Intervention de Pierre Bernard-Reymond

Réunion du 20 janvier 2009 à 22h00
Enseignements de la présidence française de l'union européenne — Discussion d'une question orale européenne avec débat

Photo de Pierre Bernard-ReymondPierre Bernard-Reymond :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la présidence française de l’Union qui vient de s’achever apparaît comme la plus dense, la plus dynamique et la plus réussie de toutes celles que l’Europe a connues. Ce jugement n’est pas frappé du sceau de l’arrogance française ; il est, au contraire, partagé par la plupart de nos partenaires.

La difficulté des défis qui se sont présentés, l’excellente préparation des dossiers sectoriels, le grand professionnalisme de nos hauts fonctionnaires, mais surtout la clairvoyance, la volonté et l’habileté du Président de la République ont permis de faire avancer l’Europe dans bien des domaines et de la faire apparaître comme un acteur majeur de la vie internationale.

La crise russo-géorgienne, si elle n’avait pas été maîtrisée, aurait pu avoir des conséquences incalculables pour notre continent et ressusciter pour longtemps la guerre froide. Tout n’est pas réglé, mais l’Europe a adressé les deux messages qui convenaient à la Russie : l’Europe ne peut pas transiger avec la liberté des peuples, mais, dans le même temps, elle offre à ce grand pays les perspectives d’un partenariat de paix et de prospérité de l’Atlantique à l’Asie.

Certes, le chemin sera long pour amener progressivement la Russie à comprendre que plus de liberté et plus de démocratie chez elle lui apporteront plus de poids et de considération dans le monde.

De notre côté, il nous faudra également du temps pour aider les anciennes républiques soviétiques à dépasser les craintes et les réflexes qu’elles ont acquis sous le joug de l’Union soviétique, afin d’ouvrir une ère nouvelle de coopération sur l’ensemble du continent eurasiatique.

Cependant, la manière très énergique et très équilibrée avec laquelle le Président de la République a traité cette crise autorise tous les espoirs.

Le deuxième grand dossier de la présidence française fut évidemment le passage brutal de la crise financière à la crise économique. Ce moment crucial réclamait une réaction rapide et de grande ampleur. Il en fut ainsi. Il fallait des mesures immédiates et des résolutions à long terme.

S'agissant des premières, on peut regretter que l’intégration économique de l’Europe ne soit pas arrivée à un stade suffisant pour que la réponse soit essentiellement communautaire. Chaque pays a voulu adapter sa réponse à ses efforts passés, à ses capacités, à sa culture économique. Pour autant, les 11 et 12 décembre derniers, l’Union européenne, pressée par la présidence, a tout de même mis en place des éléments de relance importants, qui s’ajoutent aux politiques nationales et qui démontrent un plus grand souci de cohésion.

Les perspectives à long terme sont encore plus importantes et lourdes de sens. Il s’agit, d’une part, de mieux réguler et de moraliser davantage l’économie mondiale, et, d’autre part, d’associer désormais les grandes nations émergentes aux décisions importantes. Souhaitons à ce propos que le G 20 convoqué à Londres le 2 avril soit à la hauteur des enjeux et de sa nouvelle représentativité.

Ces deux éléments peuvent et doivent changer la face de la mondialisation. Les solutions existent ; elles sont connues, mais il faudra une énergie extraordinaire, un grand courage et beaucoup de solidarité pour parvenir à nos fins.

La troisième action porteuse d’avenir réside dans la relance du processus du traité de Lisbonne, stoppé trois semaines avant le début de la présidence française par le référendum irlandais. Certes, nous eussions préféré avoir à mettre en œuvre ce traité, mais les Français sont mal placés pour critiquer les résultats d’un référendum en Europe ! Le compromis qui a été proposé par la présidence française et adopté par le Conseil nous laisse entrevoir une issue à cette crise, pour peu que nous laissions un peu de temps au temps.

En matière institutionnelle, on pourrait être tenté de considérer, au terme de cette présidence, que la qualité des présidences peut s’exprimer avec des institutions inachevées et que les hommes comptent plus que les institutions, mais les dispositions du traité de Lisbonne sont néanmoins indispensables pour les inévitables périodes de croisière ou de doute que connaîtra encore l’Union européenne demain.

Enfin, l’Union pour la Méditerranée est lancée. Il est bon qu’elle ait gardé son caractère communautaire. Il s’agit d’un objectif très difficile à atteindre et extrêmement ambitieux, mais si le succès est au bout du chemin, ce processus sera porteur de paix, de prospérité et de justice. Il revêtira un caractère exemplaire pour le dialogue Nord-Sud et contribuera, espérons-le, à ce qu’une solution puisse enfin être trouvée au Proche-Orient.

