque d’inconstitutionnalité est évidemment encore plus grand si la présomption est irréfragable, ce qui ne résulte pas des amendements proposés, …

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

… mais qui apparaît, à la lecture des objets, correspondre aux intentions de leurs auteurs.

Il me semble également que ces amendements méritent un avis défavorable pour des raisons pratiques, qui sont plurielles.

Si l’on fixe une présomption pour l’âge de treize ans, cela précarise la situation des mineurs de plus de treize ans, pour lesquels, en quelque sorte, sera posée implicitement par le législateur une présomption de consentement, ce qui sera évidemment invoqué par la défense.

Si, comme il résulte du texte, la présomption n’est pas présentée comme irréfragable, un débat sera en tout état de cause toujours possible sur l’existence ou non de la contrainte.

En outre, comme j’ai déjà eu l’occasion de l’indiquer en défendant l’amendement de suppression, on ne sait pas comment, d’un point de vue procédural, l’existence d’une présomption sera prise en compte devant une cour d’assises, tant au regard de la procédure et des questions à la cour qu’en ce qui concerne l’exigence de motivation.

Par ailleurs, une telle disposition, par nature plus sévère, ne pourrait s’appliquer, je l’ai déjà dit, immédiatement aux faits commis avant la nouvelle loi, à la différence de la disposition interprétative que nous proposons.

En dernier lieu, je le répète, mais sans reprendre le raisonnement, il me semble que la disposition interprétative du Gouvernement permet d’atteindre au mieux les objectifs visés.

Les amendements identiques n° 74 rectifié bis et 95 rectifié bis, qui visent à criminaliser toutes les relations sexuelles avec des mineurs de treize ans, ne peuvent recevoir qu’un avis défavorable du Gouvernement, pour des raisons similaires à celles que je viens d’exposer.

Comme je l’ai déjà dit, il n’est pas opportun, me semble-t-il, de fixer des règles spécifiques pour les mineurs de treize ans, car la fixation d’un double seuil d’âge – quinze ans pour préciser les notions de contrainte et de surprise ; treize ans dans d’autres cas – aboutirait à une réforme particulièrement complexe, assez peu lisible et compréhensible pour l’opinion publique. Surtout, la fixation d’un seuil de treize ans donnerait, à tort, bien sûr, l’impression qu’une atteinte sexuelle commise par un majeur sur un mineur plus âgé serait plus ou moins licite, ce qui n’est évidemment pas acceptable. À mon sens, un seul et unique seuil doit être fixé par le code pénal : c’est celui qui existe déjà, c’est-à-dire quinze ans.

En pratique, je crois que le texte interprétatif du Gouvernement pourra avoir des conséquences similaires, tout en étant immédiatement applicable.

Sur l’amendement n° 104 rectifié, présenté par Mme Cohen, et l’amendement n° 24 rectifié bis, présenté par Mme de la Gontrie, mon avis est le même que sur les amendements précédents.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Les amendements qui viennent d’être défendus, notamment par ma collègue Laurence Cohen, visent à instaurer un seuil d’âge de treize ans en deçà duquel tout acte de pénétration sexuelle commis par un adulte serait un crime, passible de vingt ans de réclusion criminelle. Il s’agit de créer un crime autonome de celui de viol et de sortir ainsi de la question du consentement et des définitions, parfois sujettes à caution, des critères de « violence, contrainte, menace ou surprise ». Cette proposition correspond à la recommandation n° 1 qui conclut le rapport d’information de la délégation aux droits des femmes ; elle est également portée par de nombreuses associations de lutte contre les violences sexuelles commises sur les enfants.

En dépit de mon appréhension quand il s’agit de créer de nouvelles infractions et de mon aversion naturelle pour le mouvement qui conduit à l’instauration d’une justice d’exception créée selon la spécificité de certaines victimes, j’ai choisi d’être cosignataire de l’amendement n° 104 rectifié. L’émotion suscitée par les affaires de Meaux et de Pontoise, les affirmations, souvent fausses, qui ont été relayées auprès de nos concitoyens et les débats, parfois très violents, qui ont eu lieu depuis quelques mois m’ont convaincue d’une chose : il faut faire preuve de pédagogie auprès de nos concitoyens afin qu’un débat serein puisse avoir lieu.

Si, selon un récent sondage IPSOS, 81 % des Français sont favorables à ce que la loi prévoie un seuil d’âge minimum en dessous duquel un acte de pénétration sexuelle commis par une personne majeure serait automatiquement considéré comme un viol, on ne peut balayer cela d’un revers de main.

S’agissant d’enfants, le désir de protection porté par chacun d’entre nous est légitime et mérite, comme c’est le cas aujourd’hui, un débat sérieux, loin de toute caricature et de tout clivage partisan.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre Monier

Nous sommes tous d’accord ici pour dire que nos débats doivent permettre d’aboutir à un texte qui devra, avant tout, protéger les mineurs victimes de viol en fixant un interdit suffisamment fort, qui serve à la fois à la pénalisation des auteurs et à la prévention.

Les diverses auditions et les travaux menés non seulement par la délégation aux droits des femmes, mais également par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, ainsi que par de nombreuses associations, ont montré qu’il est extrêmement important pour le parcours de reconstruction de ces victimes d’être reconnues comme victimes d’un crime, plutôt que comme victimes d’un délit.

L’article 121-3 du code pénal dispose, dans son premier alinéa, qu’« il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre », en conséquence de quoi la caractérisation de l’infraction à la loi en matière d’agissements sexuels reconnaît le caractère intentionnel. Ce point n’est donc pas l’objet de débat ; il reste à préciser les termes juridiques qui permettront une application harmonieuse du code pénal sur l’ensemble du territoire.

Le texte qui sera issu de nos débats doit laisser le moins de prise possible à la subjectivité. Pour cela, il doit définir l’acte de pénétration sexuelle par une personne majeure sur ou avec un mineur de treize ans comme un crime. C’est à cette condition seulement que l’acte sera passible des mêmes sanctions que celles prévues en cas de viol, sans que les critères de violence, contrainte, menace ou surprise définis par l’article 222-23 du code pénal soient pris en considération et sans que puisse être évoquée la question du consentement de la victime. Aucune règle au niveau européen ne s’oppose à l’adoption d’une telle proposition, puisqu’une telle mesure existe déjà au Royaume-Uni ou encore en Belgique.

