Il s'agit de la Commission nationale de la négociation collective et du Comité supérieur de l'emploi. La Commission supérieure de codification ne remplace pas ces organismes institués par la loi !
Ma deuxième observation, plus importante encore, porte sur le fait que la codification doit se faire à droit constant. C'est d'ailleurs ce qu'avait promis devant l'Assemblée nationale, le 26 juin 2006, M. Jean-Louis Borloo, alors ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, et donc en charge des questions du droit du travail.
Cette question de codification à droit constant a été très bien définie par une formule de Guy Braibant. Selon lui, à cette occasion, on ne réforme pas, on reforme ! Or - cela a été dit avant moi et les exemples abondent -, dans le cas présent, on a soit ajouté, soit retranché, soit modifié, mais le travail de recodification n'a pas été fait à droit constant !
Je ne citerai qu'un exemple qui, pour l'instant, n'a pas été donné au cours du débat. Ainsi, l'un des cinq critères de représentativité des syndicats - l'attitude patriotique pendant l'Occupation - est supprimé.
Certes, cette formulation peut paraître anachronique. Cela ne signifie pas pour autant que le critère soit devenu obsolète. Bien au contraire ! Il a d'ailleurs été maintenu dans la loi du 13 novembre 1982 relative à la négociation collective et au règlement des conflits collectifs du travail, alors qu'il était déjà possible, à cette époque, d'évoquer l'anachronisme d'un tel critère et de remplacer celui-ci par un autre. Dans l'immédiat après-guerre, adhérer aux valeurs de la République française, c'était nécessairement avoir eu une attitude patriotique pendant l'Occupation. C'est pourquoi ce critère avait été conservé.
Doit-on aujourd'hui le supprimer ? Non ! La Cour de cassation, lorsqu'elle a eu à statuer sur cette question, notamment à propos de syndicats issus du Front national - en particulier le « Front national de la Police » -, ne s'est pas contentée d'affirmer que ces organisations, en ce qu'elles étaient l'émanation de partis politiques, ne pouvaient être qualifiées de syndicats. Elle a ajouté que les valeurs défendues par ces syndicats étaient contraires à un certain nombre de principes essentiels de notre système juridique.
Cela démontre que la question de l'attachement d'un syndicat à certaines valeurs fondamentales de la République française n'est pas une question obsolète et que le critère de représentativité doit perdurer. Or vous le supprimez, alors qu'il n'y avait, en l'occurrence, aucune raison de le faire !
Incontestablement, monsieur le ministre, sur ce point précis, vous avez modifié le droit positif. Cela n'a d'ailleurs pas échappé à une partie de la doctrine qui s'est ouvertement interrogée ; je pense en particulier à Hervé Moysan, dans la Semaine juridique-Social du 11 avril 2007.
Ma troisième observation porte sur la codification elle-même. Alors qu'elle devrait avoir pour objet de « reformer » le code, elle consiste ici en une réécriture totale ! Vous l'avez d'ailleurs dit vous-même, monsieur le ministre. C'était pour vous un point positif ; pour nous, ce n'est pas aussi positif que cela !
En effet, des articles sont éclatés, déplacés, parfois au mot près, de nouveaux chapitres sont créés ; surtout, le Gouvernement a procédé à un déclassement important d'articles législatifs en articles réglementaires. Je remarque que, curieusement, il n'en est pas fait état dans le rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance.
Le Conseil d'État n'admet pas une telle pratique, et vous le savez, monsieur le ministre ! Le Gouvernement ne peut pas, de lui-même, déclasser ainsi des articles législatifs en articles réglementaires. Seuls le Conseil constitutionnel et le Parlement sont habilités à le faire. C'est, me direz-vous, l'une des raisons pour lesquelles nous sommes aujourd'hui invités à débattre...
Un nombre important de déclassements a été opéré. Parmi ceux-ci figurent des règles dont on ne voit pas comment elles pourraient relever de la compétence réglementaire. Il en va ainsi d'une série de dispositions relatives au statut des journalistes qui ont été déclassées, mais dont le caractère désormais réglementaire apparaît d'autant plus injustifié que le statut des journalistes participe de la liberté de la presse, c'est-à-dire d'une liberté qui a une valeur constitutionnelle et dont l'aménagement relève par essence de la compétence du législateur.
Ce matin, en commission, un amendement a été déposé par le Gouvernement afin de réintroduire dans la partie législative un certain nombre d'articles qui avaient été déclassés dans la partie réglementaire. Cela montre bien, monsieur le ministre, la précipitation dans laquelle le travail a été accompli, sans beaucoup de ligne politique !
Il résulte de tout cela une très grande complexité qui est contraire à deux objectifs de nature constitutionnelle, rappelés plusieurs fois par le Conseil constitutionnel : d'une part, la lisibilité du doit et, d'autre part, la sécurité juridique.
Monsieur le ministre, vos propos introductifs sur ce point sont largement démentis par la façon dont se présente la nouvelle codification du code du travail. C'est d'autant plus grave et regrettable que les usagers du code du travail, ceux qui y sont assujettis - les salariés, les directeurs des ressources humaines dans les entreprises - et ceux qui le font respecter - conseils des prud'hommes, conseillers prud'homaux élus par les employeurs et par les salariés, greffiers des conseils des prud'hommes qui assistent les conseillers prud'homaux -, devront tous manier un code nouveau qui leur posera de grandes difficultés de lecture, de compréhension et d'application, ...