Monsieur le président, j’en appelle à votre clémence si je devais dépasser le temps de parole qui m’est imparti. Il me semble important de situer le débat de façon à ce que nous puissions aller plus vite lors de la discussion des nombreux amendements qui ont été déposés sur cet article. J’ose espérer que ces différentes prises de parole, y compris celles du ministre, du rapporteur pour avis et la mienne, le permettront.
Je rappelle à M. le ministre et à l’ensemble de nos collègues que la commission des affaires économiques et la commission des lois saisie pour avis n’ont pas du tout voulu détricoter, enterrer, inhumer ou faire disparaître la loi SRU. L’article 55 de la loi SRU a été un déclencheur, comme l’a dit Valérie Létard, qui a permis de faire prendre conscience à un certain nombre de territoires de la nécessité de construire non seulement des logements, mais aussi des logements sociaux.
Cependant, entre 2000, où a été fixé un objectif de 20 %, et 2013, où celui-ci a été porté à 25 % d’ici à 2025, la situation a considérablement évolué. C’est parce que ces délais sont devenus irréalistes et inatteignables pour un certain nombre de communes et que l’on risque de voir très rapidement augmenter le nombre de communes carencées, alors même que celles-ci auront consenti des efforts considérables pour produire du logement, y compris du logement social, que nous avons voulu prendre en compte la réalité exprimée dans les territoires. Ainsi, plutôt que de braquer les maires, de les décourager ou de les démoraliser, nous avons choisi de les accompagner et de leur donner une bouffée d’oxygène.
Certes, l’objectif de 25 % de logements sociaux demeure, mais un certain nombre d’assouplissements et d’adaptations sont mis en place qui leur permettront d’atteindre plus facilement cet objectif, ce qui leur est impossible aujourd’hui. C’est pourquoi, à notre sens, l’article 55 de la loi SRU n’est pas un dogme immuable.
La problématique des décomptes des logements sociaux est la seule « accroche » que vous ayez placée dans votre texte pour mentionner la loi SRU, monsieur le ministre. Au cours de la conférence de consensus sur le logement, nous vous avons alerté sur le fait qu’il était impossible d’aborder un texte sur le logement aussi important que celui-ci sans que nous puissions évoquer la loi SRU. Vous nous avez entendus et modifié la durée du décompte des logements sociaux, la portant de cinq à dix ans.
Nous avons souhaité aller un petit peu plus loin, sans pour autant dénaturer ce que doit rester un décompte de logements sociaux, en ajoutant trois cas à la liste existante : premièrement, les logements occupés par les titulaires d’un PSLA pendant une durée de dix ans ; deuxièmement, les logements objets d’un bail réel solidaire, parce que l’occupant de ce logement est soumis à des conditions de ressources ; troisièmement, sur proposition de la commission des lois, comme l’a rappelé Marc-Philippe Daubresse, les places d’hébergement d’urgence, conformément à ce qui a été voté dans le projet de loi Asile et immigration voilà quelques semaines.
Nous sommes bien convenus que nous n’allongerions pas davantage le décompte des logements sociaux. Par conséquent, la commission émettra un avis défavorable sur tous les amendements visant à compléter cette liste.
Par ailleurs, comme l’a montré le CGEDD dans son rapport, le calendrier de rattrapage prévu pour la réalisation des objectifs de logements sociaux est tout simplement irréaliste et risque de décourager les communes qui font des efforts. Ainsi, une commune décidée à remplir les objectifs inscrits dans la loi SRU aurait un seul triennat pour remplir 50 % des objectifs, mais plusieurs autres pour remplir les 50 % restants.
Soucieuse de prendre cet aspect en considération, la commission des affaires économiques a proposé d’insérer deux paliers supplémentaires de trois ans dans le calendrier de rattrapage et de tenue des objectifs de la loi SRU, pour pouvoir aller jusqu’en 2031, et non plus 2025, avec deux échéances intermédiaires, 2028 et 2031.
Vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, la réforme territoriale est passée par là, en favorisant le regroupement des communes ou le développement des EPCI, ce qui a conduit bon nombre de communes à être désormais soumises aux dispositions de la loi SRU. Je pense plus particulièrement aux communes nouvelles et aux communes entrantes, qui n’ont été intégrées au dispositif qu’à partir du 1er janvier 2015. Par souci d’équité, nous avons souhaité que ces communes puissent, pour tenir les objectifs de 25 % de logements sociaux, disposer du même laps de temps que les communes entrées dans le dispositif depuis 2000. C’est la raison pour laquelle, pour les communes entrantes et les communes nouvelles, et uniquement pour celles-là, nous avons desserré le calendrier, en reportant l’échéance à 2040. Cela permettra de donner exactement le même nombre d’années pour atteindre les objectifs que celui qu’ont eu les communes entrées à partir de 2000.
Qui plus est, la commission a souhaité uniformiser les seuils d’application de la loi SRU, en prévoyant que sont désormais concernées, et donc uniformément, les communes de plus de 3 500 habitants. C’est une disposition que j’avais déjà portée par amendement dans la loi Égalité et citoyenneté. Votée, ici même, par la majorité sénatoriale, elle n’avait pas été conservée par l’Assemblée nationale.
En outre, la commission a proposé de mettre en place une expérimentation, sur laquelle nous avions commencé à travailler dans le cadre de la loi Égalité et citoyenneté, à ceci près que, dans cette même loi, il s’agissait non d’une expérimentation, mais d’une obligation, et que l’objectif de réalisation de 25 % de logements sociaux n’avait pas été maintenu.
Cette expérimentation fonctionne sur la base du volontariat et pour une durée de six ans. Elle vise à permettre à une commune ayant atteint 15 % de logements sociaux et devant toujours remplir l’objectif de 25 %, de conclure, avec le préfet, un contrat d’objectifs et de moyens. Ce dernier déterminerait le nombre de triennats nécessaires pour atteindre ce taux de 25 %, ainsi que les objectifs de réalisation de logements locatifs sociaux que la commune s’engage à respecter pour chaque triennat, et ce au regard des critères suivants, qui nous semblent réalistes : le nombre de demandes de logements sociaux enregistrées dans la commune, la vacance constatée ou non dans le parc social, les capacités tant foncières que financières de la commune.
La commission des affaires économiques a souhaité émettre un avis favorable sur l’amendement n° 519 rectifié de Marc-Philippe Daubresse, qu’il nous présentera en sa qualité de rapporteur pour avis de la commission des lois. Il s’agit là d’une nouvelle expérimentation, ce qui supposera éventuellement de choisir entre l’une et l’autre : toujours sur la base du volontariat, toujours pour une durée de six ans, elle ouvre la possibilité de mutualiser, au niveau de l’EPCI, le stock restant à construire pour passer de 20 % à 25 % de logements sociaux. Je me prononcerai également en faveur des deux sous-amendements déposés sur cet amendement, portés respectivement par Vincent Capo-Canellas et Valérie Létard.
Je serai, de plus, favorable à l’amendement n° 659 rectifié de Philippe Dallier, qui tend à fixer le taux à 20 % pour les communes bénéficiant de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, dans lesquelles le taux de pauvreté des ménages dépasse 25 % dans le parc locatif. Cette proposition, si elle amorce un changement de paradigme, nous semble suffisamment encadrée pour être raisonnable et réaliste.
Telle est la position de la commission des lois. Elle se veut pragmatique, réaliste, pour permettre aux maires de réaliser leurs obligations en matière de construction de logements sociaux à hauteur de 25 %, mais dans de bien meilleures conditions qu’actuellement. Il ne s’agit en aucun cas, je le répète, et nous nous sommes tous engagés sur ce point, d’exonérer les maires de leurs obligations. Les maires sont responsables, et ils continueront à s’inscrire dans la volonté de construire du logement social.
C’est la raison pour laquelle, vous ayant expliqué sa position, en liaison avec celle de la commission des lois, la commission des affaires économiques formulera, sur tous les autres amendements, soit une demande de retrait, soit un avis défavorable.