L’adoption de l’amendement n° 24 rectifié bis créera une nouvelle incrimination pénale spécifique, celle de crime de violence sexuelle sur enfant, posant l’interdiction absolue pour tout majeur de commettre un acte de pénétration sexuelle sur un enfant, comme le recommande notamment le Conseil national de la protection de l’enfance. C’est le moyen le plus efficient pour poser un interdit clair à destination des adultes.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Houpert

Devant ce salmigondis d’amendements, je ne comprends plus rien. On parle de treize ans, de quinze ans, de vulnérabilité, de contrainte. Je ne suis pas juriste ; je suis un simple médecin, comme Mme la rapporteur. Je viens d’avoir soixante ans et, à l’instar de Jean Gabin, je dirai que, maintenant, je sais qu’on ne sait rien.

Comme je ne sais rien, je lis des articles scientifiques, que l’on ne peut pas contester, où il est écrit que beaucoup de pathologies sont les conséquences de violences sexuelles vécues dans l’enfance : le diabète, l’hypertension, certains cancers, l’endométriose et d’autres pathologies gynécologiques et rectales, ORL, des maladies auto-immunes, des colopathies fonctionnelles, des fibromyalgies. Bref, cela concerne beaucoup de pathologies, d’une gravité telle qu’elles engendrent des lésions neuroanatomiques et, parfois, des modifications du génome.

Mes chers collègues, la violence sexuelle détruit l’humanité, car elle est la racine de la plupart des faits de violence extrême, y compris d’actes de terrorisme. Il faut la combattre clairement et protéger les enfants, qui en sont les premières victimes.

J’entends parler de maturation sexuelle. Les études de neuroanatomie situant la fin de la maturation du cerveau à trente ans, n’ayons pas tort trop tôt et laissons une chance aux enfants de quinze ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

La parole est à M. François Pillet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Cet après-midi, je constate deux choses.

Tout d’abord, nous avons tous la même volonté, la même préoccupation, que nous défendons avec la même énergie. Il est heureux que cette volonté, cette préoccupation s’expriment, car si tel n’était pas le cas, ou alors avec quelques bémols, ces paroles seraient non seulement illégitimes, mais également insupportables.

Ensuite, nous entendons deux discours, deux thèses, et nous n’arrivons pas à nous entendre, parce que je crains que nous n’ayons pas l’habitude, dans cet hémicycle, d’être convaincus lorsque nous avons déjà nos idées préconçues.

Sur ces deux thèses, pourquoi est-ce que je choisis celle de la commission ? Parce qu’elle offre, et je ne reviendrai pas sur tous les éléments, le même traitement protecteur aux enfants, qu’ils aient dix ans, onze ans, douze ans, treize ans, quatorze ans et jusqu’à quinze ans. Je choisis cette thèse, également, parce que cette rédaction permet aux citoyens de comprendre.

Pourquoi n’avons-nous pas la même vision des choses ? À mon sens, c’est parce que nous avons inconsciemment la peur du juge, dont nous voulons, pour certains, nous prémunir. Il ne faut pas !

Depuis le début de l’après-midi, nous parlons de situations dans lesquelles il y a eu des poursuites devant les tribunaux. Les juges jugent, les juges sanctionnent, sans indulgence particulière lorsqu’elle n’est pas méritée !

Qui sont les juges ? Il s’agit de juges professionnels, à savoir les juges du tribunal correctionnel, auxquels, parfois, l’avocat de la victime demande de juger une affaire qui aurait pu être qualifiée de viol pour ne pas aller devant la cour d’assises, car il a la certitude que, devant le juge professionnel, il obtiendra une condamnation qu’il risque de ne pas obtenir devant la cour d’assises.

Qui sont les juges de la cour d’assises ? Ce sont ceux qui nous élisent ! Ont-ils moins de clairvoyance lorsqu’ils élisent leurs représentants que lorsqu’ils jugent ? Que craignez-vous de ces juges ? Ce sont eux qui ont la totale légitimité.

Par expérience, je puis vous assurer que toutes les plaintes déposées pour des enfants victimes ont fait l’objet de poursuites. Le seul problème, aujourd’hui, c’est que nous n’avons pas beaucoup parlé de ce qui est le point fondamental. Heureusement, Mme la rapporteur a fait inscrire au tout début de notre texte un certain nombre d’orientations qui permettront d’aller plus loin. Il ne faudrait tout de même pas que, dans trois ou quatre ans, lorsque nous ferons le bilan de la loi, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

… nous nous apercevions que, même involontairement, nous avons uniquement fait preuve de bonne conscience.

Notre travail, c’est de faire en sorte que la parole se libère, car, quand elle se libère, nous n’avons plus besoin de prescription à trente ans : la justice rend la justice ! Voilà ce qu’il faut pour les victimes, et non pas des mesures qui n’apporteront rien à la protection des mineurs. C’est la solution la plus efficace.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Intervenant après mon collègue François Pillet, dont je trouve toujours les explications très claires, je vais essayer de dire pourquoi nous pouvons réussir à cheminer ensemble.

Effectivement, il y a deux thèses. Celle proposée par la commission des lois, qui a fait un gros travail, pose une difficulté : on ne sort pas de la définition du viol, qui implique violence, contrainte, menace ou surprise, malgré les précisions apportées – vulnérabilité de la victime, absence de discernement, différence d’âge.

Les tenants de l’autre thèse, qui n’est pas à opposer, car elle vise aussi à protéger les mineurs, militent pour la création d’une infraction spécifique.

Madame la garde des sceaux, vous nous dites que la présomption irréfragable correspondrait, à leur corps défendant, à l’intention des auteurs et des autrices…

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

… des amendements visant à créer une infraction spécifique. Je suis désolée, mais on ne juge pas un texte de loi par rapport aux objets des amendements. Seule compte la façon dont on rédige la loi. Je ne comprends pas votre argument.

En outre, il semblerait que ce qui coince – pardonnez-moi cette expression un peu familière –, c’est l’existence de deux seuils, l’un de treize ans et l’autre de quinze ans. Mes chers collègues, si vous estimez que quinze ans est le bon seuil, ne retenons que celui-là. De la sorte, nous pourrons nous mettre d’accord pour protéger les mineurs.

Je vous rappelle que, si vous adoptez notre logique en retenant le seuil de treize ans, la loi actuelle continuera à s’appliquer pour les mineurs de plus de treize ans. Le code pénal ne va pas tout d’un coup voler en éclats ! Ne créons pas des peurs inutilement.