Tels sont, me semble-t-il, les grands dossiers qui vont déterminer dans une large mesure le destin de l’Europe. Chacun d’eux a été traité avec beaucoup d’intelligence et de force. Les germes du progrès sont là : espérons que la conjoncture internationale, l’action des futures présidences et, surtout, la sagesse des hommes permettront leur épanouissement et leur réussite.

Si l’Europe a pu parvenir à de tels résultats et apparaître plus présente que jamais sur la scène internationale, cela est dû à l’énergie d’un homme, le Président de la République française.

Cela est également dû au fait qu’une question institutionnelle lancinante est désormais tranchée. C’est à partir du Conseil européen, et non de la Commission, que se construit le pouvoir exécutif communautaire. Cette question a longtemps fait débat en Europe, mais il ne pouvait pas en être autrement.

Dans le même temps, le Président a bien compris que c’est en respectant la Commission, en acceptant son rôle et en entretenant les meilleures relations avec son président que les institutions atteignent leur efficacité maximale. La guérilla institutionnelle appartient au passé, avant même l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Cela est également à mettre au crédit de la présidence française.

Cette atmosphère positive a permis de faire avancer des dossiers préparés de longue date, qui ont trouvé une traduction concrète sous l’impulsion de la France.

Le bilan de santé de la politique agricole commune, la politique d’immigration, la lutte contre le changement climatique et les progrès obtenus en matière de sécurité et de défense sont autant de pierres apportées par la France à l’édifice européen.

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche, qui avait rendu visite à chacun de ses homologues avant la présidence française, a conduit avec beaucoup d’expertise et de finesse les négociations sur le bilan de la politique agricole commune et les réflexions sur l’évolution de celle-ci.

L’accord du 20 novembre, tout en prenant en compte les évolutions nécessaires, préserve les intérêts français, qui ne sont pas minces en la matière.

Le maintien de l’intervention, un encadrement programmé de la sortie des quotas laitiers, la possibilité de maintenir le couplage pour certaines productions, l’amélioration des dispositifs de couverture des risques climatiques et sanitaires, une plus grande souplesse dans la réorientation possible des aides et, enfin, la limitation du transfert vers le second pilier sont autant d’objectifs atteints, qui rassureront nos agriculteurs tout en prenant en compte la nécessaire évolution de la PAC au-delà de 2013.

La présidence française présente également un bilan très solide en matière d’immigration.

Avant cette présidence, beaucoup de Françaises et de Français avaient le sentiment que la politique française d’immigration était isolée en Europe. Le ministre Brice Hortefeux a démontré le contraire : les fondamentaux de cette politique sont désormais partagés par nos vingt-six partenaires.

Le pacte européen sur l’immigration, préparé à Cannes et conclu à Bruxelles, la politique d’intégration entérinée à Vichy, l’établissement des bases d’une politique contractualisée avec les pays d’origine, réalisé à Paris et d’ores et déjà concrétisé par la signature de sept accords, constituent désormais les fondements de la politique européenne d’immigration, d’intégration et de coopération pour la prochaine décennie.

En matière de lutte contre le changement climatique, cinq directives et un règlement constituant le paquet « énergie-climat » proposé au début de l’année dernière par la Commission ont pu être adoptés les 11 et 12 décembre derniers par le Conseil européen et approuvés par le Parlement.

Moins d’une année pour parvenir à un tel résultat : cela relève de la performance. Les situations très différentes qui prévalent dans les vingt-sept pays pouvaient laisser craindre l’échec. La solidarité entre États membres a permis de transcender les difficultés.

Un plan d’action opérationnel va pouvoir être mis en place, tendant, à l’horizon 2020, à diminuer d’au moins 20 % les émissions de gaz à effet de serre, à améliorer de 20 % l’efficacité énergétique et à recourir dans une proportion de 20 % aux énergies renouvelables. L’Europe se place ainsi en tête du mouvement pour la transition écologique et énergétique.

Par ailleurs, la France avait annoncé qu’elle entendait dynamiser la politique de défense européenne. Plusieurs initiatives à cette fin ont été lancées pendant sa présidence et leur mise en œuvre a été accélérée.

Nous pouvons donc être fiers et très satisfaits de la façon dont le Président de la République a conduit cette présidence et des résultats qu’il a obtenus.

À cette occasion, nous mesurons les formidables chances que l’Europe offre pour le rayonnement dans le monde d’un pays comme le nôtre. Les eurosceptiques devraient y réfléchir.

En retour, l’Europe bien conduite mesure la place qu’elle est capable d’occuper dans la vie internationale pour peu qu’elle soit unie. Cette présidence a démontré, s’il en était besoin, que l’Europe ne peut être que politique. Que les partisans d’une Europe qui ne serait qu’un simple espace économique y réfléchissent.

Que serions-nous aujourd’hui face à la crise, sans l’euro ? Que ceux qui n’ont pas voulu adopter la monnaie unique s’interrogent à leur tour.

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