Intervention de Jean-Luc Fichet

Réunion du 20 janvier 2009 à 16h00
Abrogation de la loi instituant un droit d'accueil à l'école — Adoption des conclusions du rapport d'une commission rejetant une proposition de loi

Photo de Jean-Luc FichetJean-Luc Fichet :

Bernard Poignant, le maire de Quimper, m’a également fait part de ses difficultés dans un courrier du 1er décembre dernier où il écrivait ceci : « Dans un esprit républicain, et avec la meilleure volonté du monde, malgré un travail acharné des services de la ville de Quimper, et sans revenir sur l’esprit de cette loi, mais en s’attachant aux seules modalités techniques, il est tout bonnement impossible de la mettre en œuvre. » Et Quimper n’est pourtant pas une commune rurale !

Ces revendications sont relayées par le président de l’Association des maires de France lui-même. Dans un courrier qui vous a été adressé, monsieur le ministre, Jacques Pélissard écrit : « Il ressort globalement des remontées du terrain un sentiment de pagaille que j’ai le devoir de vous rapporter. »

Les huées qui ont accueilli le Gouvernement au dernier congrès des maires montrent le « ras-le-bol », mais aussi la colère des élus locaux.

Le service minimum d’accueil est une remise en cause du droit de grève, pourtant fondamental et garanti depuis 1864. Le droit de grève est reconnu par la Constitution au même titre que le service public. Vous ne pouvez pas les opposer ainsi, en faisant fi de l’un au profit de l’autre. Mais vous en avez décidé autrement, balayant du revers de la main toute contestation comme tout droit. Qu’importent les complications, les communes doivent courber le dos, car telle est la volonté du Gouvernement !

Doit-on faire subir aux collectivités locales les conséquences d’un dialogue social défaillant entre l’État et ses fonctionnaires ? Les communes n’ont pas été interrogées sur la pertinence de ce dispositif et encore moins associées à la réflexion en amont. Alors, de grâce, ne leur demandez pas aujourd’hui d’assumer les réparations de tous ces manquements !

Monsieur le ministre, vous devriez tout mettre en œuvre pour éviter les causes des grèves, dialoguer plutôt que chercher à contrer ces mouvements et cesser de décréter l’état d’urgence permanent quant à la nécessité de légiférer. Le temps est notre maître. Il est utile, incontournable même, pour prendre les bonnes mesures et éviter les conflits que nous connaissons aujourd’hui entre le ministre de l’éducation nationale et les enseignants.

Par ailleurs, cette loi sur le service minimum d’accueil est une fois de plus le signe notable d’une volonté de désengagement de l’État, et ce à double titre.

Il s’agit d’abord d’un désengagement vis-à-vis de la mission de service public de l’éducation, et je veux, à cet égard, insister sur un paradoxe : ce système est mis en œuvre au nom de la continuité du service public, mais il met à mal le service public de l’éducation. D’ailleurs, il n’est plus question d’éducation, mais bien d’accueil ! Or l’école n’est pas une gare et les élèves ne sont pas des usagers. La continuité du service public que nous vend le Gouvernement n’est donc pas celle du service public d’enseignement.

Il est indigne de vouloir faire croire aux parents que les enfants pourront continuer à apprendre lors des grèves, par la seule intervention divine du service minimum d’accueil. Les enseignants seront remplacés par un personnel qui n’a pas la vocation et encore moins la capacité à enseigner. De là à ce qu’on renomme le ministère de l’éducation nationale ministère de la garderie communale, il n’y a qu’un pas ! Pour ma part, je ne le franchirai pas, car j’estime que les professeurs des écoles doivent garder toute leur place dans le système éducatif.

Le désengagement s’inscrit aussi dans votre volonté de ne pas assumer l’intégralité de la charge financière du dispositif. La loi est très floue sur ce point et les premiers financements ne sont pas à la hauteur des dépenses réelles des communes.

L’État apporte des contributions qui sont insuffisantes et ne permettent pas d’offrir l’encadrement nécessaire aux élèves. Je ne reviendrai pas sur les grandes difficultés budgétaires que l’État rencontre actuellement, mais il faut certainement voir un lien de cause à effet entre ces deux phénomènes.

En tout cas, une nouvelle fois, le Gouvernement se défausse très clairement de sa charge sur les communes et ce transfert se fait sans prise en compte des réalités juridiques et sans évaluation du coût réel. Les collectivités locales ne peuvent pas prendre en charge, à elles seules, les conséquences d’une politique budgétaire irresponsable !

Cette loi est démagogique et inapplicable, qu’il s’agisse des communes rurales ou des communes urbaines !

Les réalités et diversités locales sont totalement oubliées. L’Association des maires de France estime d’ailleurs que, sur les 22 500 communes possédant une école publique du premier degré, 20 000 ne sont pas en mesure d’assurer ce service d’accueil. Elles n’ont pas toujours les équipes nécessaires, sachant que la loi ne précise ni les qualifications du personnel ni le taux d’encadrement exigé. C’est d’ailleurs l’un des rares cas de figure dans lesquels la législation est si peu rigoureuse en matière d’encadrement de jeunes enfants par du personnel non enseignant.

Qu’en est-il effectivement de la sécurité des enfants ? Cet accueil engage la responsabilité des encadrants, fussent-ils occasionnels. Peut-on leur imposer d’exercer la plus grande vigilance, nécessaire dans ce cas, de tenir à jour les registres de présence obligatoire et d’assumer leur pleine responsabilité en matière de sécurité ?

Les besoins spécifiques de chaque enfant ne sont pas non plus pris en compte. Or un enfant de quatre ans ne nécessite pas la même attention qu’un enfant de dix ans.

En outre, en cas de grève conjointe du personnel communal et des enseignants, qu’advient-il du dispositif? Le recrutement au petit bonheur la chance parmi les administrés volontaires…

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