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain. – Mmes Annick Billon, Françoise Laborde et Michèle Vullien applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Je voudrais remercier notre collègue François Pillet d’avoir démontré que, finalement, nous n’avons pas besoin de cette loi. Je pense que Mme la secrétaire d’État, qui, depuis des mois, cherche à démontrer à la population que, sur l’initiative du Président de la République, quelque chose d’important va être fait, va tout de suite réagir en disant que ce n’est pas vrai…

Monsieur Pillet, vous avez justement démontré que la justice fonctionne. Ce qui manque le plus, en réalité, c’est un travail de l’exécutif en matière de prévention et de sensibilisation, notamment à la dénonciation des faits.

Madame la garde des sceaux, je suis vraiment embarrassé. Vous nous avez dit qu’il n’était pas possible d’instaurer cette présomption, car, selon le Conseil d’État, ce serait inconstitutionnel. Dès lors, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, vous allez mettre les victimes dans une situation extrêmement dangereuse : le jour où une cour d’assises prononcera une condamnation en se fondant sur cette présomption, une question prioritaire de constitutionnalité sera déposée ; j’imagine alors le parcours terrible, terrifiant pour la victime. Monsieur le président de la commission des lois, vous qui êtes membre du Conseil d’État et qui connaissez bien la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qu’en dites-vous ?

Et nous devons choisir là-dedans ! Quel sera le résultat ? Il n’y en aura aucun !

Madame la garde des sceaux, je m’abstiendrai sur votre amendement, parce que je ne sais plus où est la vérité.

Il faut savoir que nous avons évolué. En effet, monsieur le président de la commission des lois, après la proposition que vous avez faite sur le rapport de Mme Mercier, nous n’avions pas encore proposé l’amendement n° 24 rectifié bis. Nous avons eu une réflexion et suivi un parcours. Je souhaite, madame la secrétaire d’État, que, pour respecter la promesse du Président de la République, vous acceptiez de suivre ce parcours et de reconnaître qu’il y a un âge où il ne peut pas y avoir de relations sexuelles entre un majeur et un mineur. Que vous fixiez cet âge à quinze ans, parce que le Président de la République en a parlé, ne me pose pas de problème. L’essentiel est d’affirmer qu’un mineur d’un certain âge ne peut pas avoir de relations sexuelles avec un majeur. C’est un interdit qu’il faut poser !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Françoise Laborde applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Pour répondre à notre collègue Pillet, qui souhaite que nous progressions dans notre capacité à travailler ensemble, je voudrais dire deux choses.

D’abord, notre assemblée est capable de le faire, peut-être pas dans cette formation-là, mais dans une formation plus restreinte. C’est ce qui s’est passé au sein de la délégation aux droits des femmes. Nous avons en effet adopté à l’unanimité des recommandations allant dans le sens d’une incrimination spécifique pour un crime de violence sexuelle sur mineur. Si nous n’y parvenons pas ici, c’est parce que d’autres logiques viennent se superposer aux logiques de travail : des logiques de groupe, de solidarité…

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Monsieur Pillet, permettez-moi de reprendre les faits. La délégation aux droits des femmes était unanime sur la proposition présentée tout à l’heure par Mme Annick Billon, sa présidente, mais nous avons vu plusieurs collègues de la délégation revenir en disant que tel n’était finalement pas leur premier choix.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Je maintiens que les positions ont évolué en fonction de logiques différentes des logiques de travail.

Ensuite, concernant la justice et les juges, l’angle mort n’a pas été découvert en octobre 2017, avec les affaires de Pontoise et de Melun, mais en octobre 2016, un an avant, par le rapport sur le viol du Haut Conseil à l’égalité, qui pointait cette lacune dans le code pénal. Il n’y a donc pas eu que deux affaires, mais bien davantage, puisque le Haut Conseil à l’égalité avait identifié le problème. Nous ne réagissons pas parce que, en deux circonstances, la justice aurait fauté. Nous avons une vraie raison de discuter de ces amendements.

Je vous sais gré, madame la garde des sceaux, d’avoir relevé l’absence de présomption dans la rédaction de nos amendements. Laurence Cohen l’a très bien dit voilà un instant, nous nous sommes totalement éloignés des critères constitutifs d’un viol pour créer une incrimination spécifique. Vous ne pouvez donc pas dire que cette présomption serait cachée quelque part dans nos intentions ou dans l’objet des amendements. Je le répète, nous ne voulons pas une présomption ; nous voulons une incrimination spécifique, ce qui n’est pas la même chose.

Madame la rapporteur, je ne comprends pas toujours vos positions. Pour récuser nos amendements, vous nous avez répondu que la présomption, même simple, n’était pas possible en droit pénal. Pourtant, un quart d’heure avant, vous avez défendu les alinéas 8 et 9, qui disposent que la contrainte est présumée lorsque l’acte de pénétration sexuelle est commis. Vous défendez donc un projet dans lequel la contrainte est présumée et vous nous dites après, contre nos amendements, qu’il ne peut pas y avoir de présomption. Ce n’est pas cohérent !

Nous devons nous demander ce que l’opinion publique comprendra de ce que nous sommes en train de faire. À mon sens, pas grand-chose ! Par conséquent, il serait peut-être raisonnable de ne pas voter l’article 2 et de revenir dans quelques semaines ou dans quelques mois, à l’occasion d’un autre texte proposé par Mme la garde des sceaux, pour effectuer un travail sérieux sur les violences sexuelles sur mineurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Vérien

Madame la rapporteur, vous avez évoqué la Défenseure des enfants, mais l’ancienne titulaire du poste signe une tribune dans laquelle elle explique qu’il faut fixer un âge. Cette tribune a été cosignée par Boris Cyrulnik et par un certain nombre d’éminents spécialistes du sujet. En tant que simples sénateurs, pas forcément spécialisés dans le droit des enfants, nous pouvons donc être un peu perdus.

Pour s’opposer au seuil de treize ans, la commission nous a parlé d’inconstitutionnalité. Elle propose une autre solution, mais la garde des sceaux nous indique que celle-ci serait inconstitutionnelle. Nous sommes donc en présence de deux mesures inconstitutionnelles : la présomption simple, proposée par la commission, et notre solution, à cause d’une supposée présomption irréfragable, ce qui n’est pas le cas.

Je précise que la délégation souhaitait établir une gradation. Il n’était bien évidemment pas question pour nous de mettre en danger les mineurs de quinze ans. Pour nous, à dix-huit ans moins un jour, on est mineur, et il y a donc aggravation.

