Intervention de Victorin Lurel

Réunion du 12 juillet 2018 à 14h45
Contrôles et sanctions en matière de concurrence en polynésie française — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Victorin LurelVictorin Lurel :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, je remplace mon collègue Jean-Pierre Sueur. Je ne serai ici que son ombre portée, son porte-parole…

Pour bien connaître ces problématiques, je puis dire qu’il s’agit d’un bon texte, que nous voterons sans difficulté. Il a été très largement et significativement amélioré par les deux chambres, en particulier par le Sénat. La commission mixte paritaire est parvenue à un bon accord et à un texte équilibré. Je félicite Catherine Troendlé pour le travail réalisé.

Je me bornerai à formuler trois observations.

La première porte sur nos conditions de travail, assez détestables. L’ordre du jour de cette session extraordinaire est particulièrement lourd. Il comporte l’examen de textes très importants. Nous finirons par mourir d’une thrombose parlementaire ! Il est heureux que l’article 47 ter de notre règlement prévoie une procédure de législation en commission, qui nous a permis d’aboutir à un texte de qualité. Par ailleurs, l’ordonnance ayant été prise sur le fondement de l’article 74-1 de la Constitution, le Parlement n’a pas à délivrer d’habilitation au Gouvernement et l’ordonnance devra avoir été ratifiée dans les dix-huit mois suivant sa publication, sous peine d’être frappée de caducité. Or nous sommes à quelques jours de l’échéance.

Ma deuxième observation concerne le décret d’application de l’ordonnance, dont votre collègue Olivier Dussopt nous avait promis en mars dernier la parution très rapide, madame la ministre. Or nous sommes maintenant au mois de juillet, et nous attendons toujours ce décret d’application… Ce retard est regrettable.

Ma troisième observation a trait à un point plus délicat. Sans m’immiscer dans l’autonomie dont bénéficie et que pratique l’Assemblée de la Polynésie française, je voudrais faire remarquer qu’une loi du pays adoptée très récemment, en mars 2018, réduit les pouvoirs et les compétences de l’Autorité polynésienne de la concurrence. Il est heureux, à mon sens, qu’un droit de clémence ait été institué dans un pays insulaire à l’économie de taille réduite. En revanche, supprimer un dispositif tel que le pouvoir d’injonction structurelle est sans doute moins heureux. On sait le combat parlementaire et juridique que nous avons dû conduire, notamment à l’égard du Conseil constitutionnel, pour le faire admettre. De quoi s’agit-il ? Même s’il n’y a pas abus de position dominante, lorsqu’il y a fonctionnement irrégulier ou dysfonctionnement d’un marché, sans pour autant qu’il y ait infraction ou pratique anticoncurrentielle, l’autorité de la concurrence peut prononcer des injonctions structurelles sur le fondement de préoccupations de concurrence.

La loi du pays en question supprime également l’interdiction d’exclusivité de distribution et d’importation. Or on sait les conséquences que peut avoir en termes de marges et de vie chère, dans une économie de taille réduite, la création d’un monopole ou d’un duopole. Peut-être existe-t-il une analyse préalable que l’Assemblée de la Polynésie française ne nous a pas communiquée ? Il serait important de savoir s’il s’agit d’une opposition politique, économique ou peut-être idéologique à cette interdiction.

Je rappelle très rapidement l’historique. En 2011, Bertrand Delanoë, maire de Paris à l’époque, avait échoué à légiférer sur les surfaces commerciales dans le domaine de la distribution alimentaire. En 2012, nous avons repris son idée et sommes parvenus à nos fins en limitant strictement le champ de la mesure aux produits alimentaires. Trois ans plus tard, Emmanuel Macron, alors ministre, est venu me voir pour savoir comment j’avais pu obtenir un tel résultat et faire tomber les objections du Conseil constitutionnel. Je lui ai répondu qu’il ne fallait pas prendre de dispositions trop générales.

Dans son rapport, notre collègue Catherine Troendlé affirme que le mécanisme d’injonction structurelle portait une atteinte disproportionnée au droit de propriété. Je le comprends d’autant mieux que c’est précisément l’écueil qu’il convenait absolument d’éviter. En réalité, il fallait cantonner le champ du dispositif à un nombre strictement limité de produits et ne pas généraliser son application. C’est faute d’avoir respecté ce principe que la loi Macron a été en partie censurée par le Conseil constitutionnel.

Enfin, cette loi du pays n’a pas encore subi le contrôle du Conseil d’État. Si, demain, elle devait être censurée partiellement, nous serions peut-être appelés à statuer de nouveau.

Telles sont les quelques remarques que je tenais à formuler. Je le redis, il s’agit d’un bon texte, que les membres du groupe socialiste et républicain voteront.

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