Intervention de Michel Charasse

Réunion du 20 janvier 2009 à 16h00
Abrogation de la loi instituant un droit d'accueil à l'école — Vote sur les conclusions du rapport de la commission

Photo de Michel CharasseMichel Charasse :

… quand on n’a pas décidé de ne pas les appliquer le jour même où on les promulguait, comme cela s’est produit, n’est-ce pas, il n’y a pas si longtemps. Tout cela n’ajoute pas vraiment à la dignité du Parlement et du législateur, tout cela n’est pas très glorieux pour la notion de loi et pour la volonté nationale, mais passons !

Par conséquent, cela arrive tous les jours, et il n’est pas rare que, deux ou trois mois après le vote d’un texte, on abroge une de ses dispositions parce qu’elle est mal conçue, qu’elle n’est pas applicable, etc. Je me souviens, entre autres, de la loi sur le minitel rose, qu’on n’a jamais pu appliquer. Je me souviens aussi de ce qu’on avait appelé la « taxe conjoncturelle », surnommée la « serisette », du nom de M. Serisé, conseiller du président Giscard d’Estaing. Et je pourrais citer beaucoup d’autres exemples.

Par conséquent, c’est un outrage à la République et à la loi de dire « je ne l’appliquerai pas », mais non de dire « elle est mal faite et il faut la revoir ». Mes chers collègues, ce n’est quand même pas être contre la République que de constater qu’une loi ne correspond pas à la réalité pratique !

Permettez-moi de vous le dire, je sais ce que le Président de la République a fait au congrès des maires – je n’étais pas le seul sénateur présent – sans que personne ne se lève dans la salle pour lancer : « Mais quelle atteinte au sacré et à l’autorité de la loi ! » Or il a dit clairement que, de son point de vue, il y avait une distinction à faire. On peut juger que ce n’est pas assez, mais il a en tout cas reconnu qu’il fallait distinguer entre la situation des villes, c’est-à-dire des collectivités dans lesquelles on considère malheureusement trop souvent, et à tort, que l’école est avant tout une garderie familiale – ce que suggère la loi dont il est question ici, raison pour laquelle je ne l’ai pas votée –, et les communes rurales, où, lorsqu’il n’y a pas classe pour une raison ou pour une autre, on n’envoie pas les gamins à l’école parce qu’on a une autre manière de voir les choses.

Monsieur le ministre, je pensais naïvement qu’après le congrès des maires le Gouvernement, à partir du constat qu’avait fait le Président de la République, nous proposerait une modulation, qui paraît inévitable, entre villes et campagnes, même si certains peuvent préférer l’abrogation pure et simple du dispositif.

Cher Xavier Darcos, tout à l’heure, à la tribune, vous avez affirmé que « cela introduirait une rupture du principe d’égalité ». Pas du tout ! Depuis les années soixante, et avec une belle constance, le Conseil constitutionnel, que l’on a beaucoup invoqué ici, a une position très simple : on doit traiter d’une façon égalitaire les gens qui sont exactement dans la même situation. Or habiter une ville de deux ou trois millions d’habitants, comme Paris, et habiter un village de trois cents habitants, permettez-moi de vous le dire, cher ami, ce n’est pas tout à fait la même chose ! Par conséquent, il me paraît difficile de considérer que le principe d’égalité serait mis à bas par une distinction entre grandes et petites communes, distinction qui existe déjà dans un certain nombre de textes.

Avec plusieurs collègues qui, comme Pierre-Yves Collombat, étaient avec moi au congrès des maires, je nourrissais quelque espoir, après les déclarations du Président de la République, de voir proposer une solution favorable au moins pour les toutes petites communes.

Dès lors, mes chers collègues, qu’on ne nous propose pas cette modulation que j’attendais, et qu’elle ne figure pas non plus, monsieur le ministre, dans votre circulaire adressée aux inspecteurs d’académie et aux préfets, et dont vous avez, vendredi ou samedi dernier, révélé la teneur aux présidents d’associations départementales des maires, aucune distinction n’est faite entre villes et campagnes, entre villes et petites communes, étant entendu que le Président de la République n’a pas fixé de seuil et qu’on peut donc toujours en discuter indéfiniment.

Bref, aucune des instructions que vous avez adressées ne permet de penser que les petites communes seront dispensées de mettre en œuvre une loi qui, pour des raisons pratiques – ce n’est pas un problème de dogme, de théorie, de clivage gauche-droite, de conception du service public – ne peut pas l’être.

Pour ma part, je ne sais pas, dans une commune de trois cents ou quatre cents habitants, où les services communaux se résument à un secrétaire de mairie, un cantonnier et un garde champêtre, à qui on peut faire appel pour garder les enfants le jour où les enseignants ne sont pas là !

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