En dessous de quinze ans, deux solutions se proposaient à nous. Celle du Gouvernement, qui simplifiait la preuve du viol, en disant que l’abus de la vulnérabilité pouvait être une preuve de la surprise, de la menace ou de la contrainte. Cette solution a été rejetée. Celle de la commission, fondée sur l’inversion de la charge de la preuve, dont on nous explique aussi l’inconstitutionnalité, mais qui protège, malgré tout, les mineurs de quinze ans. Si nous rejetons aussi cette solution, comme nous le demande le Gouvernement, nous serons face à un vide pour les mineurs de moins de quinze ans, qui seront alors traités comme les mineurs de moins de dix-huit ans.

Nous souhaitions créer un seuil à treize ans. En dessous de cet âge, nous posions que l’enfant disait toujours non, même s’il avait dit oui, car il n’y a pas de consentement à demander à un enfant de moins de treize ans.

Vous le voyez, notre souhait était d’instituer une gradation. Or, si nous votons l’amendement n° 130, nous faisons sauter toute protection des enfants de quinze ans. Du coup, je propose que l’on vote plutôt pour la proposition de la commission, qui protège les enfants de quinze ans, ce qui n’empêche pas de protéger encore un peu plus fort ceux de treize ans.

Mmes Michelle Meunier, Marie-Pierre Monier et Michèle Vullien applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

La parole est à Mme Marta de Cidrac, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marta de Cidrac

Je souhaite reprendre la parole, quitte à me répéter un peu, parce que je pense que, vu l’heure avancée, on ne va pas s’en sortir.

Sur le fond, il me semble que nous sommes d’accord sur la définition du viol. Je ne crois pas que le désaccord porte là-dessus. Il concerne plutôt l’âge de l’enfance. Certains l’établissent à treize ans, mais on ne sait pas trop ce que cela signifie pour ceux qui ont entre treize et dix-huit ans. Avons-nous affaire à des enfants ou à des pseudo-adultes ? Je ne sais pas.

Je vais illustrer un peu différemment mes propos précédents. Quand vous discutez avec des parents d’enfants qui ont subi un viol ou d’autres violences sexuelles, vous constatez que la souffrance est totale, que l’enfant ait treize ans, douze ans ou huit ans. Pensez-vous qu’il en va différemment si l’enfant a quinze ans, seize ans ou dix-huit ans ? Je ne comprends pas que l’on puisse parler de gradation.

Très clairement, nous avons un désaccord sur la définition de l’enfance. Pour moi, l’enfance n’est pas liée à un âge. Aujourd’hui, deux seuils existent dans notre droit : quinze ans et dix-huit ans. Ne compliquons pas les choses et restons le plus simple possible pour que le texte soit compréhensible.

J’ouvre une parenthèse pour terminer. Mme Rossignol a évoqué nos échanges dans le cadre de la délégation en parlant d’unanimité. Ma chère collègue, c’est vrai, nous avions très clairement dit que nous donnions toutes et tous un accord de principe sur le rapport et ses recommandations. En revanche, je vous rappelle, car il semble que vous l’ayez oublié, que nous avions précisé que chacune d’entre nous garderait sa liberté d’expression dans l’hémicycle. C’est ce que nous faisons ce soir, et c’est ce qui grandit cette assemblée. Nous pouvons tous nous exprimer très librement, avec nos propres convictions, éclairées par les échanges que nous pouvons avoir par ailleurs.

Je le répète, à cette heure avancée, je trouve que nous tournons un peu en rond. C’est pourquoi, en conscience, je tiens à réaffirmer clairement que, pour moi, le seuil de treize ans n’est pas approprié.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

J’ai demandé la parole lorsque j’ai entendu Mme la rapporteur finir son intervention en disant : « Quelle horreur ! »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Quelle horreur ? Voilà une façon un peu excessive de qualifier notre position.

Je vous le dis très clairement, les yeux dans les yeux, votre raisonnement n’est pas logique. Vous nous dites que, si nous adoptons la mesure que propose notre groupe par l’intermédiaire de Mme Rossignol et de Mme de la Gontrie, au-dessus de treize ans, il n’y aura plus véritablement de qualification de viol et les capacités répressives seront affaiblies, mais vous ne l’argumentez pas, pour la bonne raison que vous ne pouvez pas le faire !

Si notre assemblée adopte cette disposition – une disposition dont le principe a été adopté et, quand on adopte un principe, même si on conserve toute sa liberté d’expression, rien n’empêche de faire preuve de cohérence –, vous ne cessez de répéter que les mesures répressives relatives au viol à tout âge et aux agressions sexuelles seraient affaiblies. Pouvez-vous avancer un seul argument expliquant pourquoi cette disposition entraînerait une déperdition des capacités répressives au-dessus de treize ans ?

Nous voulons protéger les enfants victimes de cette horreur que sont le viol et la violence sexuelle. C’est tout ! Nous prenons nos responsabilités et, ce faisant, nous ne dédouanons personne.

Vous préjugez que les juges seraient influencés et n’appliqueraient pas ce qui est réellement écrit dans la loi. Il y a là une erreur de raisonnement fondamental, qui vous empêche de justifier ce que vous avez énoncé.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

On a souvent opposé la Constitution et des raisonnements de juriste à notre amendement. Je rappelle que la délégation aux droits des femmes a travaillé pendant plus de six mois : elle a auditionné des magistrats, dont un procureur et des juges des enfants, des acteurs de la protection des enfants… Je vous fais grâce de la liste exhaustive, il y a eu pas moins de trente auditions et plusieurs tables rondes. Tous sont bien évidemment soucieux d’obtenir les meilleurs outils pour protéger les enfants.

Je reste persuadée que toutes ces personnalités ont le souci à la fois de la Constitution et de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Je ne puis me résoudre à imaginer que tous ceux que nous avons auditionnés et qui ont nourri la réflexion de la délégation ont tort. Je reste d’ailleurs convaincue que cette proposition ne laisse la place à aucune subjectivité, alors qu’il n’en est pas de même pour les autres propositions.

Le texte doit être compréhensible, a affirmé l’une d’entre nous. Il doit surtout être efficace. Pour nous, l’efficacité, c’est la limite universelle de l’enfance à treize ans. C’est notre conviction, c’est ma conviction !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Jean-François Longeot et Mme Michèle Vullien applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Max Brisson

Madame Rossignol, je n’aime pas que l’on me fasse dire ce que je n’ai pas dit. Je me rappelle très précisément ce que j’ai déclaré lorsque la présidente de la délégation aux droits des femmes, Annick Billon, nous a proposé un tour de table.

