Intervention de Jacques Bigot

Réunion du 4 juillet 2018 à 21h45
Lutte contre les violences sexuelles et sexistes — Article 2

Photo de Jacques BigotJacques Bigot :

Je partage le sentiment de confusion exprimé par ma collègue.

Madame la garde de sceaux, madame la secrétaire d’État, le Président de la République, le 25 novembre dernier, au cours d’un discours sur la lutte contre les violences faites aux femmes, indiquait, justement à propos des affaires que l’on a citées : « Je veux ici vous donner une conviction personnelle : nous devrions sans doute aligner sur l’âge de la majorité sexuelle, fixée dans le droit à quinze ans, par souci de cohérence et de protection des mineurs, cette présomption. » La présomption de consentement ne peut pas s’appliquer de façon aussi floue lorsqu’il y a bien eu une relation sexuelle entre un mineur et un adulte, expliquait-il.

Voilà ce que nous devons rechercher. Or vous n’y arrivez pas, et vous oubliez complètement que, devant la cour d’assises, c’est l’intime conviction qui est importante, et non pas la motivation juridique. Les questions qui ont été évoquées devant les assises et qui ont notamment abouti à des acquittements concernent précisément la notion d’intime conviction. Je comprends maintenant pourquoi vous envisagez dans le projet de loi sur la justice la création d’une juridiction criminelle composée uniquement de magistrats, et non plus de jurés populaires. On commence à en deviner éventuellement l’intérêt. Mais, juridiquement, je me demande vraiment ce que nous apportons encore par rapport à la promesse faite.

Je dirai la même chose à M. le président Bas et à Mme la rapporteur : quelle que soit la rédaction, on va être dans une complexité… Monsieur le président, vous dites qu’il faut faire confiance au juge. Mais les juges seront des jurés populaires et les procureurs préféreront alors, à un moment donné, face à des magistrats professionnels, s’assurer d’une condamnation, même à cinq ans d’emprisonnement, le maximum encouru pour une atteinte sexuelle – c’est ce qui s’est passé dans l’Essonne –, plutôt que de risquer un acquittement. Vous allez soumettre l’enfant mineur à des débats qui ajouteront à l’agression sexuelle une agression judiciaire, ce qui sera dramatique.

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