J’ai affirmé que les travaux de la délégation aux droits des femmes avaient été remarquables, qu’ils méritaient d’aller jusqu’au bout, c’est-à-dire jusque dans l’hémicycle, et que le débat devait avoir lieu. Je n’ai pas dit autre chose. J’ai déclaré ensuite que, sur cette question difficile, chacun prendrait position en son âme et conscience et que, en ce qui me concerne, ma position n’était pas fixée.

Depuis cette réunion de la délégation, nous avons discuté, écouté et essayé de nous forger un point de vue. J’ai écouté le président de la commission des lois et la rapporteur, non parce qu’ils appartiennent à mon groupe, mais parce qu’ils ont tenu des propos qui m’ont semblé importants, à moi qui ne suis pas juriste, propos que j’ai mis en balance avec les travaux de la délégation.

J’ai donc fait mon choix, non pas en fonction de mon groupe, mais au regard de ce que je pensais essentiel sur ce sujet, c’est-à-dire la protection des enfants.

En particulier, après avoir écouté Marie Mercier, j’ai fait un choix. Comme Laure Darcos, je ne l’ai pas fait parce que Marie Mercier appartient au même groupe politique que moi, mais parce qu’elle a fini par me convaincre, tout en respectant pleinement – et sans donner de leçons – ceux qui ont pris des positions différentes et les travaux de la délégation aux droits des femmes et d’Annick Billon.

Je continuerai à être membre de cette délégation, à condition que l’on n’essaye pas de me faire dire ce que je n’ai pas dit.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

La parole est à M. François-Noël Buffet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Ne faisons pas de procès à qui que ce soit en fonction de ce qu’il pense, de ce qu’il dit, voire de l’évolution de ses positions. Tout un chacun dans cet hémicycle a, à un moment ou à un autre, changé d’avis.

La commission des lois a pris une position nouvelle par rapport à la situation existante. Elle a considéré qu’il fallait protéger l’enfant mineur de zéro à dix-huit ans et que la façon la plus simple de le protéger était d’établir une présomption de culpabilité de l’auteur éventuel de l’infraction. Deux options se présentaient : soit une présomption irréfragable, soit une présomption simple. Tout le monde sait que la présomption irréfragable est inacceptable, ne serait-ce que parce qu’elle est interdite. Reste la présomption simple, qui laisse à l’auteur présumé la possibilité de se défendre, de faire valoir ses arguments et de s’exprimer sur la situation qui lui est potentiellement reprochée.

Hors changement de critères de la qualification de viol, tout l’enjeu est de savoir si la victime, au moment où elle a eu ces relations, a eu le discernement nécessaire pour avoir conscience de ce qu’elle faisait.

La solution retenue par la commission des lois présente l’intérêt de laisser au magistrat chargé de l’instruction du dossier, avec l’aide de tous les experts dont il peut s’adjoindre les services, le soin de déterminer si la jeune fille ou le jeune garçon qui a été victime d’agression savait exactement ce qu’il faisait ou en avait conscience. Le magistrat conserve la possibilité assez large de décider de la suite.

La question fondamentale qui se pose est la suivante : faut-il indiquer un âge – treize ans ou quinze ans – et prendre le risque de l’effet de seuil ? Quid de la victime qui a douze ans et neuf mois, treize ans et deux jours ou trois jours ou quatre jours, quatorze ans, etc. ? §La nature même de cette personne ne change pas en quelques semaines, de même que son discernement.

Je comprends bien que ce choix de la commission des lois, parce qu’il est nouveau, ne rassure pas, notamment ceux qui pensent que préciser un âge permet de fixer une barrière, d’établir un critère et qui trouvent cela confortable. Certes, c’est confortable, mais cela ne correspond pas nécessairement à la personnalité de la victime. C’est pour cela que, sur cette question, la commission des lois a adopté cette position.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Comme Marie Mercier, avec sa modestie habituelle, ne le dira pas, je le dis pour elle : elle a beaucoup travaillé.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

La délégation aux droits des femmes a aussi beaucoup travaillé. Au Sénat, on travaille beaucoup !

Le groupe de travail qui a été mis en place par la commission des lois – groupe pluraliste où chacun des groupes politiques était représenté et dans lequel un certain nombre d’entre vous se sont montrés assidus – a accompli un travail considérable en quelques mois. Il a rendu public un rapport d’information de plus de 130 pages, après avoir procédé à l’audition de 64 personnalités – monde associatif, médecins, juristes, représentants des administrations, magistrats, avocats – et à dix déplacements, pour se rendre compte sur place des problématiques. Il a en outre reçu un certain nombre de contributions écrites et dépouillé de nombreux rapports pour essayer de faire la somme de l’état des connaissances dans ce domaine.

Personne ici n’a le monopole du travail ! La quantité de personnes que l’on a rencontrées et le nombre de rapports que l’on a dépouillés ne sauraient devenir une sorte d’argument d’autorité.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie Mercier

Je n’ai jamais dit que nous ne pouvions pas créer une présomption simple à treize ans. Nous ne la souhaitons pas, car cela reviendrait à moins protéger les jeunes âgés de treize à quinze ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie Mercier

Comme l’a dit Mme le garde des sceaux, il existe déjà un seuil à quinze ans.

Pourquoi, monsieur Sueur ? Je vais vous redire ce que nous ont expliqué les magistrats – nous en avons auditionné de très nombreux – et le représentant de la chambre criminelle de la Cour de cassation ; je pense qu’il sait de quoi il parle.

L’introduction d’un seuil d’âge risque d’être interprétée par les juridictions comme une limite, par exemple pour l’application de la notion de contrainte morale. Une telle disposition ferait ainsi courir le risque que les juridictions ne reconnaissent plus l’existence d’une contrainte morale pour les victimes mineures de plus de quinze ou treize ans. L’instauration d’un seuil d’âge instaurerait cette fameuse zone grise quant à la répression pénale de ces comportements, qui pourraient inciter à se reposer exclusivement sur la qualification pénale d’atteinte sexuelle et donc à mobiliser insuffisamment la qualification pénale de viol. Or telle n’est pas l’intention ici.

Aujourd’hui, en raison de la majorité sexuelle fixée à quinze ans, les mineurs de quinze ans bénéficient d’une protection particulière.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie Mercier

Les circonstances aggravantes dépendent également de la minorité de quinze ans. Introduire un deuxième seuil d’âge reviendrait à affaiblir le seuil de quinze ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Affaiblir ? Pourquoi ? Il faut nous expliquer !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

La parole est à M. Patrick Kanner, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Je voudrais vous faire part de mon malaise, qui est d’ailleurs partagé par les membres de mon groupe.

Voilà près de trois heures que nous examinons l’article 2. À ce propos, madame la présidente, vous avez à raison laissé le temps nécessaire pour que le débat soit de qualité, ce qu’il a été.

À l’évidence, nous partageons le même diagnostic, mais divergeons sur la prescription – pardonnez cette image à celui qui n’est pas médecin. Les deux thèses en présence dans l’hémicycle ne se corroborent manifestement pas.

Madame la garde des sceaux, vous avez répondu avec conviction et qualité à l’ensemble des interpellations dont vous avez été l’objet. J’en suis très heureux. Néanmoins, je remarque – cela suscite chez nous une véritable interrogation – que, à plusieurs reprises, les membres de mon groupe ont souhaité connaître la position de la secrétaire d’État qui défend ce texte. J’ai entendu Mme la secrétaire l’État lors de la discussion générale, mais, sauf erreur de ma part, je ne l’ai pas entendue une seule fois dans le débat public.

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Madame la secrétaire d’État, j’ai été à votre place. Lorsque plusieurs ministres portent un texte, ils répondent à tour de rôle pour respecter la représentation nationale, surtout quand elle les interpelle. Cela n’a pas été le cas ce soir sur cet article, qui est sûrement le plus sensible de ce texte.

Je tenais à vous faire partager mon malaise. Il est important que nous puissions vous entendre vous exprimer sur ce sujet qui est le plus important du texte que vous nous soumettez aujourd’hui.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Marlène Schiappa

Monsieur le sénateur, je suis extrêmement surprise par votre intervention.

Mme la garde des sceaux et moi-même portons ce texte toutes les deux. La position de la garde des sceaux est donc la mienne et ma position est la sienne. C’est pourquoi nous nous sommes réparti les réponses, comme nous l’avions fait à l’Assemblée nationale.

Si la garde des sceaux a jusqu’à présent répondu, à partir des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 2, c’est moi qui interviendrai en notre nom à toutes les deux. Rassurez-vous, nous aurons le plaisir de nous retrouver demain, puisqu’il est peu probable que nous achevions l’examen de ce texte ce soir. Par conséquent, je vous dis à demain !

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Je mets aux voix les amendements identiques n° 75 rectifié bis, 86 rectifié et 105.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Union Centriste.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 193 :

Le Sénat n’a pas adopté.

Je mets aux voix les amendements identiques n° 74 rectifié bis et 95 rectifié bis.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Union Centriste.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 194 :

Le Sénat n’a pas adopté.

Madame la garde des sceaux, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il est minuit. Je vous propose de prolonger la séance jusqu’à zéro heure trente, afin de poursuivre plus avant l’examen de ce texte.

Il n’y a pas d’observation ?…

Il en est ainsi décidé.

Je mets aux voix l’amendement n° 104 rectifié.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Je mets aux voix l’amendement n° 24 rectifié bis.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 195 :

Le Sénat n’a pas adopté.

Rappel au règlement

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud de Belenet

M. Arnaud de Belenet. Juste avant la série de scrutins publics, le président du groupe socialiste et républicain a fait un rappel au règlement, auquel Mme la secrétaire d’État a répondu avec une sérénité et une quiétude que j’admire.

Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud de Belenet

Je trouve en effet déconcertant qu’un rappel au règlement puisse n’avoir aucun lien avec le règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud de Belenet

En outre, alors que nous évoquons les violences faites aux femmes – toutes les formes de violence –, il y a une certaine forme d’indécence, …

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Franchement, cela se passerait de la même façon avec un homme !

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud de Belenet

… une secrétaire d’État en exercice, comme cela vient d’être fait.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud de Belenet

J’espère que mon point de vue est partagé sur l’ensemble des travées. J’ai été profondément choqué par les propos du président du groupe socialiste et républicain, je tenais à le dire.

J’apprécierais donc que, à l’avenir, les interventions, surtout celle d’un président de groupe, portent sur le fond et que l’on ne contourne pas la procédure du rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

L’amendement n° 57 rectifié, présenté par Mmes de la Gontrie, Rossignol, Lepage, Blondin et Cartron, M. Courteau, Mmes M. Filleul, Jasmin, Monier, Meunier, Conway-Mouret et Lubin, MM. Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Sutour, Temal et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

… À l’article 222-27, après le mot : « viol », sont insérés les mots : « et l’infraction définie à l’article 222-22-3 du présent code » ;

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

L’amendement n° 56 rectifié, présenté par Mmes de la Gontrie, Rossignol, Lepage, Blondin et Cartron, M. Courteau, Mmes M. Filleul, Jasmin, Monier, Meunier, Conway-Mouret et Lubin, MM. Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Sutour, Temal et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 18

Rétablir le II dans la rédaction suivante :

II. – L’article 227-26 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« … Lorsqu’elle est commise sur la personne d’un mineur de treize ans. »

La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Cet amendement vise à prévoir une circonstance aggravante lorsqu’une atteinte sexuelle est commise sur un mineur de treize ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie Mercier

Avis défavorable.

La création d’une circonstance aggravante au délit d’atteinte sexuelle paraît une bonne idée, mais il ne me semble pas opportun de retenir l’âge de treize ans. L’âge clé dans la protection des mineurs doit rester l’âge de quinze ans. Il ne peut y avoir d’autre seuil d’âge, au risque d’affaiblir le régime actuel de protection des mineurs.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

L’amendement n° 70 rectifié bis, présenté par MM. Poadja, Détraigne et Canevet et Mmes Goy-Chavent, Tetuanui, de la Provôté, Vullien et Guidez, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

… Le premier alinéa de l’article 706-53 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il peut être accompagné, dans les mêmes conditions, par un représentant d’une association conventionnée d’aide aux victimes. »

La parole est à M. Gérard Poadja.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Poadja

Selon le rapport d’information de la commission des lois sur la protection des mineurs victimes d’infractions sexuelles, pour mieux accompagner les victimes, qui peuvent se retrouver démunies devant la complexité des procédures, des associations d’aide aux victimes devraient pouvoir les accompagner à tous les stades de la procédure.

Aujourd’hui, le mineur peut être accompagné de son représentant légal, mais celui-ci peut être concerné par les faits. De plus, le code de procédure pénale prévoit qu’il n’est possible de désigner un administrateur ad hoc que lorsque la protection des intérêts du mineur n’est pas complètement assurée par ses représentants légaux.

Le mineur doit donc recevoir l’aide d’une association entre le dépôt de plainte et l’aboutissement de la procédure.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie Mercier

Mon cher collègue, cet amendement, qui vise à prévoir l’accompagnement des victimes par une association conventionnée d’aide aux victimes, est excellent.

Nous sommes d’accord avec vous, et nous émettons un avis favorable.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Je n’ai pas sur ce sujet le même avis que Mme la rapporteur. J’émets un avis défavorable, non pas sur le fond – cette mesure est tout à fait pertinente –, mais parce qu’il me semble qu’elle ne relève pas du niveau législatif. Il s’agit d’une pratique qu’il n’y a pas lieu d’inscrire dans la loi.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

L’amendement n° 71 rectifié, présenté par MM. Poadja, Détraigne et Canevet et Mmes Goy-Chavent, Guidez, Tetuanui, de la Provôté et Vullien, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

… Avant le dernier alinéa de l’article 706-53-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation au précédent alinéa, lorsque la décision concerne les délits prévus aux 4° et 13° de l’article 706-47 précité, celle-ci est inscrite automatiquement, quelle que soit sa durée. »

La parole est à M. Gérard Poadja.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Poadja

Cet amendement vise à systématiser l’inscription au fichier judiciaire automatisé des auteurs d’atteinte sexuelle et d’agression sexuelle. Ce fichier de sûreté contient les identités et les adresses des auteurs d’infractions sexuelles sur mineurs ou de crimes violents. Il permet aux forces de l’ordre de localiser rapidement ces individus et facilite les enquêtes.

À ce jour, l’auteur d’une atteinte sexuelle ou d’une agression sexuelle n’est pas automatiquement inscrit dans ce fichier, contrairement aux auteurs de viol puisque les délits punis d’une peine d’emprisonnement inférieure à cinq ans échappent à l’automaticité de l’inscription.

L’inscription ou non dans ce fichier relève de la décision d’un juge. Je tiens à rappeler ici que je ne remets nullement en cause la capacité d’un juge à décider d’une telle mesure. Cependant, il n’est pas acceptable que des personnes condamnées pour de telles infractions ne soient pas référencées afin de pouvoir prévenir de tristes récidives.

Chaque année, près de 62 000 femmes déclarent avoir été victimes de viol en France, ce qui représente 44 % des crimes commis. Le taux de récidive en 2017 était de 5 % pour les crimes de viol et de 23 % pour les délits sexuels.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie Mercier

Cet amendement vise à prévoir l’inscription automatique des délits d’agression sexuelle et d’atteinte sexuelle au motif que, contrairement aux viols, ces délits ne feraient pas l’objet d’une inscription automatique.

Cette interprétation est fausse : l’avant-dernier alinéa de l’article 706-53-2 prévoit bien que seuls les délits punis d’une peine inférieure à cinq ans d’emprisonnement ne font pas l’objet d’une inscription, sauf décision contraire de la juridiction. Or les délits d’atteinte sexuelle et d’agression sexuelle sont aujourd’hui passibles d’une peine d’au moins cinq ans d’emprisonnement, qui passera à sept ans après l’adoption du présent projet de loi. Il n’y a donc aucune faille juridique : actuellement, l’enregistrement dans le fichier des délinquants auteurs d’agressions sexuelles est le même que pour les violeurs.

De surcroît, il n’est pas possible de prévoir une inscription automatique sans également permettre à la juridiction de prendre une décision contraire spécialement motivée. Une telle mesure serait contraire au principe constitutionnel d’individualisation des peines.

Je vous prie donc, mon cher collègue, de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, nous émettrons un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

L’amendement n° 71 rectifié est retiré.

La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Je ne voterai pas l’article 2, car il n’est pas conforme à la promesse faite par le Président de la République, le texte ayant été vidé de toute substance à la suite de l’avis du Conseil d’État. Malgré cet avis, le Gouvernement a souhaité faire un texte, tout comme la commission, mais il n’est pas satisfaisant.

De notre côté, nous avons travaillé afin de trouver une solution pour mettre en œuvre la promesse du Président de la République. Je ne le ferai pas tous les jours… Or je constate aujourd’hui que cette loi est vidée de son sens.

Mme Meunier aura certes la satisfaction de voir qu’on s’achemine lentement, très lentement, vers l’imprescriptibilité, mais le fait est que nous ne protégerons pas les mineurs contre les prédateurs et que nous ne répondrons en rien aux attentes des Français, contrairement à la promesse qu’avait faite le Président de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Il est extrêmement navrant d’en arriver là, à l’issue d’un long débat, au cours duquel chacun a fait part de ses arguments. Le texte manque en effet de clarté. Le message envoyé n’est pas lisible. L’article 2 ne permet pas de mettre en œuvre les engagements qui ont été pris de protéger les mineurs, engagements auxquels nous adhérons tous pourtant.

L’argument qui nous a été opposé tout au long de nos débats, selon lequel la création d’un délit spécifique pour les mineurs de treize ans ne permettrait pas de protéger les mineurs plus âgés et entrerait en contradiction complète avec ce qui existe dans le code pénal, n’est pas du tout satisfaisant. Si la cause de ce blocage avait réellement été celle-là, nous aurions pu fixer ce seuil à quinze ans.

En outre, nous avons totalement occulté de notre réflexion le fait que nos voisins européens ont, eux, adopté un seuil.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Je n’entrerai pas dans le détail à cette heure tardive, mais il est curieux que personne n’en ait parlé, même pas Mme la garde des sceaux ou Mme la secrétaire d’État. Or, que je sache, ce seuil n’a pas déclenché des choses terribles dans les pays voisins.

Ce texte, qui devait protéger davantage les mineurs, va décevoir les associations de protection de l’enfance et celles qui se battent pour les droits des femmes.

Nous ne voterons pas cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour explication de vote sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud de Belenet

À l’instar de notre collègue Bigot, je ne voterai pas cet article, mais pour des raisons bien différentes.

Plusieurs d’entre nous ont souligné la clarté et la cohérence de l’argumentation de la garde des sceaux lors de la présentation des amendements n° 129 et 130, qui visaient à revenir au texte du Gouvernement. Le projet de loi initial permettait en effet d’atteindre un certain nombre d’objectifs de manière immédiatement opérationnelle. Las, nos débats nous ont conduits à adopter d’autres positions. Je regrette que le texte initial ait été dénaturé, ce qui lui fait perdre de l’efficacité et de la cohérence.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Mme Annick Billon. Je ne voterai pas cet article, qui constitue un recul évident par rapport aux annonces faites en novembre dernier par M. le Président de la République et par Mme la secrétaire d’État. Je pense que la protection des mineurs n’y gagne rien.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Cet article sonne le glas de tous les espoirs d’un renforcement de la lutte contre les violences sexuelles commises à l’encontre des mineurs que nous avions pu placer dans ce projet de loi. Nous nous sommes efforcés d’améliorer ce texte, mais cela n’a pas été possible ; par cohérence, nous allons donc devoir nous y opposer.

Pour autant, que faire pour sauver ce qui peut l’être encore ? Je ne sais pas. Nous nous prononcerons demain sur des mesures qui, pour certaines, sont intéressantes, mais qui ne sont pas à la hauteur de ce que nous espérions. Peut-être parviendrons-nous, à l’occasion de l’examen d’un futur texte, à instaurer un dispositif législatif robuste pour protéger les enfants victimes d’agressions sexuelles…

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

Au-delà de la difficulté, de la complexité du sujet, une espérance a été suscitée, celle de la sacralisation de l’enfance, tant attendue, et de l’affirmation d’un interdit. Des annonces ont donné à penser qu’un seuil d’âge pourrait être instauré. Les médias et l’opinion publique se sont enflammés.

La rapporteur, Mme Marie Mercier, a exposé avec rigueur et humanité, en se fondant sur son expérience professionnelle, le chemin parcouru par le groupe de travail et sa volonté d’agir. Je respecte le sentiment de désillusion éprouvé par certains, mais je suis convaincue pour ma part que ce dispositif permettra de renforcer la protection de tous les mineurs, notamment en instaurant une présomption simple et en allongeant le délai de prescription. On ne peut donc pas dire que rien n’est fait. Je voterai l’article 2.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Comme l’ensemble des membres du groupe Les Républicains, je voterai l’article 2, bien qu’ayant déposé avec mon collègue Alain Houpert, en octobre 2017, une proposition de loi visant à fixer un seuil d’âge à quinze ans.

Le groupe de travail installé par la commission des lois a accompli une œuvre considérable, d’une grande intelligence. Je tiens à cet égard à féliciter Marie Mercier. Au vu des explications apportées tant par Mme la rapporteur que par M. le président de la commission des lois, empreintes d’humanité et de savoir juridique, j’estime que ce dispositif permettra de protéger encore mieux les enfants. Je voterai donc cet article sans états d’âme.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

La parole est à Mme Annie Guillemot, pour explication de vote sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Guillemot

À l’entame de ce débat, Mme la secrétaire d’État nous avait annoncé une grande loi citoyenne, en saluant le rôle du Sénat et le bicamérisme et en citant Simone Veil : « Il suffit d’écouter les femmes. » Mais la montagne va accoucher d’une souris. Nous ne voterons pas cet article.

Je voudrais mettre en lumière les travaux de la délégation des droits des femmes et de l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Nous aimerions entendre la secrétaire d’État sur la réforme constitutionnelle, car dans deux ans le Sénat comptera d’un tiers à 40 % de femmes en moins…

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Je ne partage pas le sentiment de pessimisme exprimé par certains d’entre vous. Ma collègue Marlène Schiappa et moi-même portons ensemble ce texte, monsieur Kanner, et pouvons en parler indifféremment l’une et l’autre.

Malgré toutes les itérations que nous y apportons, au fil de débats aussi sensibles qu’intelligents et complexes, ce projet de loi reste un texte de progrès : il n’y a pas de recul par rapport à ce qu’a voulu le Président de la République. C’est aussi un texte de clarification : il y aura un seuil d’âge unique, fixé à quinze ans, une définition du viol unique, une preuve des éléments constitutifs du viol considérablement clarifiée et facilitée pour les mineurs de quinze ans, ce qui permettra la criminalisation par le juge de ces viols, une seule infraction poursuivie – le crime de viol –, comme nous le voulions, et un seul juge saisi, le juge criminel. La cour d’assises ou le tribunal criminel départemental sera guidé par les travaux préparatoires de la loi ; le juge s’y réfère souvent, madame Cohen ! Le juge criminel, comme ce doit toujours être le cas en matière pénale, conservera un pouvoir d’individualisation de la peine.

Très grande clarification, très grande fermeté, très grande facilitation de l’incrimination du viol en tant que crime : avec ce texte, l’interdit des relations sexuelles sur mineurs est affirmé avec force, conformément à notre volonté unanime de défendre les mineurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie Mercier

Je vous remercie de la qualité de nos débats, mes chers collègues. Notre objectif à tous était de renforcer la protection des mineurs. On ne peut pas prétendre que l’article 2 n’a pas permis d’avancées : en particulier, les fellations forcées sont maintenant vraiment qualifiées de viols. En conscience, je pense sincèrement que nous avons fait de notre mieux pour protéger tous les mineurs et, surtout, pour assurer qu’ils soient respectés.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Je mets aux voix l’article 2, modifié.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 196 :

Le Sénat a adopté.

Mes chers collègues, nous avons examiné 36 amendements au cours de la journée ; il en reste 73.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 5 juillet 2018 :

À dix-heures trente :

Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes (487, 2017-2018) ;

Rapport de Mme Marie Mercier, fait au nom de la commission des lois (589, 2017-2018) ;

Rapport d’information de Mmes Annick Billon, Laurence Cohen, Laure Darcos, Françoise Laborde, Noëlle Rauscent et Laurence Rossignol, fait au nom de la délégation aux droits des femmes (574, 2017-2018) ;

Texte de la commission (n° 590, 2017-2018).

À quinze heures : questions d’actualité au Gouvernement.

À seize heures quinze et, éventuellement, le soir :

Éventuellement, suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée le jeudi 5 juillet 2018, à zéro heure trente-cinq.

Le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la commission des lois.

Aucune opposition ne s ’ étant manifestée dans le délai par l ’ article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Vincent Segouin est membre de la commission des lois.